Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'une part, d'annuler la décision du 5 juin 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble la décision du 14 juin 2019 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder la protection fonctionnelle à compter du 30 avril 2018.
Par jugement n° 1901790 lu le 17 février 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 30 avril 2020, M. A..., représenté par Me Pelletier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Dijon de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à compter du 30 avril 2018, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de contradictoire ;
- le refus de protection fonctionnelle est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé d'une véritable enquête, en méconnaissance de la circulaire n° 2007-047 du 27 février 2007 du ministre de l'éducation nationale ;
- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
Par mémoire enregistré le 6 octobre 2020, la rectrice de l'académie de Dijon conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 25 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur certifié de mathématiques, affecté au collège Aumenier-Michot de la Charité-sur-Loire, dans la Nièvre, a demandé le 30 mai 2018, le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral dont il soutient être victime de la part tant de la direction de l'établissement que d'une collègue. Par décision du 5 juin 2018, sa demande a été rejetée, ainsi que son recours gracieux par décision du 14 juin 2019. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Si la rectrice a produit un premier mémoire en défense accompagné de deux pièces, enregistré le 29 août 2019, antérieurement à la clôture d'instruction fixée au 16 septembre 2019 par une ordonnance du 26 juin 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que ce mémoire et les pièces qui lui étaient annexées aient été communiquées à M. A.... Par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'instruction est entachée de méconnaissance du principe du contradictoire et que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu, cependant, pour la cour, d'évoquer les conclusions de la demande présentée au tribunal par M. A....
Sur le fond du litige :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme Chazal, secrétaire générale de l'académie de Dijon, a reçu par arrêté du 29 juin 2017 publié le 4 juillet 2017 au recueil des actes administratif, délégation de Mme C..., rectrice, aux fins de signer tous actes, décisions et correspondances, concernant la protection juridique des personnels de l'académie. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses manque en fait.
5. L'exigence de motivation instituée par les articles L. 211-2 et L. 211-4 du code des relations entre le public et l'administration s'entend de l'énoncé des seuls motifs sur lesquels l'administration entend faire reposer sa décision. Il suit de là que la décision en litige n'est pas entaché d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel d'éléments que M. A... regarde comme lui étant favorables et sur lesquels l'auteur de la décision ne s'est pas fondé.
6. La circulaire n° 2007-047 du 27 février 2007 relative au harcèlement moral au travail a pour seul objet de proposer un dispositif de proximité, de prévention, d'alerte et de prise en charge en cas de problème de harcèlement moral, et ne fait pas référence à la protection fonctionnelle. Ainsi, la circonstance, à la supposer avérée, que la rectrice n'aurait pas suivi le protocole décrit par ce document est sans incidence sur la légalité du refus de protection fonctionnelle opposé à M. A....
7. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions (...), d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions (...) ".
8. Dès lors qu'à l'appui de sa contestation du refus de protection fonctionnelle, M. A... dénonce le harcèlement moral auquel il soutient avoir été exposé dans l'exercice de ses fonctions, il y a lieu, pour la cour, d'examiner si la situation qu'il décrit répond aux conditions énoncées par l'article 6 quinquies précité puis, si tel est le cas, de vérifier si la forme de harcèlement considérée relève de l'un des agissements contre lesquels l'administration est tenue, en vertu de l'article 11 précité, de protéger son agent.
9. À cet égard, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
10. Or, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la remise en cause de l'aménagement du poste de M. A... qu'avait préconisé le médecin de prévention, n'est pas établie, dès lors qu'une salle de cours en rez-de-chaussée lui a été attribuée en novembre 2017, ainsi qu'un vidéoprojecteur en janvier 2018 et un fauteuil ergonomique en mars 2018, ces dispositifs étant compatibles avec les restrictions de ses capacités et les délais d'acquisition des matériels, quoique regrettables, étant imputables aux contraintes budgétaires imposées au service. D'autre part, il appartenait à l'administration, dans l'intérêt même du service, de vérifier les assertions contenues dans le courrier rédigé par l'une des collègues de M. A... sur le comportement inapproprié de celui-ci envers une élève et de s'abstenir de prendre la mesure de protection qu'il demandait dès lors que les éléments recueillis tendaient à étayer les faits qui lui étaient imputés. En outre, M. A..., qui a été soumis comme tous ses collègues de l'établissement à la réglementation en vigueur en matière de cours de soutien, ne saurait soutenir avoir été victime d'un traitement discriminatoire. La modification d'emploi du temps dont il a fait l'objet l'empêchant de travailler en binôme avec une collègue, relève de l'organisation ordinaire du service et ne caractérise pas un traitement individuel défavorable. Enfin, la plainte qu'il a déposée à l'encontre de la principale, de la principale adjointe et de la professeure ayant dénoncé ses agissements, témoigne de son ressentiment, non pas de l'attitude de la hiérarchie à son égard.
11. Il suit de là que les faits avancés, soit trouvent leur justification dans des considérations d'intérêt du service étrangères à tout harcèlement, soit dans le comportement de M. A.... N'étant pas constitutifs de harcèlement moral, au sens de l'article 6 quinquies précité, l'administration n'était pas tenue de l'en protéger et la rectrice n'a, par voie de conséquence, pas méconnu l'article 11 précité en regardant la demande dont elle était saisie comme se rapportant à une situation non constitutive de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 juin 2018, ensemble la décision du 14 juin 2019 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, sa demande aux fins d'annulation, d'injonction sous astreinte et celle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901790 du tribunal administratif de Dijon lu le 17 février 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées en première instance et en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Dijon.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
N° 20LY01386 5