La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2021 | FRANCE | N°21LY00589

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 14 octobre 2021, 21LY00589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 29 janvier 2021 par lesquelles la préfète de l'Allier l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence, d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de

mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 29 janvier 2021 par lesquelles la préfète de l'Allier l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence, d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100181 du 5 février 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions de la préfète de l'Allier du 29 janvier 2021 refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et l'assignant à résidence et a rejeté le surplus de la demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 février 2021, sous le numéro 21LY00589, M. A..., représenté par Me Place, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100181 du 5 février 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions de la préfète de l'Allier du 29 janvier 2021 l'obligeant à quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- la préfète de l'Allier ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre la décision contestée ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au risque de fuite et en raison de l'absence de perspective d'éloignement vers l'Algérie du fait de la fermeture des frontières et de la suppression des liaisons aériennes ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2021, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- en toute hypothèse, la décision portant obligation de quitter le territoire français pouvait être légalement prise sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de sorte qu'il pourrait être opéré, le cas échéant, une substitution de base légale ;

- le contexte de crise sanitaire ne constitue pas un motif justifiant l'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire et assignation à résidence.

II. Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, sous le numéro 21LY00685, le préfet de l'Allier demande à la cour d'annuler le jugement n° 2100181 du 5 février 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il annule ses décisions du 29 janvier 2021 refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et l'assignant à résidence.

Il soutient que :

- l'exécution des mesures d'éloignement à destination de l'Algérie a repris de sorte qu'il existait une perspective d'éloignement de M. A... à la date de la décision ;

- M. A... étant en possession d'un passeport en cours de validité, son éloignement peut être rapidement mis à exécution ;

- le contexte de crise sanitaire ne constitue pas un motif justifiant l'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire et assignation à résidence.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d'autre part, conclu le 22 avril 2002 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les observations de Me Place, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 16 novembre 1979, déclare être entré en France le 12 décembre 2015. En octobre 2017, il a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 4 novembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Par une ordonnance du 2 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le 28 janvier 2021, M. A... a été interpellé et placé en garde à vue à la suite d'un contrôle routier alors qu'il conduisait un véhicule sans permis de conduire. Le 29 janvier 2021, la préfète de l'Allier, par deux arrêtés distincts, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence. Le préfet de l'Allier fait appel du jugement du 5 février 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il annule les décisions refusant à l'intéressé un délai de départ volontaire et l'assignant à résidence et M. A... fait appel du même jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

2. La requête n° 21LY00589, présentée pour M. A..., et la requête n° 21LY00685, présentée par le préfet de l'Allier, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes applicables à la situation de M. A... et mentionne les éléments de fait sur lesquels elle se fonde, en précisant en particulier les conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé ainsi que des éléments relatifs à sa situation personnelle. La préfète de l'Allier, qui au demeurant n'était pas tenue de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision litigieuse. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Allier n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° du I de cet article. Tel est le cas, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.

7. Il est constant que M. A... a fait l'objet, par un arrêté du 4 novembre 2018 du préfet des Hauts-de-Seine d'un refus de délivrance de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Dès lors, pour prendre la décision contestée du 29 janvier 2021 obligeant de nouveau l'intéressé à quitter le territoire français, la préfète de l'Allier pouvait légalement se fonder, eu égard notamment au maintien de l'intéressé sur le territoire depuis ce refus de titre de séjour, sur les dispositions alors en vigueur du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette décision a été prise postérieurement au refus de titre de séjour.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

9. M. A... fait valoir qu'il souffre d'un glaucome chronique pour lequel il bénéficie d'un suivi médical régulier en France. Toutefois, ni l'attestation du 12 janvier 2019 d'un ophtalmologiste algérien, selon lequel les moyens médicaux et en termes d'appareillage sont limités en Algérie, ni celles établies le 26 décembre 2016 par un même praticien et le 3 février 2021 par un médecin généraliste, et dépourvues de toute précision à cet égard, ne permettent de tenir pour établi que M. A... ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie pour le suivi de sa pathologie oculaire alors que la préfète de l'Allier a produit, en première instance, des éléments démontrant que des structures médicales algériennes assurent la prise en charge et le suivi des glaucomes. En outre, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 26 juillet 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des certificats médicaux qu'il produit, que sa pathologie oculaire se serait aggravée depuis lors. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si M. A... soutient qu'il occupe un emploi depuis le mois d'octobre 2020 en qualité de technicien de fibre optique, il est constant qu'il exerce ce travail irrégulièrement, sans avoir cherché à régulariser sa situation administrative. En outre, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas de liens intenses, stables et anciens en France. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, pays où réside notamment sa mère et où il a lui-même vécu pour l'essentiel. Enfin, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dans l'impossibilité de bénéficier des soins que requiert son état de santé en cas de retour en Algérie. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, la mesure d'éloignement contestée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même, et pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que la préfète de l'Allier aurait entaché la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 4 novembre 2018 par le préfet des Hauts-de-Seine. C'est donc sans commettre d'erreur dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète l'a obligé à quitter le territoire sans délai. M. A... ne fait état d'aucune circonstance particulière qui aurait justifié que la préfète de l'Allier lui accordât un délai de départ volontaire. Le fait qu'en raison de l'épidémie de covid-19, il n'y avait, à la date de la décision attaquée, aucune liaison aérienne et maritime avec l'Algérie, est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de la décision attaquée, mais demeure sans incidence sur sa légalité et ne saurait, par suite, caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de la part de la préfète de l'Allier dans l'application de ces dispositions.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, pour ce motif, la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.

15. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la cour.

En ce qui concerne l'autre moyen soulevé par M. A... :

16. La décision contestée, qui vise le d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. A... n'a pas déféré à la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et est, dès lors, suffisamment motivée.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

17. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'étant pas illégales, M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle lui interdisant le retour sur le territoire français.

18. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

19. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. Il ressort des termes mêmes de la décision portant interdiction de retour sur le territoire de deux ans, prise sur le fondement du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elles visent, que la préfète de l'Allier a examiné les quatre critères mentionnés par ces dispositions, en relevant que M. A... était arrivé en France le 12 décembre 2015, soit depuis cinq ans, où il s'est maintenu irrégulièrement et ne justifiait d'aucun lien stable et intense en France, qu'il avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'avait pas exécutée et que, s'il ne présentait pas de menace pour l'ordre public, il y avait cependant lieu de prononcer une interdiction de retour en France d'une durée de deux ans à son encontre. La décision litigieuse, qui mentionne les dispositions sur lesquelles elle se fonde et fait état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels la préfete l'a édictée, dans son principe et dans sa durée, est, par suite, suffisamment motivée.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision contestée, que la préfète de l'Allier s'est livrée à un examen particulier de la situation de M. A....

22. En dernier lieu, comme il a été dit plus haut, M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 4 novembre 2018 et qu'il n'a pas exécutée. En outre, l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'établit pas disposer en France d'attaches privées et familiales intenses, stables et anciennes. Dans ces conditions, la préfète n'a pas fait une inexacte application des dispositions du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

23. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; 6° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire ; (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis. " Aux termes du 1 de l'article 84 de l'accord euro-méditerranéen du 22 avril 2002 : " (...) L'Algérie, d'une part, et chaque Etat membre de la Communauté, d'autre part, acceptent de réadmettre leurs ressortissants présents illégalement sur le territoire de l'autre partie, après accomplissement des procédures d'identification nécessaires. (...) ".

24. Si à la date de la décision en litige, le 29 janvier 2021, la France se trouvait dans une situation sanitaire exceptionnelle eu égard à l'épidémie de covid-19, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fermeture des frontières, notamment aériennes, avec l'Algérie en raison de la situation sanitaire aurait rendu impossible le retour des ressortissants algériens en situation irrégulière vers leur pays d'origine, alors, au demeurant, qu'en vertu, en vertu de l'article 84 de l'accord d'association du 22 avril 2002 cité ci-dessus, dont il est constant que l'exécution n'a pas été suspendue par l'Algérie, cet Etat s'est engagé à réadmettre ses ressortissants présents illégalement sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne après accomplissement des procédures d'identification nécessaires. En outre, la mesure d'assignation à résidence pouvant, en cas de renouvellement, atteindre une durée totale de quatre-vingt-dix jours, la perspective d'un éloignement durant cette durée demeurait ainsi une perspective raisonnable au sens des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur. Dans ces conditions, le préfet de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accueilli le moyen tiré de l'absence de perspective raisonnable d'un éloignement de l'intéressé à destination de l'Algérie pour annuler la décision d'assignation à résidence, à l'encontre de laquelle M. A... n'a formulé aucun autre moyen en première instance ou en appel.

25. Par suite, en l'absence d'autres moyens soulevés par M. A... susceptibles d'être examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le préfet de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 assignant M. A... à résidence.

26. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 février 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions du 29 janvier 2021 par lesquelles il a privé M. A... de délai de départ volontaire et l'a assigné à résidence. En revanche, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 2100181 du 5 février 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et sa requête d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

2

N° 21LY00589...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00589
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PLACE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;21ly00589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award