La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2021 | FRANCE | N°20LY03409

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 12 octobre 2021, 20LY03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A..., Mme I... A..., M. D... B..., Mme F... G... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le maire de Montélimar a délivré à la SCI R. Bailleau un permis de construire en vue de la réhabilitation, de l'extension et de la transformation d'un immeuble collectif.

Par un jugement n° 1906621 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te enregistrée le 23 novembre 2020, M. C... A... et Mme I... A..., représentés par la SCP Be...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A..., Mme I... A..., M. D... B..., Mme F... G... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le maire de Montélimar a délivré à la SCI R. Bailleau un permis de construire en vue de la réhabilitation, de l'extension et de la transformation d'un immeuble collectif.

Par un jugement n° 1906621 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2020, M. C... A... et Mme I... A..., représentés par la SCP Bedel de Buzareingues - Boillot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 août 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montélimar la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le permis de construire a été obtenu par fraude, le bâtiment devant être réhabilité ne comportant pas plus de quatre logements, et non quinze comme indiqué sur la demande ; le pétitionnaire aurait dû déposer une demande portant sur l'ensemble de la construction ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article UD 10 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; le pétitionnaire devait déposer une demande de permis portant sur l'ensemble de la construction, y compris la partie de construction existante dépassant la hauteur de sept mètres autorisée par le PLU ; les travaux envisagés, qui ne rendent pas la construction plus conforme aux prescriptions du PLU, ne sont pas étrangers à la règle méconnue ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; dès lors que le bâtiment existant ne comportait pas quinze logements, le projet aggrave la non-conformité de la construction existante ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, compte tenu de la difficulté d'accès au projet pour les voitures et les engins de secours.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2021, la SCI R. Bailleau, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, en l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2021, la commune de Montélimar, représentée par la SELARL Strat avocats, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, en l'absence de respect des formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la demande de première instance est irrecevable, en l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2021, par une ordonnance en date du 31 mai 2021.

Par courrier du 2 septembre 2021, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation sur le vice tiré de la méconnaissance de l'article UD 12 du règlement du PLU.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Chavrier pour M. et Mme A..., celles de Me Grenet, substituant Me Gael, pour la commune de Montélimar, ainsi que celles de Me Dubois-Catty pour la SCI R. Bailleau ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée par M. et Mme A..., enregistrée le 22 septembre 2021 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI R. Bailleau a déposé le 23 mai 2019, en mairie de Montélimar, une demande de permis de construire portant sur la rénovation et l'extension d'un immeuble de quinze logements collectifs, avec rénovation intérieure d'un bâtiment pour transformer les quinze logements existants en douze logements, et construction d'une extension pour créer deux logements. Par arrêté du 5 août 2019, le maire de Montélimar a délivré le permis de construire. Les époux A... relèvent appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Il ressort suffisamment des pièces du dossier, et notamment de l'accusé de réception produit au dossier, que les époux A... ont notifié, dans le délai de quinze jours, la copie intégrale de leur requête d'appel au pétitionnaire, la SCI R. Bailleau, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Montélimar doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

4. M. et Mme A... justifient de leur qualité de propriétaire d'un terrain contigu au projet. Il ressort des pièces du dossier que le chemin d'accès au projet depuis la voie publique, qui permet également la desserte de leur bien, longe leur propriété. En faisant état des nuisances sonores que peut engendrer la circulation sur le chemin, ainsi que les difficultés de circulation sur cette voie, ils justifient suffisamment de leur intérêt à demander l'annulation du permis en litige.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 août 2019 :

5. En premier lieu, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle est tenue de la rejeter et d'inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments qui doivent être soumis à son autorisation.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande, que le bâtiment faisant l'objet des travaux de réhabilitation en litige, initialement à usage agricole, a été construit sans permis de construire, en raison de son ancienneté. Il est ainsi régulièrement édifié. Si les requérants soutiennent que le permis de construire délivré en 1995, autorisant la transformation du bâtiment en vue d'y construire dix logements est devenu caduc, faute d'avoir été exécuté, il ne ressort pas des pièces du dossier, de ce fait, que des travaux non autorisés auraient alors été réalisés. Dans ces conditions, et alors que la modification des cloisonnements intérieurs d'un bâtiment en vue d'en modifier le nombre de logements n'est par elle-même pas soumise à autorisation d'urbanisme, le moyen selon lequel le maire de Montélimar devait refuser de délivrer le permis de construire, au motif qu'il ne portait pas sur l'ensemble des éléments de la construction non autorisés, doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes d'une part de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) : " 12.1 - Chaque constructeur doit assurer en dehors des voies publiques le stationnement des véhicules induit par toute occupation ou utilisation du sol. Il doit être prévu pour les locaux dont la destination est la suivante : 12.1.1 - Pour les habitations : au minimum 2 places de stationnement par logement nouveau créé + 1 place visiteur par tranche complète de 200 m² de surface de plancher (...) ".

