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30/09/2021 | FRANCE | N°21LY00363

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 septembre 2021, 21LY00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... épouse A..., ressortissante comorienne, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel la préfète du Cantal a refusé sa demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de conjointe de Français et a refusé de régulariser son séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire métropolitain sans délai et a prescrit son renvoi à Mayotte, département où elle est admissible, d'autre part, d'e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... épouse A..., ressortissante comorienne, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel la préfète du Cantal a refusé sa demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de conjointe de Français et a refusé de régulariser son séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire métropolitain sans délai et a prescrit son renvoi à Mayotte, département où elle est admissible, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa demande.

Par jugement n° 2000217 lu le 13 octobre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 5 février 2021 et le 21 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Yermia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 14 janvier 2020 ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Cantal, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 50 euros, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa demande après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le refus de délivrance de carte de séjour de plein droit en qualité de parent de Français méconnaît l'article L. 832-2 et le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a été pris en méconnaissance des objectifs de la directive 2004/38/CE ;

- dès lors qu'elle était éligible au titre de plein de droit, le refus aurait dû être précédé de la consultation de la commission du titre de séjour, en vertu de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît le principe du contradictoire, l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'une absence de motivation et méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par mémoire enregistré le 25 février 2021, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de fonder son arrêt sur le moyen tiré de ce que préfet du Cantal ne tient d'aucune disposition le pouvoir d'éloigner le ressortissant d'un État tiers séjournant régulièrement à Mayotte, à destination de ce département. Illégalité de la décision de la fixation du département français de destination, toute obligation de quitter le territoire devant se traduire par un éloignement hors des frontières.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 23 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux des droits de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbaréraz, président ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fins d'annulation et d'injonction :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

1. Mme A..., ressortissante comorienne titulaire d'un titre de séjour valable à Mayotte, est entrée sur le territoire métropolitain, en 2015, sous couvert d'un visa de court séjour, alors qu'elle n'était pas conjointe de Français. Elle l'est devenue en 2018 et a saisi la préfète du Cantal d'une demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", en cette qualité. L'arrêté litigieux a rejeté sa demande au motif qu'elle n'avait pas été présentée sous couvert du visa de court séjour exigé des ressortissants comoriens séjournant régulièrement à Mayotte, à leur entrée en métropole. Mme A... s'étant maintenue au-delà de la validité de son visa de court séjour originel, le refus de séjour était accompagné d'une mesure d'éloignement sans délai à destination de Mayotte.

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par le représentant de l'État à Mayotte (...) / (...) / Les conjoints (...) des citoyens français bénéficiant des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives aux libertés de circulation sont dispensés de l'obligation de solliciter le visa mentionné au présent article ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 832-2 du code : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination (...) / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ". Enfin, Les Comores figurent sur la liste établie à l'annexe 1 au règlement communautaire n° 539/2001 des États dont les ressortissants sont assujettis à l'obligation de visa au franchissement des frontières extérieures de l'espace Schengen.

3. Il résulte de ces dispositions combinées que les ressortissants d'États figurant sur l'annexe 1 au règlement communautaire, au nombre desquels figurent les Comoriens séjournant à Mayotte sous couvert d'un titre valable dans les limites territoriales de ce département, sont regardés comme franchissant les frontières extérieures de l'espace Schengen lorsqu'ils viennent en France métropolitaine, pour de courts séjours. Ils doivent alors être munis d'un visa d'une validité maximale de trois mois, comme s'ils provenaient directement de l'État dont ils sont ressortissants et ne sont exonérés de cette obligation que si, à la date de leur arrivée sur le territoire métropolitain, ils sont conjoints de Français et peuvent se prévaloir, en cette qualité, de la liberté de circulation sur le territoire des États membres. En revanche, ni les articles L. 832-2 et R. 832-2 précités ni aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'instaurent pour les ressortissants d'États tiers séjournant régulièrement à Mayotte d'obligation supplémentaire pour la délivrance de titres de séjour en France métropolitaine.

4. Il s'ensuit que la préfète du Cantal n'a pu, sans méconnaître l'article L. 832-2 précité et les dispositions alors codifiées à 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser à Mme A... une carte de séjour temporaire en qualité de conjointe de Français au motif qu'elle ne détenait pas, lors du dépôt de sa demande de titre, de visa de court séjour délivré à Mayotte pour le franchissement de la frontière extérieure de l'espace Schengen, en sus des conditions émises par l'article L. 311-11 à la délivrance d'une carte de séjour temporaire de plein droit.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du refus de carte de séjour temporaire. Ledit refus doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire métropolitain sans délai, avec éloignement d'office à Mayotte, ensemble le jugement attaqué.

6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le préfet du Cantal réexamine la demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " de Mme A... et prenne une nouvelle décision, après remise d'un récépissé de demande de titre. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Yermia sous réserve qu'elle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel la préfète du cantal a refusé de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire métropolitain sans délai avec éloignement d'office à Mayotte, ensemble le jugement n° 2000217 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand lu le 13 octobre 2020, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Cantal de remettre sans délai un récépissé à Mme A..., puis de réexaminer la demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en tant que conjointe de Français et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à Me Yermia sous réserve qu'elle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère ;

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

3

N° 21LY00363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00363
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;21ly00363 ?
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