La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2021 | FRANCE | N°19LY02723

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 14 octobre 2021, 19LY02723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 août 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne lui a refusé l'autorisation de prolonger son activité au-delà de l'âge limite, d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne lui a opposé un nouveau refus portant sur le même objet, d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le directeur du même centre hospi

talier l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 23 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 août 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne lui a refusé l'autorisation de prolonger son activité au-delà de l'âge limite, d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne lui a opposé un nouveau refus portant sur le même objet, d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le directeur du même centre hospitalier l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 23 janvier 2018, et d'enjoindre à l'établissement de faire droit à sa demande de prolongation d'activité, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne les frais des instances.

Par un jugement n° 1705922, 1707321, 181773 lu le 21 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait partiellement droit à sa demande en annulant les décisions des 16 août 2017 et 22 janvier 2018 et en enjoignant au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne de l'autoriser à prolonger son activité sous réserve qu'elle remplisse, à la date du jugement, les conditions d'aptitude et d'âge, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2019, et des mémoires enregistrés les 6 novembre 2020, 15 décembre 2020, et 28 janvier 2021, le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne, représenté par Me Brocheton, demande à la cour :

- d'annuler ce jugement lu le 21 mai 2019 en tant qu'il a annulé les décisions des 16 août 2017 et 22 janvier 2018 et lui a enjoint d'autoriser Mme E... à prolonger son activité ;

- de rejeter les conclusions de Mme E... en première instance dirigées contre les décisions des 16 août 2017 et 22 janvier 2018 ;

- dans le dernier état des écritures, de rejeter les conclusions incidentes en appel de Mme E... ;

- de mettre à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros, à tout le moins un minimum de principe, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en omettant de se prononcer sur l'ensemble des pièces médicales produites ;

- le tribunal s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en retenant l'aptitude physique de l'intéressée aux fonctions qu'elle exerçait dans l'établissement ;

- la prolongation de l'activité de Mme E... n'est pas conforme à l'intérêt du service ;

- les motifs opposés à la demande de Mme E... tirés de la prolongation de l'exposition de l'intéressée au risque de pathologie imputable au service, de l'impact de cette pathologie sur l'exercice normal des fonctions d'infirmier dans le service, de l'absence de droit à un aménagement de poste et de l'inaptitude à la poursuite de l'activité sont fondés ;

- l'absence d'intérêt du service, pour lequel le directeur du centre hospitalier conserve un large pouvoir d'appréciation qui n'est pas contesté par Mme E..., à conserver celle-ci en activité est établie ;

- la décision du 22 janvier 2018 ne pouvait être annulée par voie de conséquence, la décision du 16 août 2017 étant légale ;

- il est établi qu'à compter du 2 mars 2020 l'état de santé de Mme E... a fait obstacle à sa reprise effective de fonctions ;

- Mme E... ne peut contester l'avis émis le 12 juin 2017 par le docteur B... alors qu'elle n'a jamais transmis à ce praticien les pièces justificatives qui lui étaient demandées ;

- l'avis émis le 8 juillet 2020 par le docteur F... établit son inaptitude aux fonctions d'infirmière hospitalière ;

- ses conditions d'emploi durant trois épisodes d'activité dans un établissement privé n'établissent pas sa capacité à assurer la charge d'un service soutenu au centre hospitalier ;

- les conclusions de Mme E..., par la voie de l'appel incident, tendant à sa reconstitution de carrière, ne pourront qu'être rejetées, l'intéressée n'ayant pas accompli effectivement de service au titre d'une autorisation de prolongation d'activité entre le 23 janvier 2018 et le 22 juillet 2019.

Par des mémoires enregistrés les 27 août 2020, 16 novembre 2020, 25 janvier 2021 et 1er mars 2021, Mme E..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- d'annuler le jugement lu le 21 mai 2019 en tant qu'il omet de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne de la réintégrer physiquement dans ses effectifs et juridiquement en reconstituant sa carrière ;

- d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne de reconstituer sa carrière ;

- de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'erreur de droit ;

- elle est apte à exercer son activité professionnelle ainsi qu'elle en justifie par l'exercice de son activité dans un établissement privé après le refus de prolongation d'activité et par l'avis émis le 8 juillet 2020 par le docteur F... ;