8. D'autre part, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.

9. La demande de permis de construire en litige est présentée comme tendant à la réhabilitation d'un immeuble de quinze logements collectifs. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des documents photographiques produits par les requérants, que le bâtiment en litige est en état de délabrement important, que son premier étage ne comportait aucun cloisonnement et qu'il n'abritait ainsi aucun logement depuis sans doute plusieurs décennies, à supposer que ce bâtiment, initialement à usage agricole, ainsi qu'il ressort de la notice du permis, ait jamais eu une destination ou un usage de logements. Si la société pétitionnaire produit un extrait de matrice cadastrale faisant état de ce qu'il comporte quinze lots, ce document, qui ne porte pas sur le nombre de logements et ne saurait suffire à lui seul à établir la réalité de ses allégations, ne permet pas d'établir que le bâtiment comportait effectivement quinze logements à la date de la demande. Ainsi, la société pétitionnaire, pourtant seule à même de justifier des indications qu'elle a fournies dans sa demande, ne produit aucun élément de nature à justifier que, contrairement à ce que laissent penser les documents produits par les requérants, le projet portait sur la réhabilitation d'un bâtiment comportant quinze logements.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le projet litigieux tend en réalité à aménager quatorze logements dans un bâtiment qui doit être totalement réhabilité et étendu. Ainsi, les indications du dossier de demande sur l'objet du permis reposent sur des déclarations inexactes destinées à tromper l'administration, notamment en ce qu'elles précisent que le projet tend à rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions du PLU relatives au stationnement. Par suite, le permis de construire, qui autorise un projet ne comportant que seize places de stationnement, est entaché de fraude et méconnaît les dispositions de l'article UD 12 du règlement du PLU citées au point 7.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article UD 10 du règlement du PLU : " 10.1 - La hauteur à l'égout du toit des constructions est limitée à 7 mètres sauf contrainte technique dûment justifiée. "

12. La circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

13. Si les époux A... font valoir que la hauteur à l'égout du toit de la construction faisant l'objet des travaux de réhabilitation est supérieure à la hauteur autorisée dans la zone, le projet autorisé ne modifie pas cette hauteur. Dans ces conditions, et alors même que des logements vont être créés sous les toits, et que l'aspect extérieur du bâtiment doit être modifié, les travaux autorisés sont étrangers aux dispositions citées au point 11. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le chemin permettant d'accéder au bâtiment depuis la route départementale est rectiligne et d'une largeur supérieure à quatre mètres. Il permet ainsi le croisement sécurisé des véhicules et l'accès des véhicules d'incendie et de secours. Par suite, et alors que les requérants ne peuvent utilement faire valoir que des véhicules pourraient stationner le long de la voie, ce que ne prévoit pas le projet, le maire de Montélimar n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions citées au point précédent.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

16. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

17. Le vice affectant le permis de construire, relevé aux points 7 à 10 du présent arrêt, tiré de l'insuffisance du nombre de places de stationnement au regard de la fraude commise par la société pétitionnaire sur l'objet de la demande, ne peut être regardé, compte tenu de cette fraude, comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600 5 1 du code de l'urbanisme, ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code. Par suite, la commune de Montélimar et la SCI R. Bailleau ne sont pas fondées à demander l'application de ces dispositions.

18. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montélimar la somme de 2 000 euros à verser aux requérants au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Montélimar et de la SCI R. Bailleau, parties perdantes, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 5 août 2019 du maire de Montélimar délivrant à la SCI R. Bailleau un permis de construire sont annulés.

Article 2 : La commune de Montélimar versera à M. et Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Montélimar et la SCI R. Bailleau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme I... A..., à la commune de Montélimar et à la SCI R. Bailleau.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

2

N° 20LY03409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03409
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP GROS - HICTER - D’HALLUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-12;20ly03409 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award