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30/09/2021 | FRANCE | N°21LY00273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 septembre 2021, 21LY00273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre sous astreinte au directeur général de l'OFII de rétablir les conditions matérielles d'accueil à compter du 7 novembre 2018 dans un délai de quinze jours et de mettre à la charge de l'OFII

une somme de 1 300 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre sous astreinte au directeur général de l'OFII de rétablir les conditions matérielles d'accueil à compter du 7 novembre 2018 dans un délai de quinze jours et de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 300 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1902492 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Guérault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de rétablir à compter du 7 novembre 2018 les conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'un défaut d'examen, dès lors qu'il ne ressort pas de la décision que l'OFII aurait pris en considération les observations qu'il avait formulées ;

- elle méconnaît les articles L. 744-8 et D. 744-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant du Mali né le 12 avril 1998, a présenté une demande d'asile ayant donné lieu à la mise en œuvre d'une procédure de détermination de l'Etat membre responsable de son examen, et a bénéficié à ce titre à compter du 19 février 2018 des conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Par un arrêté du 27 juillet 2018, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande de protection. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 novembre 2018 du directeur général de l'OFII ayant suspendu les conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait, en raison du non-respect par M. B..., déclaré en fuite le 21 septembre 2018, de son obligation de se présenter aux autorités.

2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction demeurée applicable aux demandes d'asile antérieures au 1er janvier 2019 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile (...) n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...). La décision de suspension (...) des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. ". Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.

3. Il résulte de ces dispositions que la légalité d'une décision de suspension des conditions matérielles d'accueil est soumise à la double condition, cumulative, que le demandeur n'ait pas respecté une ou plusieurs des obligations mises à sa charge et qu'il ne justifie d'aucun motif légitime.

4. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour motiver sa décision de suspendre les conditions matérielles d'accueil allouées à M. B..., qui avait présenté des observations écrites dans le délai imparti par le courrier du 10 octobre 2018 l'informant de la suspension envisagée, le directeur général de l'OFII a seulement relevé qu'il avait été déclaré en fuite le 21 septembre 2018, faute de s'être présenté à la convocation adressée par la préfecture du Rhône pour l'exécution de son transfert à destination du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, en s'abstenant d'indiquer également les raisons pour lesquelles il estimait que M. B... ne justifiait pas d'un motif légitime, le directeur général de l'OFII a insuffisamment motivé sa décision qui est, par suite, entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande, ainsi que l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 7 novembre 2018.

6. Aux termes, d'une part, de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. En vertu, d'autre part, des dispositions de l'article D. 744-17, désormais reprises à l'article D. 553-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les demandeurs d'asile ne peuvent percevoir l'allocation pour demandeurs d'asile que s'ils sont titulaires d'une attestation de demande d'asile en cours de validité.

8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Par suite, l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII ayant suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil implique que M. B... soit replacé dans la situation financière qui aurait été la sienne si la suspension n'était pas intervenue. La circonstance que l'OFII, lorsque son directeur général prend une décision de suspension légale, dispose d'une marge d'appréciation pour procéder au rétablissement pour l'avenir des conditions matérielles d'accueil demeure sans incidence à cet égard.

9. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, M. B... n'a été titulaire d'une attestation de demande d'asile en cours de validité que du 7 novembre 2018 au 22 novembre 2018, puis à compter du 27 février 2020, la durée de validité de l'attestation alors délivrée, qui est arrivée à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020, ayant été prolongée de 90 jours par l'article 1bis de l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'OFII, sans préjudice d'une nouvelle décision de suspension pour l'avenir s'il s'y croit fondé, de rétablir le versement à M. B... de l'allocation pour demandeur d'asile du 7 au 22 novembre 2018 puis à compter du 27 février 2020, et de rétablir les autres conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Me Guérault, conseil de M. B... C... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er décembre 2020 et la décision du directeur général de l'OFII du 7 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'OFII de rétablir le versement de l'allocation pour demandeur d'asile au bénéfice de M. A... B... pour la période du 7 au 22 novembre 2018 puis à compter du 27 février 2020, et de rétablir le surplus des conditions matérielles d'accueil acceptées par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'OFII versera à Me Guérault, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

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N° 21LY00273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00273
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-06-02


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GUERAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;21ly00273 ?
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