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07/10/2021 | FRANCE | N°19LY01213

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 octobre 2021, 19LY01213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702338 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a constaté un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29

mars 2019 et le 30 avril 2020, Mme A..., représentée par Me de Stefano, demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702338 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a constaté un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mars 2019 et le 30 avril 2020, Mme A..., représentée par Me de Stefano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu à un double titre, les documents auxquels l'administration a entendu se référer n'étant pas identifiés de façon suffisamment précise et l'administration n'ayant pas répondu à sa demande de communication de l'ensemble des éléments ayant fondé les rectifications ;

- la proposition de rectification est donc insuffisamment motivée ;

- les droits de la défense ont été méconnus ;

- il y a lieu de faire application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires enregistrés le 23 septembre 2019 et le 21 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui a occupé, jusqu'au 4 mai 2012, les fonctions de directrice salariée d'une maison de retraite médicalisée exploitée par la SA L'Eté indien à Daix (Côte-d'Or), a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2011 et 2012, diligenté à la suite d'une vérification de comptabilité de cette société et de l'ouverture à son encontre d'une procédure pénale. A l'issue de ce contrôle et de la mise en œuvre d'un droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, d'une part, et de l'établissement au sein duquel elle détenait un compte bancaire, d'autre part, l'administration, faisant application du délai spécial de reprise, a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts, les sommes détournées par l'intéressée au préjudice de son employeur dont le montant a été évalué d'office conformément au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Mme A... a, en conséquence, été assujettie, au titre des années 2011 et 2012, à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels a été appliquée la majoration de 80 % encourue en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c) de l'article 1728-1 du code général des impôts. Mme A..., qui a, par la suite, été reconnue coupable des faits d'abus de confiance et d'escroquerie et condamnée à une peine d'emprisonnement de deux ans assortie du sursis par un jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 12 janvier 2017, relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

En ce qui concerne le respect de l'obligation d'information du contribuable :

4. Mme A... soutient n'avoir pas été informée avec une précision suffisante de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration auprès de l'autorité judiciaire. Toutefois, le document du 31 mars 2014 qui lui a été adressé portant notification des bases d'imposition évaluées d'office mentionne que l'administration a exercé un droit de communication auprès du procureur de la République par courrier du 9 juillet 2013 et un droit de communication auprès de la juge d'instruction par courrier du 16 septembre 2013. Il indique également que l'administration a été autorisée à consulter le dossier d'instruction de l'instance pénale au cabinet de la juge d'instruction, le 15 octobre 2013, et précise qu'elle a demandé et obtenu l'autorisation d'utiliser certains éléments de la procédure pénale pour les besoins de la procédure fiscale. Ce document, qui mentionne aussi que l'administration a exercé un droit de communication auprès du Crédit Agricole et obtenu la copie de chèques établis par Mme A..., indique enfin que les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ont permis de corroborer les constatations faites lors de la vérification de comptabilité de la SA L'Eté indien ainsi que les éléments recueillis dans l'exercice du droit de communication auprès du Crédit Agricole. En outre, dans une lettre du 27 mai 2014 adressée à Mme A... en réponse à un courrier de cette dernière, l'administration a ajouté que " les réquisitions effectuées auprès du Crédit Agricole lors de l'enquête préliminaire de la gendarmerie nationale (...) ont été des éléments recueillis lors de la consultation du dossier pénal, permettant de confirmer l'encaissement d'un certain nombre de chèques servant à régler des fausses factures ". Ce faisant, l'administration a, en l'espèce, suffisamment informé l'intéressée de l'origine et la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire pour qu'elle soit en mesure d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions.

En ce qui concerne le respect de l'obligation de communication au contribuable :

5. Mme A... soutient également que l'administration ne lui a pas communiqué les renseignements recueillis dans le cadre du droit de communication en dépit d'une demande en ce sens présentée avant la mise en recouvrement des impositions.

6. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 28 avril 2014, le conseil de la contribuable a contesté les redressements dans leur principe. L'administration a répondu à cette lettre par un courrier du 27 mai 2014, adressé à la contribuable, rappelant que la preuve des détournements de fonds était établie par le croisement des résultats des trois procédures mises en œuvre - vérification de comptabilité de la société, droit de communication auprès de la banque et droit de communication auprès du juge d'instruction - quand bien même la procédure pénale n'avait pas été clôturée. Par une lettre du 1er juillet 2014, en réponse à ce courrier, le conseil de la contribuable a indiqué à l'administration que les impositions restaient contestées dans leur intégralité pour les motifs précédemment développés dans sa lettre du 28 avril 2014 ainsi que dans une lettre de Mme A..., datée du 5 juin 2014, jointe à ce courrier présentée comme une lettre d'observations de l'intéressée en réponse à la proposition de rectification du 31 mars 2014 et à la réponse aux observations du contribuable du 27 mai 2014.

7. Il ressort de l'examen de cette lettre manuscrite de Mme A... qu'elle comprend quinze pages et que chaque page comprend de cinquante à soixante-cinq lignes. Ces lignes sont enchevêtrées les unes dans les autres, l'écriture, heurtée, ne permettant pas une lecture fluide et certains mots sont illisibles. Le document ne comprend ni plan apparent, ni marges, ni titres, ni alinéas, ni objet et Mme A... y indique en introduction vouloir " raconter (sa) vie, (son) parcours, (ses) soucis personnels et professionnels ". Cette lettre porte successivement sur l'enfance de la requérante, son parcours scolaire et universitaire, sa vie amoureuse ou privée, sa vie professionnelle, les sentiments qu'elle a éprouvés au cours des différentes étapes de sa vie personnelle, familiale ou professionnelle et des considérations générales sur la psychologie, les sentiments humains et les relations interpersonnelles. Ces développements, à caractère de confession personnelle et, pour certains, de considérations de nature psychologique, sont étrangers à la procédure fiscale.

8. Il est vrai que, dans la seconde moitié de la treizième page de ce document figure une demande de transmission des éléments ayant fait l'objet du droit de communication de l'administration fiscale, insérée entre des considérations sur le sentiment de toute-puissance et d'autres sur une pathologie médicale. Toutefois, compte tenu de la forme et du contenu de la lettre manuscrite de l'intéressée, présentée dans la lettre d'accompagnement comme ne contenant que des observations sur les redressements auxquelles l'administration n'était en principe pas tenue de répondre eu égard à la procédure d'évaluation d'office mise en œuvre pour notifier les rappels, l'administration ne peut, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant été valablement saisie d'une demande de communication au sens et pour l'application du 2nd alinéa de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. En s'abstenant de donner suite à cette lettre, elle n'a ainsi pas méconnu ces dispositions et n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie pour établir les impositions.

Sur les autres moyens de la requête :

9. En premier lieu, Mme A..., qui a été imposée selon la procédure d'évaluation d'office, ne peut utilement se plaindre d'un défaut de motivation, au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, de l'acte l'informant des redressements dès lors que ces dispositions qui concernent les propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables. Au demeurant, il ressort de l'examen du document du 31 mars 2014 portant notification des bases d'imposition évaluées d'office qu'il mentionne les impôts concernés ainsi que les années et les bases d'imposition retenues, avec l'indication des modalités de leur détermination, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article L. 76 du même livre selon lequel " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ".

10. En second lieu, en l'absence d'erreur dans la procédure d'imposition, le moyen tiré de l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales selon lequel " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi (...). " est inopérant et la requérante ne peut, en tout état de cause, invoquer une méconnaissance des droits de la défense.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquences ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

2

N° 19LY01213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01213
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET DE STEFANO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-07;19ly01213 ?
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