- le docteur B..., dont elle n'a eu communication de l'avis qu'après ce refus, ne s'est jamais prononcé sur son aptitude de manière définitive ;

- son état de santé actuel ne peut être pris en compte pour justifier la décision du 16 août 2017 ;

- le centre hospitalier porte la responsabilité de conditions de travail faisant obstacle à la poursuite de son activité dans l'établissement ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Brocheton, pour le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 septembre 2021, présentée pour Mme E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée par contrat le 1er mars 2001 par le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne, Mme E..., née le 22 avril 1957, a été titularisée dans les fonctions d'infirmière le 1er novembre 2003. En réponse à la correspondance du 14 février 2017 par laquelle le directeur de l'établissement l'informait de ce qu'elle atteindrait la limite d'âge de son grade le 22 janvier 2018, Mme E... a sollicité, le 27 février 2017, l'autorisation de poursuivre son activité sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984. Le directeur a rejeté cette demande par une décision du 16 août 2017. Par une décision du 14 novembre 2017, une seconde demande de Mme E..., sur le fondement de l'article 1-3 de la même loi, a été rejetée. Enfin, par une décision du 22 janvier 2018, le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a admis Mme E... à faire valoir ses droits à la retraite. Par un jugement n° 1705922, 1707321, 181773 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux demandes de Mme E... tendant à l'annulation des décisions des 16 août 2017 et 22 janvier 2018, a enjoint au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne de l'autoriser à prolonger son activité sous réserve qu'elle remplisse, à la date du jugement, les conditions d'aptitude et d'âge, et a rejeté la demande de l'intéressée dirigée contre la décision du 14 novembre 2017, ainsi que le surplus de ses conclusions. Le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne demande l'annulation du jugement du 21 mai 2019 en tant qu'il prononce ces annulations et cette injonction. Par la voie de l'appel incident, Mme E... demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne de reconstituer sa carrière pour la constitution de ses droits à pension.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article premier de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'État, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'État est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 1-1 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions une faculté laissée à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de maintenir en activité, au-delà de la limite d'âge, un fonctionnaire qui le demande et justifie de son aptitude physique, eu égard à l'intérêt du service et à la manière de servir de l'intéressé, et non un droit pour celui-ci.

4. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour prononcer l'annulation de la décision en litige du 16 août 2017, et par voie de conséquence celle de la décision du 22 janvier 2018, les premiers juges ont regardé comme établie l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a fondé les cinq motifs du refus d'autorisation de prolongation d'activité sollicitée par l'intéressée.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si, par une décision du 6 avril 2017, le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a reconnu imputable au service un syndrome du canal carpien pour lequel Mme E... a subi une intervention chirurgicale le 28 juin 2013, l'intéressée justifie, par les certificats médicaux du chirurgien en date du 29 mai 2017 et du docteur C... en date du 14 juin 2017, d'une guérison sans séquelles ni arrêt de travail postérieur au 26 août 2013 consécutif à cette pathologie. Ainsi, sans en tout état de cause que l'antériorité de l'accident de service puisse légalement être prise en compte au nombre des motifs sur lesquels peut se fonder un refus d'autorisation de prolongation d'activité en application des dispositions précitées au point 2, il n'est pas établi que le maintien de Mme E... dans ses fonctions au centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne aurait eu pour conséquence de l'exposer à un risque de récidive de cette pathologie. C'est dès lors en retenant des faits inexacts que le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a regardé l'intéressée inapte au service en raison de cette pathologie pour rejeter sa demande par les deux premiers motifs de la décision en litige. Il ressort toutefois des motifs de la décision en litige que le directeur du centre hospitalier aurait pris la même décision en ne retenant que l'un ou l'autre des quatre autres motifs.

