Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... et Mme B... G..., agissant à titre personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur I..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser la somme de 2 499 608,23 euros, ou à titre subsidiaire la moitié de cette somme, en réparation des préjudices résultant d'un accident médical dont leur fils a été victime le 20 novembre 2015, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement avant-dire-droit n° 1700186 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise.
Par un jugement n° 1700186 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 septembre 2019 et le 7 mai 2020, M. E... F... et Mme B... G..., représentés par Me Hartemann, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler les jugements n° 1700186 des 13 novembre 2018 et 16 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser les sommes suivantes :
' Dépense de santé, pour mémoire dans l'attente de la créance de la Caisse,
' Frais divers 3 899,43 €,
' Tierce personne temporaire 11 600 €,
' Perte de gains professionnels 120 000 €,
' Assistance par tierce personne 1 753 868,80 €,
' Préjudice universitaire ou de formation 30 000 €,
' Déficit fonctionnel temporaire 3 240 €,
' Souffrances endurées 30 000 €,
' Préjudice esthétique temporaire 6 000 €,
' Déficit fonctionnel permanent 455 000 €,
' Préjudice d'agrément 30 000 €,
' Préjudice esthétique permanent 6 000 €,
' Préjudice d'établissement 20 000 €,
' Préjudice sexuel 30 000 € ;
3°) à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) à titre très subsidiaire, de condamner l'ONIAM à réparer 50 % des préjudices sus indiqués ;
5°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'anormalité prévue au II de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique est remplie dès lors que la cécité de l'œil gauche découlant de l'opération chirurgicale est notablement plus grave que la perte d'acuité visuelle par compression du nerf optique liée à la tumeur comme l'indique le Dr D..., oncologue ayant suivi I... ; des traitements par radiothérapie ou chimiothérapie pouvaient permettre de faire cesser l'évolution de la tumeur et maintenir un reste de vision ;
- la condition d'anormalité est également remplie dès lors que la cécité au décours de l'opération de décompression constitue une complication rare inférieure à 2 % des cas, comme l'établissent deux séries issues de la littérature médicale (Gooden / Hupp) ; le Pr. C... s'est fondé de façon non appropriée A... des données relatives à l'opération A... méningiome de la gaine du nerf optique et ne justifie pas du taux de 5 à 10 % qu'il retient en invoquant sa propre expérience de neurochirurgien et une bibliographie fondée A... un seul article de méta analyse ;
- leur fils a droit à la réparation intégrale de ses préjudices ; une expertise pourra être ordonnée afin de préciser si nécessaire l'étendue de ses préjudices ; à titre subsidiaire, son préjudice découle d'une perte de chance d'éviter la cécité de son œil gauche que l'on peut fixer à 50 % selon l'expertise.
Par deux mémoires, enregistrés le 23 décembre 2019 et le 19 juin 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, demande à la cour de rejeter la requête de M. F... et Mme H..., sinon à titre subsidiaire, de réduire les indemnisations sollicitées à de plus justes proportions pour un montant global ne dépassant pas la somme de 265 826,18 euros.
