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05/10/2021 | FRANCE | N°21LY00402

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 21LY00402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 5 février 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de l'admettre au séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer son dossier et de statuer sur sa demande d'admission au séjour dans le délai de 30 jours suivant la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2000803 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision préfectorale précité

e du 5 février 2020 et a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder au réexamen de la situatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 5 février 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de l'admettre au séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer son dossier et de statuer sur sa demande d'admission au séjour dans le délai de 30 jours suivant la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2000803 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision préfectorale précitée du 5 février 2020 et a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 février 2021, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que le jugement contesté a considéré que sa décision du 5 février 2020 était entachée d'une erreur de droit dès lors que le jugement supplétif et l'acte de naissance présentés par M. A... n'ont pas été légalisés par le consul de Guinée en France et qu'il n'est en tout état de cause pas démontré que Mme C... B..., juriste, qui n'a pas la qualité de directrice, dispose de la compétence pour légaliser un acte d'état civil guinéen, et qu'ainsi ces actes ne pouvant être considérés comme authentiques et légalisés, ils étaient donc irrecevables au regard de l'article 47 du code civil ; l'identité de l'intéressé ne pouvant être établie, en méconnaissance de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait être procédé au refus de séjour de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2021, M. A..., représenté par Me Clemang, conclut à la confirmation du jugement contesté et au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- il rapporte la preuve de son identité.

Par une décision du 31 mars 2021 M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 ;

- l'arrêté du 3 septembre 2007 relatif aux conditions d'application du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 5 février 2020, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, présentée par M. A... qui indiquait vouloir terminer son certificat d'aptitude professionnelle " service " au sein d'un restaurant. A la demande de ce dernier, ressortissant guinéen se disant né le 3 mars 2001, entré en France le 23 novembre 2017 et confié aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, le tribunal administratif de Dijon par jugement n° 2000803 du 29 janvier 2021 a annulé cette décision. Le préfet de Saône-et-Loire relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". Aux termes de l'article L. 111-6 alors en vigueur du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Le juge doit alors se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

7. La formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet. Cette formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est obligatoire notamment pour les Etats qui, comme la Guinée, ne sont pas signataires de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ou d'autres accords internationaux. Elle peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger. Il suffit, pour qu'un acte de l'état civil étranger soit légalisé et puisse être produit en France, que la signature de la personne ayant dressé l'acte ou délivré copie de cet acte soit légalisée par le chef de la chancellerie du ministère des affaires étrangères du pays où l'acte a été établi, et que le consul du pays où l'acte a été établi légalise lui-même en France la signature du chef de la chancellerie.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 311-2-2 précité au point 4 aux motifs que M. A..., qui a produit une carte d'identité consulaire, un jugement supplétif et sa transcription, qui ne sont pas recevables au regard de l'article 47 du code civil, ne peut justifier de sa véritable identité. A l'appui de sa demande de titre de séjour, l'intéressé a en effet produit une carte d'identité consulaire, simple document à usage interne pour les services de l'administration guinéenne ayant pour vocation d'attester de la résidence à l'étranger d'un ressortissant et ne constituant pas un document d'identité valable sur le territoire français. En outre, M. A... a produit un jugement supplétif du 17 décembre 2018 d'un juge de paix de Lola, tenant lieu d'acte de naissance, comportant une légalisation de la signature de ce juge de paix en date du 10 janvier 2019 émanant de la directrice des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée et portant la signature de " Mama Aïssata B..., juriste ", ainsi qu'une transcription en marge des registres de l'état-civil de ce jugement, intervenue le 28 décembre 2018 par un officier de l'état-civil, comportant les mêmes mentions de légalisation.

9. Toutefois, comme le fait valoir en appel le préfet, il n'est pas démontré notamment, par la production d'une attestation du 9 juin 2020 de l'ambassadeur de la République de Guinée en France concernant un autre agent, dénuée au demeurant de valeur probante, que la signataire était compétente pour procéder à une telle légalisation. En outre, l'intéressé n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour établir son identité. Dès lors, c'est à bon droit que le préfet de Saône-et-Loire a estimé que M. A... ne pouvait pas légalement justifier de son identité dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment sa minorité lors de son entrée en France. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif de Dijon a retenu que le préfet avait à cette occasion commis une erreur de droit.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision contestée.

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré de ce que la décision contestée, qui mentionne l'absence de légalisation du jugement supplétif et sa retranscription et oppose le défaut d'authenticité de ces éléments et estime que la preuve de son identité n'est pas rapportée par ces mêmes éléments, est entaché d'une erreur de fait, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 5 février 2020 et par suite à demander l'annulation de ce jugement. Dans ces conditions, les conclusions présentées en appel par M. A... au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000803 du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées en appel, dont celles au titre des frais du litige, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A.... Copie sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, présidente-assesseure,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

3

N° 21LY00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00402
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-05;21ly00402 ?
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