6. En deuxième lieu, s'il ressort du certificat médical en date du 17 mai 2017 du docteur D..., médecin généraliste agréé, que Mme E... semblait à cette date posséder les aptitudes compatibles avec un emploi d'infirmière sans par ailleurs présenter de signes d'une maladie en évolution, il ressort du rapport en date du 12 juin 2017 du docteur B..., médecin agréé, que les doutes émis par celui-ci sur l'aptitude de l'intéressée à assurer ses fonctions dans l'établissement au regard de son historique médical n'ont pu être levés, du fait du défaut de transmission des éléments complémentaires réclamés à la suite de sa consultation alors que Mme E... n'établit pas que ce rapport, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, ne lui a pas été transmis le 25 août 2017 par le courrier, produit par l'intéressée en première instance, du directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne comme celui-ci le fait valoir en défense. L'avis du médecin de prévention, en date du 9 mai 2017, qui doit être regardé comme statuant sur l'aptitude générale de Mme E... dès lors qu'il n'y est pas fait mention de la pathologie traitée en 2013, indique la nécessité de changer Mme E... de service pour préserver sa santé au travail. La circonstance, postérieure à la décision en litige et dont en tout état de cause Mme E... ne peut utilement se prévaloir, qu'elle ait pu assurer des fonctions intérimaires d'infirmière dans d'autres établissements, dans un autre environnement et d'autres conditions de travail, ne saurait justifier de l'aptitude physique de l'intéressée à assurer, dans le cadre d'une prolongation d'activité pour laquelle l'établissement n'est pas tenu d'aménager le poste ainsi qu'il est mentionné dans le troisième motif de la décision en litige, les fonctions qu'elle occupait au centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne à la date du 16 août 2017. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a regardé comme fondé le moyen de Mme E... tiré de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a pu opposer l'inaptitude physique de Mme E... à sa demande de prolongation de l'activité qu'elle exerçait dans l'établissement.

7. En troisième lieu, la légalité d'une décision s'apprécie au regard des textes en vigueur et des circonstances de fait existantes à la date de son intervention. Dès lors, les premiers juges ne pouvaient, ainsi qu'il apparaît dans les motifs du jugement attaqué, tirer d'une appréciation de la manière de servir de Mme E... postérieurement à la décision en litige, dans des fonctions différentes et dans un établissement tiers, l'inexactitude des griefs retenus par le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne pour, dans le dernier motif de sa décision, opposer son appréciation de l'intérêt du service à la demande de prolongation d'activité de l'intéressée.

8. C'est dès lors à tort que le tribunal s'est fondé sur l'inexactitude matérielle des faits à l'origine de chacun des quatre motifs déterminants de la décision du 16 août 2017 pour annuler celle-ci et, par voie de conséquence, celle du 22 janvier 2018.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... en première instance.

Sur la légalité de la décision en litige du 16 août 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

10. En premier lieu, à supposer même qu'elle puisse être utilement invoquée par Mme E..., la circulaire du 25 février 2010 n'a pas pour portée d'imposer à l'administration de fournir à l'agent la liste des médecins agréés pour l'établissement du certificat médical que le demandeur doit, en application de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 susvisé, produire à l'appui de sa demande mais uniquement de limiter le choix dudit demandeur à un médecin agréé, choix qui au demeurant a été exercé par Mme E..., laquelle a produit le certificat en date du 17 mai 2017 du docteur D..., mentionné au point 6, et qui n'est pas son médecin traitant.

11. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme E..., en cas de désaccord sur les conclusions du médecin agréé, la saisine du comité médical mentionnée par la circulaire, qui en tout état de cause ne saurait légalement imposer à l'administration une procédure qui ne ressort pas du texte que cette circulaire a pour objet d'expliciter, reste une simple faculté ouverte à l'initiative de l'administration ou de l'agent. La circonstance que, pour éclairer le pouvoir d'appréciation qu'il exerce en la matière, le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne ait sollicité l'avis d'un autre médecin agréé n'entache pas la décision en litige d'un vice de procédure.

12. En troisième lieu, si aucun texte ne prévoit une évaluation professionnelle du fonctionnaire qui sollicite une prolongation d'activité préalablement à celle-ci, aucun texte ne fait obstacle à ce que soient recueillis des avis et éléments d'information sur la manière de servir du demandeur en vue d'éclairer l'appréciation du chef de service sur l'intérêt de ce dernier à une prolongation de l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions au-delà de la limite d'âge de son grade. L'évaluation, sous forme d'un entretien au cours duquel Mme E... a pu être assistée par la représentante syndicale qu'elle avait choisie et formuler ses observations, n'était dès lors pas soumise à la procédure applicable à l'évaluation professionnelle périodique des fonctionnaires en cours de carrière. Enfin, la circonstance que cet entretien ait été organisé à l'initiative du directeur des ressources humaines qui, par ailleurs, avait émis pour sa part un avis favorable à la demande de Mme E..., est sans incidence sur la régularité de la décision en litige.