Il fait valoir que :
- la condition d'anormalité doit s'apprécier en tenant compte des données propres à l'état du patient ; en l'espèce du fait de l'évolution défavorable de sa pathologie, I... était exposé de manière suffisamment probable à une cécité de l'œil gauche en l'absence de traitement ; au demeurant, l'indication opératoire a été prise collégialement en raison d'une dégradation de la fonction visuelle de l'œil gauche faisant craindre à terme une cécité de cet œil du fait de l'augmentation du volume de la tumeur ;
- la survenue de cette cécité au décours de l'opération litigieuse ne présentait pas une probabilité faible en raison du risque inhérent d'une chirurgie réalisée à proximité du nerf optique ; la littérature médicale citée par l'expert concernant une pathologie posant les mêmes difficultés techniques que la pathologie dont souffre I... est pertinente ; l'expert retient un taux important d'aggravation de la fonction visuelle allant jusqu'à 5 à 10 % de cécité définitive ; ce taux est de nature à être plus important dans le cas d'une maladie diagnostiquée précocement et d'une tumeur volumineuse ;
- les demandes indemnitaires des requérants suscitent les observations suivantes : les factures de cours de ski adapté doivent être écartées car déjà indemnisées au titre du préjudice d'agrément, les frais divers seront remboursés pour 3 024,43 euros ; les frais d'assistance par tierce personne doivent tenir compte des prestations servies comme l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de besoins limités à trois heures par jour eu égard à la divergence A... ce point entre les deux expertises, et d'un taux horaire de 13 euros A... 412 jours ; les pertes de gains professionnels découlent de l'état antérieur de la victime comme l'ont estimé les experts de la CRCI et seront ainsi écartées ; le préjudice scolaire sera limité à 5 000 euros car I... est en milieu scolaire ordinaire et bénéficie d'une aide spécifique prise en charge par le département ; le déficit fonctionnel temporaire sera calculé A... la base de 15 euros par jour, soit 1 608,75 euros ; les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 14 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire à celui de 2 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent retenu par les experts est de 57 %, soit une indemnité de 227 193 euros ; le préjudice d'agrément sera réparé par l'octroi d'une somme de 10 000 euros ; le préjudice esthétique permanent le sera par la somme de 3 000 euros ; aucun préjudice d'établissement ou préjudice sexuel ne sera retenu en raison de la pathologie initiale.
La clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2020 par une ordonnance du 7 octobre 2020.
Des mémoires enregistrés le 17 novembre 2020, les 12 et 29 juillet 2021, et le 1er septembre 2021, présentés pour les consorts F..., n'ont pas été communiqués en application du dernier alinéa de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hartemann, représentant les consorts F....
Considérant ce qui suit :
1. I... F..., né le 5 avril 2010, s'est vu diagnostiquer à l'âge de neuf mois une tumeur supra hypophysaire ayant entrainé une perte de vision de l'œil droit malgré une chimiothérapie effectuée en 2011. Suite à une dégradation de la vision de l'œil gauche à compter de 2014, une intervention chirurgicale pour décompression du chiasma sans exérèse subtotale a été réalisée le 21 novembre 2015 à l'hôpital neurologique de Bron appartenant aux hospices civils de Lyon à la suite de laquelle a été constatée la cécité de l'œil gauche. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Rhône-Alpes a diligenté une expertise confiée au Dr J..., neurochirurgien, et au Dr K..., ophtalmologiste, qui ont remis leur rapport le 22 mai 2016. Par son avis du 6 juillet 2016, la CRCI de Rhône-Alpes a rejeté la demande de M. E... F... et de Mme B... G..., parents d'Augustin, pour absence d'anormalité de l'accident médical survenu lors de l'opération du 20 novembre 2015. Par jugement avant-dire-droit du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une nouvelle expertise confiée au Dr. C..., neurochirurgien, qui a remis son rapport le 18 mars 2019. Par jugement du 16 juillet 2019, dont M. F... et Mme G... relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme globale de 2 499 608,23 euros au titre des préjudices subis par leur fils.
A... la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences A... la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1.
