Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 000 euros et la somme de 15 000 euros au nom de son fils, assorties des intérêts capitalisés et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, Me Hemery, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1700602 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 août 2019 et le 30 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me Saumet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700602 du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser, en sa qualité de représentante légale de son fils C... E..., la somme de 15 000 euros et, à titre personnel, celle de 24 000 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016 et la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, Me Saumet, la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur un moyen en ne se prononçant pas sur l'ensemble des faits invoqués dans sa requête et d'une insuffisance de motivation ;
- le jugement attaqué est entaché d'une méconnaissance du principe du contradictoire et du droit au recours effectif en statuant sur sa seule requête en l'absence de défense et en lui reprochant une absence de production d'un bilan orthophonique et de la preuve de sa transmission à l'éducation nationale ; par voie d'exception, elle soulève le moyen tiré de l'illégalité du code de justice administrative en tant qu'il n'impose pas au juge administratif de communiquer préalablement au demandeur le motif qu'il envisage de retenir pour rejeter ses conclusions lorsque ce motif n'a pas été invoqué en défense ;
- le jugement est irrégulier pour violation de l'article R. 612-6 du code de justice administrative dès lors que le tribunal administratif de Lyon n'a pas tiré les conséquences de l'absence de défense malgré sa mise en demeure du 25 septembre 2018 quant à l'acquiescement aux faits invoqués, non contredits par les pièces du dossier ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée pour violation de ses obligations découlant des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de l'éducation tenant à la non prise en compte du handicap dûment attesté de son fils (troubles du comportement) et à des agissements fautifs tenant à des mesures vexatoires, inadaptées et aggravatrices de son handicap (exclusions ou transferts de classe) ;
- elle et son fils C... ont subi des préjudices ;
Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2020, le ministre de l'éducation conclut au rejet de la requête :
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... sont infondés.
Mme E... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 28 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brun, représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E... soutient que son fils C..., né le 19 février 2006, a souffert de dyslexie et de troubles de vision et du comportement, à compter de 2012, alors qu'il était en cours préparatoire à l'école Louise Michel de Bron. Mme E... déclare avoir alerté le corps enseignant de ses difficultés à compter de la rentrée 2013/2014 mais avoir constaté une carence de la part de l'administration scolaire et même des agissements préjudiciables pour son fils qui a finalement été inscrit dans une institution privée pour enfants dyslexiques " la fourmi " à Lyon pour la rentrée scolaire 2014/2015. Après avoir vainement présenté une réclamation préalable le 26 septembre 2016 au ministre de l'éducation nationale, Mme E... a saisi le tribunal administratif de Lyon de conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros au nom de son fils et de 24 000 euros à titre personnel, sommes assorties des intérêts légaux à compter du 26 septembre 2016. Par jugement du 21 mars 2019, dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements doivent être motivés. En se bornant à indiquer que : " il résulte de l'instruction et notamment du courrier de l'institutrice d'Idris en date du 14 février 2014 que cette dernière a eu une attitude constructive à l'égard d'Idris et de ses parents et qu'il ne peut lui être reproché une attitude de refus systématique ", le tribunal administratif de Lyon n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen soulevé par la requérante tenant à des agissements fautifs de l'administration scolaire constitués par des mesures vexatoires, inadaptées et aggravatrices du handicap de son fils tenant à des exclusions ou transferts de classe ou à des refus de réponses à ses sollicitations portant sur des rendez-vous ou des mesures d'accompagnement de son fils. B... s'ensuit que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... relatifs à la régularité du jugement, celle-ci est fondée à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur le principe de la responsabilité :
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 112-1 du code de l'éducation que le droit à l'éducation étant garanti à chacun, quelles que soient les différences de situation, et l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet, ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Par suite, il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. La carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.
