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13/10/2021 | FRANCE | N°20LY03402

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 octobre 2021, 20LY03402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 4 octobre 2019 par lesquelles la préfète de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902939 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregis

trée le 23 novembre 2020, Mme D..., représentée par Me Si Hassen, avocate, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 4 octobre 2019 par lesquelles la préfète de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902939 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2020, Mme D..., représentée par Me Si Hassen, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Nièvre du 4 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Nièvre de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la préfète de la Nièvre n'a pas préalablement procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- sa décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la préfète de la Nièvre n'a pas préalablement procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- sa décision méconnaît de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2021, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la demande.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.

Par une ordonnance du 25 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante de la C... démocratique du Congo, relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Nièvre du 4 octobre 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que la préfète de la Nièvre, qui n'était pas tenue de faire état des circonstances ayant conduit Mme D... à quitter son pays d'origine, lesquelles sont dépourvues d'incidence sur son droit à bénéficier d'un titre de séjour, a, contrairement à ce que prétend la requérante, préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

3. En second lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande dont elle était saisie, la préfète de la Nièvre s'est approprié le sens de l'avis médical de l'OFII du 13 juin 2019, selon lequel si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et a, en outre, estimé qu'au vu des structures du système de santé congolais, l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme D... indique souffrir de troubles psychiques constitutifs d'un stress post-traumatique lié au décès de trois de ses enfants, et deux de leurs cousins, dans un incendie en 2008. Toutefois, les pièces qu'elle produit, qui se limitent à des prescriptions de différentes spécialités pharmaceutiques et à un certificat médical daté du 21 novembre 2019, qui n'indique nullement que le défaut d'un tel traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait être obtenu et suivi dans son pays d'origine, ne permettent de contredire ni l'avis des médecins de l'OFII, ni les pièces produites par le préfet de la Nièvre dont il résulte notamment que la C... démocratique du Congo est dotée de structures de soins psychiatriques. En outre, il est constant que Mme D... a vécu pendant plus de huit ans après le décès de ses enfants en C... démocratique du Congo, sans prétendre avoir alors souffert de tels troubles, ni ne pas avoir été en mesure de les traiter. Par suite, il n'est pas établi que l'origine de ses troubles exclurait toute prise en charge de sa pathologie dans son pays d'origine. A..., Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, la préfète de la Nièvre a méconnu les dispositions précitées.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme D... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui accompagne un refus de titre de séjour motivé, que la préfète de la Nièvre, qui n'était pas tenue de faire état des circonstances ayant conduit Mme D... à quitter son pays d'origine, lesquelles sont dépourvues d'incidence sur la mesure d'éloignement en litige, a, contrairement à ce que prétend la requérante, préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

9. Mme D..., ressortissante congolaise née en 1971, déclare être entrée au mois de septembre 2016 sur le territoire français, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants alors mineurs. A..., à la date de la décision en litige, elle ne demeurait que depuis trois ans sur le territoire français, où elle n'a été autorisée à résider que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Son époux s'y trouve également en situation irrégulière, la cour de céans ayant rejeté, par un arrêt de ce jour, le recours formé par ce dernier à l'encontre de la mesure d'éloignement également prononcée à son encontre. Par ailleurs, Mme D... ne démontre nullement qu'il existerait un obstacle à ce que ses enfants mineurs poursuivent normalement leur scolarité s'ils devaient quitter le territoire français. Si son fils aîné, désormais majeur, bénéficie d'un titre de séjour, celui-ci ne lui a été délivré qu'en raison de ses études et ne lui donne pas vocation à s'établir durablement en France. Enfin, comme indiqué précédemment, elle ne démontre pas que son état de santé nécessiterait qu'elle demeure sur le territoire français. Dans ces circonstances, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète de la Nièvre a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. A... qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, Mme D... ne démontre pas qu'il existerait un obstacle à ce que ses enfants encore mineurs poursuivent une scolarité normale et à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer, hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Mme D... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, laquelle n'a pas pour objet de fixer la destination de son éloignement.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

14. En premier lieu, comme il a été indiqué ci-dessus, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à Mme D... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

15. En deuxième lieu, Mme D... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui interdit les traitements inhumains et dégradants, sans apporter d'éléments nouveaux à son appui. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon.

16. En troisième lieu, Mme D... n'établissant pas, A... qu'il résulte du paragraphe précédent, les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, ni dès lors l'existence d'un obstacle à ce que sa cellule familiale puisse se reconstituer dans ce pays et à ce que ses enfants y poursuivent leur scolarité, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.

5

N° 20LY03402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03402
Date de la décision : 13/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP GAVIGNETetASSOCIES - MAÎTRE SI HASSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-13;20ly03402 ?
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