3. Il résulte également des dispositions combinées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de l'article D. 1142-1 du même code que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit notamment être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Il en va ainsi des troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie. Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que celles-ci font obstacle, en l'absence de certitude quant au terme auquel ces troubles seraient apparus en l'absence d'accident, à ce que leur réparation par la solidarité nationale soit limitée jusqu'à une telle échéance.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise produits devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Rhône-Alpes et le tribunal administratif de Lyon, que le jeune I... présentait avant l'opération litigieuse une vision de l'œil gauche déjà déficitaire avec une mesure à 5/10 associée à des troubles du champ visuel latéral (hémianopsie) tandis que son œil droit ne présentait qu'un reliquat visuel mesuré à 0,5/10, en raison de l'action A... le nerf optique de la composante kystique de la tumeur située dans le chiasma. A compter de début 2014, l'état de l'œil gauche s'était dégradé avec une augmentation de la pâleur papillaire, signe de souffrance du nerf optique, et une gêne temporale croissante. Des chimiothérapies à base d'Avastin à compter de la fin janvier 2014, puis de Velbe à compter de mai 2015, n'ont pas réussi à contrôler la progression tumorale et ses effets A... l'œil gauche. Le 10 novembre 2015, une réunion de concertation pluridisciplinaire a décidé l'intervention de décompression de la tumeur afin de préserver " la fonction visuelle de l'œil gauche, seul voyant, [qui] se dégrade, ce qui (est) corrélé avec la progression radiologique de la masse tumorale et du kyste ". Les docteurs J... et K... indiquent dans leur rapport que " l'évolution spontanée de la tumeur aurait entrainé une cécité de l'œil gauche " tandis que le Dr C... estime que la cécité de l'œil gauche était " hautement probable à moyen ou long terme (quelques mois ou années) ". Si les avis médicaux produits par les requérants contestent l'évolution probable vers la cécité de l'œil gauche, ils ne suffisent pas pour infirmer la position convergente des experts précités dès lors que les chimiothérapies réalisées à compter de début 2014 n'ont pas réussi à contrôler la progression tumorale et ses effets délétères A... l'œil gauche, que l'indication opératoire d'une chirurgie de décompression de la tumeur par exérèse partielle a été posée comme étant la seule solution pour préserver la fonction visuelle de cet œil et que la littérature médicale souligne que le pronostic visuel est d'autant plus mauvais que la maladie est diagnostiquée avant l'âge d'un an, que la tumeur est volumineuse et que les enfants doivent être opérés.
5. Toutefois, comme rappelé au point précédent, si les experts de la CRCI concluent à une évolution spontanée de la tumeur entrainant inéluctablement la cécité de l'œil gauche, l'expert missionné par le tribunal administratif évoque seulement une cécité hautement probable à moyen ou long terme, estimée en termes de mois voire d'années. Dans ces conditions, la cécité entrainée par l'intervention litigieuse doit être regardée comme étant apparue de façon prématurée alors même qu'elle semblait très probable au regard de l'évolution de la tumeur. Il s'ensuit que l'accident médical non fautif survenu au décours de l'opération chirurgicale du 21 novembre 2015 a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Par suite, la condition d'anormalité prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit être regardée comme remplie. Il n'est pas discuté que la cécité de l'œil gauche entraine un taux d'incapacité évalué à 57 % par les experts ; la condition de gravité est donc également respectée. Il suit de là que la réparation des conséquences dommageables de l'accident médical non fautif subi par I... F... incombe à l'ONIAM, tenu d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale en vertu des dispositions citées au point 2, sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise. Les consorts F... sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande en estimant que la condition d'anormalité du préjudice n'était pas rapportée. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué, et, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer A... les conclusions indemnitaires des consorts F....
A... les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
6. En premier lieu, les consorts F... demandent le remboursement de frais de déplacement exposés pour assister à des réunions d'expertise ou devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation pour des montants non contestés de 752,53 et 593,10 euros, qu'il convient de leur allouer. Les requérants justifient avoir eu recours à un médecin pour les conseiller au cours de l'expertise ordonnée par le juge des référés pour un montant d'honoraires de 1 800 euros selon des factures des 29 avril et 9 juillet 2016. Ils justifient également avoir exposé des frais d'un montant de 36 euros pour l'inscription à une bibliothèque Braille enfantine. En revanche, comme l'oppose l'ONIAM, il n'est pas établi que les frais de cours de Ski d'un montant de 875 euros, exposés auprès de l'école de ski français de l'Alpe d'Huez entre le 13 et le 19 février 2016, présentent un lien suffisamment direct et certain avec les troubles subis par le jeune I.... Il découle de ce qui précède que les consorts F... ont droit au remboursement d'une somme de 3 181,63 euros au titre des frais divers.