13. Il résulte de ce qui précède aux points 10, 11 et 12 que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 16 août 2017 serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant des motifs de la décision en litige tirés de la maladie reconnue imputable au service :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 4, et par les mêmes motifs, en regardant Mme E... comme inapte au service en raison, d'une part, de la pathologie du canal carpien reconnue imputable au service par une décision du 6 avril 2017, et non ainsi qu'il est mentionné dans la décision du 16 août 2017 par un jugement du tribunal administratif lu le 14 mars 2017, d'autre part des conséquences de cette maladie dont l'intéressée est guérie sans séquelles, pour rejeter sa demande par la décision en litige, le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a fondé les deux premiers motifs de cette dernière sur des faits matériellement inexacts.

15. Il ressort toutefois de la motivation de la décision en litige et des écritures contentieuses du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le directeur aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur chacun des trois autres motifs de cette décision.

S'agissant du motif de la décision en litige tiré de l'absence de droit à l'aménagement de poste :

16. Les dispositions précitées spécifiques applicables au fonctionnaire en prolongation d'activité, qui est accordée au regard du poste occupé, ne font en tout état de cause pas peser sur l'administration une obligation de reclassement du demandeur dans un poste aménagé, que Mme E... n'a par ailleurs pas sollicité dans sa demande. Il s'ensuit que ce motif, surabondant, est à lui seul insusceptible de fonder la décision en litige.

S'agissant du motif de la décision en litige tiré de l'inaptitude physique de Mme E... à ses fonctions :

17. Ainsi qu'il a été dit au point 6, et si Mme E... ne peut utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles elle a pu exercer postérieurement à la décision en litige des fonctions intérimaires d'infirmière dans d'autres établissements non plus que de certificats médicaux postérieurs, il ressort des pièces du dossier que le médecin agréé de l'administration, quoiqu'il n'ait pu rendre ses conclusions définitives après avoir examiné l'intéressée le 12 juin 2017 avant l'intervention de la décision du 16 août 2017, a néanmoins relevé dans son avis adressé au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne quarante-neuf jours de congés de maladie ordinaire pris par l'intéressée en 2014, quarante-quatre jours en 2015 et trente-six jours en 2016, périodes, postérieures à sa guérison du syndrome du canal carpien, pour lesquelles il n'a pas été en mesure, faute d'éléments, d'en apprécier les incidences sur l'aptitude de Mme E... à la poursuite de son activité professionnelle. L'avis émis le 3 mai 2017 par le médecin de prévention indique la nécessité de changer Mme E... de service, sans mention de maladie professionnelle. Dans ces conditions, alors que Mme E... ne produit aucun élément de nature à remettre sérieusement en cause ces constatations et indications, c'est sans entacher d'erreur manifeste son appréciation de l'aptitude physique de Mme E..., laquelle ne saurait se présumer, à poursuivre l'exercice des mêmes fonctions au-delà de l'âge limite de son grade, que le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a opposé, par ce motif, un refus à sa demande de prolongation d'activité. Il ressort des termes de la décision en litige que le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne aurait, s'il n'avait retenu que ce seul motif, pris la même décision de refus.

S'agissant du motif de la décision en litige tiré de l'intérêt du service :

18. L'intérêt du service doit être apprécié, en l'espèce, non au regard du maintien de l'infirmière en poste dans l'état de son activité à la date de la décision en litige, mais en considération des évolutions du service et de l'adéquation des compétences et de la manière de servir du demandeur de la prolongation d'activité avec celles-ci.

19. Il ressort des pièces du dossier que le service de médecine interne rhumatologie du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne où était affectée Mme E..., sous stratégie de renouvellement, connaissait à la date de la décision en litige un alourdissement quantitatif et technique dans la prise en charge des patients. Mme E..., qui ne peut utilement faire valoir des attestations et témoignages postérieurs et de surcroît émanant pour la plupart de tiers ou usagers du service, n'établit pas le défaut de réalité des appréciations négatives portées, à la date de la décision en litige, par ses supérieurs hiérarchiques sur sa manière générale de servir et ses compétences techniques et notamment ses difficultés à accompagner l'évolution du contenu des fonctions qu'elle exerçait, suivant celle du service, alors même qu'ainsi qu'il a été dit au point 17 le médecin de prévention avait auparavant préconisé un changement de service pour assortir sa prolongation d'activité. C'est dès lors sans entacher d'erreur manifeste son appréciation de l'intérêt du service que le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne a opposé, par ce dernier motif, un refus à la demande de prolongation d'activité de Mme E... dans l'exercice des mêmes fonctions au-delà de l'âge limite de son grade. Il ressort des termes de la décision en litige que le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne aurait également, s'il n'avait retenu que ce seul motif, pris la même décision de refus.