5. Mme E... soutient que l'administration scolaire a commis une faute en ne reconnaissant pas la situation de handicap dans laquelle se trouvait son fils C... et en ne prenant pas les mesures appropriées en découlant. Il résulte de l'instruction que, par lettres des 6 et 17 septembre 2013, Mme E... a informé l'institutrice de cours élémentaire de problèmes visuels de son fils, et a évoqué un soupçon de dyspraxie ainsi qu'un bilan orthophonique prévu le 18 septembre suivant. F..., si Mme E... soutient que ce bilan a également mis en évidence une dyslexie dont l'école aurait été informée, elle ne justifie pas de la transmission de ce bilan, ni même de l'information sur cette éventuelle dyslexie, le bilan orthophonique du 25 septembre 2013, produit pour la première fois en cause d'appel, n'indiquant, au demeurant, ni dyslexie, ni dyspraxie, mais concluant que " les erreurs observées ne sont pas considérées comme pathologiques pour son niveau scolaire " bien que l'enfant présente " une lenteur importante ainsi qu'une attention labile le pénalisant dans la réalisation des épreuves ". Si Mme E... soutient également que des troubles du comportement préexistaient dès la classe de cours préparatoire, elle ne l'établit pas. Il résulte de l'instruction que les divers troubles affectant le jeune C... n'ont été véritablement diagnostiqués qu'à l'occasion d'un bilan du centre de référence des troubles sévères du langage des HCL du 12 janvier 2016, indiquant une dyslexie de surface avec dysorthographie ainsi qu'une dyspraxie avec dysgraphie, soit postérieurement à sa période de scolarité à l'école Louise Michel. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à rechercher avant cette date la responsabilité de l'Etat en raison d'une carence dans la prise en charge du handicap de son fils.
6. A... deuxième lieu, Mme E... soutient que l'institutrice a commis des agissements fautifs qu'elle estime vexatoires, inadaptés et même de nature à aggraver les troubles affectant le jeune C... consistant d'abord en des exclusions et transferts de classe réitérées, sans en informer les parents. Il résulte de l'instruction que le jeune C... a été placé en petite section de maternelle pendant trois semaines, mesure justifiée par l'institutrice par des problèmes de comportement tenant à la non réalisation du travail demandé. Une telle mesure, liée d'abord à une attitude inacceptable de refus d'exécuter le travail demandé, n'est pas constitutive d'une faute alors même que ce refus ait pu être favorisé par les difficultés rencontrées par l'enfant en raison de ses troubles. Les autres mesures vexatoires invoquées par Mme E... ou par un témoin selon une attestation du 23 septembre 2015, se fondant sur les seuls dires du jeune C..., ne peuvent être regardées comme suffisamment établies. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que l'administration scolaire aurait commis des agissements fautifs sur la personne de son fils C....
7. En dernier lieu, Mme E... reproche à l'administration de ne pas avoir répondu à ses diverses sollicitations pour l'accompagnement de son fils. F..., il résulte de l'instruction que Mme E... a obtenu une rencontre avec l'institutrice en octobre 2013 puis en fin d'année. Il n'est pas contesté que sa demande de changement de place dans la classe en raison des problèmes visuels du jeune C... a été satisfaite. Si elle n'a pu obtenir une dérogation pour son fils dans le travail écrit pour lequel il était en difficultés, l'institutrice a néanmoins accordé du temps supplémentaire pour réaliser ses épreuves. Sa demande de changement de classe qu'elle indique avoir demandé mi-mars, a été honorée à la mi-avril. Enfin, si elle fait valoir que l'institutrice a préconisé un redoublement pour son fils contre lequel elle s'est opposée, ceci est sans incidence dès lors que le jeune C... a intégré la classe supérieure au sein de l'institution " la fourmi ".
8. Il découle de tout ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute à l'occasion de la scolarité du jeune C... à l'école Louise Michel de Bron de nature à engager sa responsabilité. Par suite, les conclusions de Mme E... tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice et celui de son fils C... doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme E... la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans ses dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées pour Mme E... en première instance et en appel est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.
N° 19LY03172 5