7. En deuxième lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder A... un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Il découle de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap, dont les frais d'assistance par tierce personne. En l'absence de toute faculté de récupération de cette allocation en cas de retour du bénéficiaire à meilleur fortune, son montant peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Enfin, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre d'heures que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré.
8. Si les requérants soutiennent qu'Augustin a besoin d'une assistance pour tierce personne non spécialisée pour quatre heures en temps scolaire et de huit heures en dehors, il résulte de l'instruction, et notamment du dernier rapport d'expertise, que le besoin, tant avant qu'après consolidation, peut être évalué à deux heures compte tenu de la relative autonomie de l'enfant en matière d'habillage, d'alimentation et de déplacement en terrain familier, tenant à ce qu'avant l'intervention litigieuse, sa vision était déjà fortement altérée. Si les requérants demandent également l'application d'un taux horaire de 20 euros, il découle des principes rappelés au point précédent qu'il y a lieu de se fonder A... le coût du SMIC horaire augmenté des charges sociales et prenant en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et aux dimanches et jours fériés sous la forme d'une annualisation A... la base de 412 jours. Il résulte également de l'instruction que M. F... et Mme G... perçoivent depuis janvier 2016 l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé selon des montants variables jusqu'à la date de la présente décision.
9. S'agissant de la période avant consolidation, dont la date est fixée au 12 mai 2016, il y a lieu de soustraire également une période de trente jours que les experts considèrent comme inhérente à l'intervention chirurgicale en l'absence de toute complication. En retenant un taux horaire de 13 euros et une durée de 144 jours et en appliquant les modalités indiquées au point 8, les consorts F... auraient droit à une indemnité de 4 226,10 euros. Toutefois, du 20 décembre 2015 au 12 mai 2016, les consorts F... ont perçu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour un montant de 1 868,31 euros. Dès lors, ils n'ont droit qu'à une indemnité de 2 357,79 euros.
10. S'agissant de la période post-consolidation et jusqu'à la présente décision, il sera fait application des modalités indiquées au point 8 en retenant le taux horaire du SMIC chargé afférent à chaque année concernée, de 2016 à 2021, ainsi que les versements reçus au titre de l'allocation citée au point 7. Au total, les consorts F... ont ainsi droit à une indemnité d'un montant de 32 477,03 euros.
11. S'agissant enfin de la période postérieure au présent arrêt, il n'est nullement établi que le handicap dont souffre le jeune I... ne l'amène pas à être placé, même temporairement dans une institution spécialisée. Comme le demande l'ONIAM, il sera donc octroyé à l'intéressé une rente trimestrielle d'un montant annuel initial de 11 824,40 euros, correspondant aux modalités vues au point 8 et selon un taux horaire du SMIC de 14,35 euros comprenant les charges sociales, laquelle sera ensuite revalorisée en fonction des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et de laquelle sera déduit, le cas échéant, les sommes perçues au titre de prestations d'assistance par tierce personne, telle l'allocation d'éducation pour enfant handicapé vue au point 7. De même, le montant de cette rente versée à chaque trimestre échu sera réduit, le cas échéant, sous le contrôle du juge de l'exécution du présent arrêt, au prorata du nombre d'heures de prise en charge de l'enfant en institution. Pour cela, il appartiendra aux parents d'Augustin F..., puis à ce dernier à compter de sa majorité, de fournir à l'ONIAM les justificatifs établissant les volumes horaires durant lesquels il aura bénéficié d'une prise en charge en institution ainsi que, le cas échéant, les montants de la prestation d'éducation de l'enfant handicapé, ou toute autre aide assimilable, pendant chaque trimestre échu.
12. En troisième lieu, les consorts F... font valoir qu'Augustin subit un préjudice scolaire, universitaire ou de formation qu'ils évaluent à 30 000 euros. Toutefois, comme l'oppose l'ONIAM, il résulte de l'instruction que l'enfant bénéficie d'une scolarité en milieu ordinaire, grâce à une aide spécifique financée par le département, et il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il souffre d'un retard scolaire du fait de son handicap. Toutefois, eu égard à la gêne subie du fait de sa cécité pour sa scolarité, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant la somme de 5 000 euros.
