La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2021 | FRANCE | N°19LY01120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 19LY01120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Chantereau P et M a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 et présenté à l'administration une réclamation tendant aux mêmes fin qui a été transmise d'office au tribunal administratif de Dijon en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1800691-1801928 du 29 janvier 2019, le tribu

nal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Chantereau P et M a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 et présenté à l'administration une réclamation tendant aux mêmes fin qui a été transmise d'office au tribunal administratif de Dijon en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1800691-1801928 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mars 2019 et le 12 juillet 2021, la SAS Chantereau P et M, représentée en dernier lieu par Me Turon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Chantereau P et M soutient que :

- selon l'arrêt C-91/12 du 21 mars 2013, Skatteverket c/ PFC Clinic AB de la cour de justice de l'Union européenne, la constatation faite par un professionnel médical habilité du caractère thérapeutique d'un acte est un élément à prendre en compte aux fins de son exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la classification commune des actes médicaux (CCAM) présente le caractère de constatation faite par un professionnel médical habilité, il s'agit d'un document objectif, élaboré par les autorités médicales, ayant valeur réglementaire dans l'ordre juridique français ;

- si un acte est classé comme acte thérapeutique par la CCAM, il doit être exonéré de taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration a fait évoluer sa doctrine en ce sens à la suite d'une mise en demeure de la Commission européenne en juillet 2015 ; celle-ci a classé la procédure en constatant que l'exonération n'était plus strictement subordonnée au remboursement des actes par l'assurance maladie ; la référence et l'utilisation de la CCAM aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sont ainsi nécessaires et suffisantes au regard du droit européen ;

- utiliser la CCAM ne prive aucunement l'administration d'opérer, le cas échéant, des redressements.

Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SAS Chantereau P et M ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977 et la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Chantereau P et M, qui exerce une activité de chirurgie plastique, réparatrice et esthétique à Chalon-sur-Saône, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration, estimant que certains actes de chirurgie esthétique pratiqués ne poursuivaient pas une finalité thérapeutique, a remis en cause l'exonération appliquée sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et rappelé, suivant la procédure contradictoire, la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de ces actes. La SAS Chantereau PetM relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon, après les avoir jointes, a rejeté sa demande et sa réclamation soumise d'office par l'administration tendant, l'une et l'autre, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés par avis de mise en recouvrement du 30 septembre 2015.

2. Selon le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées ci-dessus, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

4. D'autre part il résulte des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique que les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste, dite de classification commune des actes médicaux (CCAM), prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

5. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste CCAM ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

6. En l'espèce, l'administration a considéré que les actes chirurgicaux pratiqués dans l'établissement de la société requérante pendant la période en litige sous les dénominations de plasties abdominales, plasties mammaires (réduction ou augmentation), lipectomies (cuisses, bras), lipo aspirations et lipo modelage n'entraient pas dans le champ de l'exonération prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts précité dès lors, d'une part, qu'ils n'avaient pas été pris en charge par l'assurance maladie et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas de but thérapeutique.

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

8. Pour soutenir que les actes chirurgicaux décrits au point 6 ci-dessus sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, la SAS Chantereau P et M, qui est seule en mesure d'apporter des éléments sur ce point, se borne, pour l'essentiel, à critiquer le raisonnement de l'administration et du Gouvernement français, et à soutenir que ces actes poursuivaient nécessairement une finalité thérapeutique compte tenu de leur inscription sur la liste CCAM prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. Toutefois, la circonstance que ces actes sont inscrits sur cette liste, alors même qu'elle est établie après un avis d'une autorité médicale, ne suffit pas, à elle seule, à établir la finalité thérapeutique des actes dès lors qu'il résulte des termes de cette classification que le remboursement d'un certain nombre d'actes chirurgicaux est soumis à une entente préalable au cas par cas. Si la SAS Chantereau P et M produit, pour la première fois en appel, à l'appui de son mémoire en réplique, un tableau des interventions qu'elle a pratiquées, elle n'assortit ce document, élaboré par ses soins, d'aucun justificatif ni d'aucune explication permettant d'en apprécier la valeur probante. Au demeurant, certains des actes figurant sur ce tableau sont affectés de codes CCAM correspondant à des interventions non prises en charge par l'assurance maladie d'après les indications figurant sur la nomenclature de la CCAM " tarifiante ", également produite dans ses dernières écritures, telles que par exemple les actes codés QBFA001 ou QEDA004. D'autres sont affectés de codes CCAM qui ne figurent pas dans la CCAM " tarifiante ", tels que les codes QBJB001 ou QZEA045. Les intitulés de ces interventions correspondent d'ailleurs à ceux des actes chirurgicaux listés ci-dessus au point 6, pour lesquels l'administration a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la société. Ainsi, à défaut d'explications et de justificatifs probants qui pouvaient être apportés sans porter atteinte au secret médical, c'est par une exacte application des dispositions reproduites que l'administration a estimé qu'en l'absence de finalité thérapeutique les actes en cause ne pouvaient être regardés comme relevant de la catégorie des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée.

9. La circonstance que l'interprétation donnée par l'administration fiscale du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ait récemment évolué pour permettre de considérer comme présentant une finalité thérapeutique des actes non pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie s'ils font l'objet d'un avis favorable de la Haute autorité de santé est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des rappels en litige dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un quelconque avis soit intervenu pour les actes en litige. Est également inopérant le moyen tiré de ce que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à d'autres contribuables, portant sur des actes chirurgicaux indéterminés, auraient été abandonnés sur le fondement de cette nouvelle interprétation.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Chantereau P et M n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Chantereau P et M est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Chantereau P et M et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

2

N° 19LY01120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01120
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET SAS CHANTEREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;19ly01120 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award