Sur la légalité de la décision en litige du 22 janvier 2018 :

20. Il résulte de ce qui a été dit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision en litige du 22 janvier 2018, sur l'illégalité de la décision du 16 août 2017.

21. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme E... à l'appui de ses conclusions en première instance dirigées contre cette décision.

22. La décision en litige du 22 janvier 2018 a pour objet d'admettre Mme E... à faire valoir ses droits à la retraite auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Si elle a pour effet d'emporter par voie de conséquence la radiation des cadres de l'intéressée à compter de la date d'effet du 23 janvier 2018 qu'elle fixe, elle ne saurait en revanche avoir pour effet de statuer sur les droits à pension de celle-ci en lui attribuant une pension de retraite, dont il est d'ailleurs constant, et rappelé dans la décision en litige, que Mme E... ne l'avait pas sollicitée à la date d'intervention de cette décision. Par ailleurs, d'une part, il n'est pas contesté qu'au 23 janvier 2018 Mme E..., née le 22 avril 1957, avait atteint la limite d'âge de son grade, d'autre part, qu'à cette même date ses deux demandes de prolongation d'activité, l'une sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, l'autre sur celui de l'article 1-3 de la même loi, avaient été rejetées respectivement par les décisions du 16 août 2017 et du 14 novembre 2017, dont l'exécution n'avait pas été suspendue et sans que le juge de l'excès de pouvoir n'ait alors statué sur les recours de Mme E....

23. Dès lors, sans que Mme E... puisse utilement invoquer à l'appui de ses conclusions en annulation contre cette décision l'article 59.I du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 susvisé concernant l'attribution d'une pension, qui au demeurant ne peut intervenir que sur demande de l'intéressé à la suite de laquelle l'employeur n'a d'autre obligation que d'adresser le dossier afférent à la CNRACL, le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne était en tout état de cause, constatant ainsi qu'il l'a fait l'atteinte par Mme E... de l'âge limite de son grade, tenu de la radier des cadres pour lui permettre de faire valoir ses droits à la retraite. Par suite, l'ensemble des moyens de Mme E..., tirés de l'incompétence du signataire de la décision du 22 janvier 2018 et, en tout état de cause, de la méconnaissance de l'article 59-I susmentionné, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision, sont inopérants.

24. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 mai 2019 attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé l'annulation de la décision du 16 août 2017 et, par voie de conséquence, de celle du 22 janvier 2018, et a enjoint au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne d'autoriser Mme E... à prolonger son activité sous réserve qu'elle remplisse, à la date du jugement, les conditions d'aptitude et d'âge.

Sur les conclusions incidentes de Mme E... :

25. Il résulte de ce qui précède que les annulations prononcées par les premiers juges doivent être annulées et, par voie de conséquence, que l'ensemble des conclusions en première instance de Mme E... doivent être rejetées, de sorte que le présent arrêt n'implique plus aucune mesure d'injonction à l'encontre du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne. Dès lors, les conclusions incidentes de celle-ci tendant à l'annulation partielle du jugement attaqué, notamment en ce qu'il aurait omis de statuer sur partie de ses conclusions en première instance, ont perdu leur objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions de Mme E... aux fins d'injonction :

26. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'injonction à l'encontre du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne. Les conclusions de Mme E... tendant à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de reconstituer sa carrière doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne les frais exposés par celui-ci au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1705922, 1707321, 181773 lu le 21 mai 2019 sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions incidentes de Mme E... dirigées contre le jugement attaqué.

Article 3 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation des décisions du centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne du 16 août 2017 et du 22 janvier 2018 et aux fins d'injonction est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne et à Mme A... E....

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

N° 19LY02723 11


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02723
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL AXIOME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;19ly02723 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award