13. En dernier lieu, les requérants font valoir qu'Augustin n'aura jamais accès à un certain nombre de métiers en raison de son handicap. Toutefois, comme indiqué au point précédent, l'enfant poursuit pour le moment une scolarité normale et, avant l'opération litigieuse, ses troubles visuels importants étaient déjà de nature à l'empêcher d'envisager tout métier nécessitant une vision correcte. Si les experts de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont retenu une limitation des choix professionnels à l'âge adulte, ils ont en même temps estimé que la réparation de ce préjudice était " sans objet ". Par suite, la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle consécutives au seul accident médical non fautif survenu le 21 novembre 2015 ne sont pas établies.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que la victime a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 20 décembre 2015 au 12 mai 2016, date de la consolidation de son état de santé. En prenant un taux journalier de 15 euros pour un déficit fonctionnel temporaire total, il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en allouant la somme de 1 631,25 euros.
15. En deuxième lieu, les souffrances endurées par I... ont été estimées à cinq A... une échelle de sept. Selon le barème indicatif de l'ONIAM, une juste réparation de ce préjudice consiste en l'octroi de la somme de 14 000 euros.
16. En troisième lieu, les requérants font valoir que la victime subi un préjudice esthétique, tenant au port d'une canne blanche et à sa désorientation spatiale, évalué par les experts devant la CRCI à trois A... une échelle de sept. En revanche, l'enfant souffre d'un strabisme itératif et d'un nystagmus provenant de sa pathologie initiale. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, tant avant qu'après consolidation, en octroyant une somme de 6 000 euros.
17. En quatrième lieu, les requérants demandent que le déficit fonctionnel permanent affectant I... soit fixé au taux de 70 % et indemnisé à hauteur de 455 000 euros. Toutefois, l'avis médical produit ne suffit pas à infirmer l'évaluation convergente effectuée par les experts missionnés par la CRCI et le tribunal administratif de Lyon selon lesquels la cécité de l'œil gauche a fait subir à cet enfant un déficit fonctionnel permanent évalué à 57 %, tenant compte de la quasi cécité de l'œil droit en lien avec la tumeur et de la mauvaise vision initiale de l'œil gauche. Compte tenu de ce taux et de l'âge de la victime à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 200 000 euros.
18. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que, malgré sa mauvaise vue avant l'accident médical, I... était plus sociable et pratiquait des sports, comme le ski, auxquels il a dû renoncer. Il lui sera alloué une somme de 10 000 euros à ce titre.
19. En sixième lieu, si les consorts F... soutiennent qu'Augustin a subi un préjudice sexuel ainsi qu'un préjudice d'établissement, les experts n'ont pas retenu un tel dommage considérant que : " I... appréhendera la vie différemment des autres adolescents. Ceci est imputable à l'évolution d'une maladie tumorale exceptionnelle " excluant ainsi tout lien direct entre d'éventuels troubles sexuels ou difficultés de réaliser un projet de vie en lien suffisamment direct et certain avec la cécité survenue au décours de l'opération litigieuse.
20. Il découle de tout ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. et Mme F..., en qualité de représentants légaux de leur fils I..., d'une indemnité en capital de 274 647,70 euros, et celui d'une rente trimestrielle dont le montant et les modalités de versement sont définis au point 11.
A... les frais liés à l'instance :
21. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ONIAM, à verser à M. F... et à Mme G... une somme de 1 500 euros au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens.
22. D'autre part, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser la somme de 274 647,70 euros à M. F... et à Mme G..., en qualité de représentants légaux de leur fils I....
Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à M. F... et à Mme G..., en qualité de représentants légaux de leur fils I..., puis à ce dernier, à compter de sa majorité, une rente trimestrielle selon le montant et les modalités fixés au point 11 du présent arrêt.
Article 4 : L'ONIAM versera aux consorts F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et à Mme B... G..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la mutuelle générale de l'éducation nationale de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
N° 19LY03548 10