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14/10/2021 | FRANCE | N°19LY01734

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 14 octobre 2021, 19LY01734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Soluance a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 144 339 euros qui lui a été infligée sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703166 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devan

t la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 mai 2019, le 27 février 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Soluance a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 144 339 euros qui lui a été infligée sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703166 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 mai 2019, le 27 février 2020 et le 18 septembre 2020, la SAS Soluance, représentée par Me Pomeon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 144 339 euros qui lui a été infligée sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens ;

- la réponse de l'administration fiscale à ses observations n'est pas suffisamment motivée ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier ;

- le caractère fictif de la facture litigieuse, qui correspond à des prestations effectivement réalisées, n'est pas démontré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2019 et le 4 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Soluance ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 octobre 2020, par ordonnance du 21 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, notamment son point 40 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Soluance, qui a pour associé majoritaire M. B... A..., a fait l'objet du 8 juillet au 5 octobre 2015 d'un contrôle de taxe sur la valeur ajoutée, au cours duquel elle a remis une déclaration de chiffre d'affaires au titre de l'année 2014 mentionnant une taxe nette à payer correspondant à une unique facture du 1er juin 2014, d'un montant de 288 678 euros taxes comprises, adressée à la SARL Yoolight, dont M. A... est également l'associé majoritaire. Estimant que cette facture ne correspondait à aucune prestation réelle, l'administration fiscale, par un procès-verbal du 5 octobre 2015, a infligé à la SAS Soluance une amende d'un montant de 144 339 euros, correspondant à 50% de la facture litigieuse, sur le fondement du 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts. L'amende a été mise en recouvrement par un avis du 15 décembre 2015. La SAS Soluance relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 mars 2019 ayant rejeté sa demande tendant à la décharge de cette amende.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément écarté, par une motivation suffisante, tous les moyens contenus dans les mémoires produits pour la SAS Soluance. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, la SAS Soluance n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait dû motiver davantage sa réponse aux observations qu'elle avait formulées par courrier du 20 octobre 2015, alors que les dispositions de l'article L. 80D du livre des procédures fiscales, seules applicables en l'espèce, à l'exclusion de l'article L. 57 du même livre, ne prévoient pas cette obligation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Si cette dernière disposition institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales. Tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une amende fiscale. Par suite, la SAS Soluance ne peut invoquer, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les commentaires administratifs dont elle se prévaut.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ".

6. En l'espèce, l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2015 indique le montant de l'amende ainsi que la période à laquelle elle s'applique, et se réfère à une " lettre de motivation " du 5 octobre 2015, laquelle ne comporte qu'une seule sanction, d'un montant identique à celui porté sur l'avis de mise en recouvrement, et a été notifiée à la SAS Soluance, représentée par son président. L'avis se réfère également à la réponse aux observations du contribuable du 6 novembre 2015, produite par la requérante. La circonstance qu'il ne précise pas la dénomination de l'amende et qu'il utilise le terme de " proposition de rectification " au lieu de " procès-verbal " pour renvoyer au document ayant préalablement informé la requérante du montant de l'amende n'a pu que demeurer sans influence sur la régularité de l'avis et sur les garanties ouvertes à la contribuable, alors qu'il résulte des termes de sa réclamation préalable qu'elle avait identifié sans ambiguïté l'objet de l'avis. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'amende :

7. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / (...) 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ".

8. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de cet article.

9. Il résulte du procès-verbal du 5 octobre 2015 que la SAS Soluance a émis le 1er juin 2014 une facture à destination de la SARL Yoolight, portant sur la mise à disposition du site www.cv-minute.fr pendant 36 mois pour un montant de 43 200 euros, la maintenance technique de ce même site pendant 36 mois pour 18 000 euros, son référencement naturel national pour un montant de 72 000 euros, la cession d'exploitation temporaire des droits patrimoniaux d'auteur pour une durée de 36 mois pour un montant de 57 000 euros, et la concession du site avec cession des recettes générées du 1er juin 2014 au 31 mai 2017 pour un montant de 50 365 euros. Pour estimer que cette facture ne correspondait à aucune prestation de service réelle, l'administration fiscale a notamment relevé qu'aucun élément comptable ne faisait apparaître l'acquisition par la SAS Soluance de la propriété du site, qu'aucun contrat n'attestait davantage que M. A... aurait fait apport personnel du site à la société Soluance à titre gratuit, que le site internet était déjà exploité par la SARL Yoolight à la date du 8 avril 2014, antérieurement à la constitution de la société Soluance et à la date d'émission de la facture litigieuse, la SARL Yoolight ayant également enregistré le nom de domaine le 28 mars 2013, que la société Soluance n'a ni les compétences techniques, en l'absence de salarié, ni les moyens matériels, en l'absence de souscription d'un abonnement lui permettant d'accéder à internet, pour réaliser la prestation de maintenance technique, et enfin que la société Soluance n'a facturé que 50 365 euros une prestation qui aurait pu lui assurer plus d'un million d'euros de recettes sur la même période. Ces éléments sont de nature à établir le caractère fictif des prestations facturées, la société Soluance ne pouvant disposer du contenu du site internet en cause et des droits associés et ne disposant pas des moyens matériels et humains pour assurer sa maintenance technique.

10. La circonstance que les formalités de constitution de la société Soluance aient débuté en janvier et février 2014 est par elle-même sans incidence sur la date de commencement d'activité qui a été fixée au 21 mai 2014, quelques jours avant l'émission de la facture en litige. La réalité de la prestation ne saurait par ailleurs résulter de la seule conformité alléguée de l'objet de la facture à l'activité déclarée par la requérante au registre du commerce et des sociétés. Si la société Soluance soutient que M. A..., expert en référencement, aurait travaillé sur une nouvelle version du site, incluant son référencement, depuis son domicile et lui aurait fait apport à titre gratuit de ce travail personnel, qui aurait été livré à la SARL Yoolight au début du mois de juin 2014, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations relatives à la réalité d'un apport à titre gratuit, qui n'est corroboré par aucune pièce comptable, au cours ou en fin d'exercice, et qui ne saurait résulter des seules déclarations de la société requérante en préambule d'un contrat de mise à disposition qui aurait été conclu avec la société Yoolight en date du 1er juin 2014. La société Soluance ne conteste d'ailleurs pas, ainsi que le relève le ministre en défense, n'avoir engagé aucune action dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL Yoolight en septembre 2014 afin de faire valoir ses droits sur le site dont elle aurait concédé l'exploitation. La livraison effective du nouveau site faisant l'objet de la prestation facturée n'est pas davantage étayée d'éléments probants, que la société Soluance serait pourtant seule en mesure d'apporter. Enfin, la requérante, qui ne conteste pas avoir été dépourvue des moyens matériels et humains pour assurer la prestation de maintenance technique du site, ne remet pas sérieusement en cause le caractère fictif de cette prestation en se bornant à soutenir qu'elle entendait faire appel, le cas échéant, à un sous-traitant, sans apporter le moindre élément au soutien de cette affirmation. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère fictif des prestations faisant l'objet de la facture litigieuse du 1er juin 2014 et, par voie de conséquence, du bien-fondé de l'amende infligée à la requérante.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Soluance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Soluance la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Soluance est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Soluance et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

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N° 19LY01734

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01734
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : POMEON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;19ly01734 ?
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