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19/08/2021 | FRANCE | N°20LY03455

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 19 août 2021, 20LY03455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne l'a assigné à résidence dans l'Yonne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2003145 du 20 novembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2020, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Claisse de la Se

larl Claisse et Associés, demande à la cour d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne l'a assigné à résidence dans l'Yonne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2003145 du 20 novembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2020, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Claisse de la Selarl Claisse et Associés, demande à la cour d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon du 20 novembre 2020 et de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a annulé sa décision au motif qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il pouvait assigner à résidence M. B... dans le département de l'Yonne dès lors que ce dernier ne possédait qu'une adresse postale à Paris, qu'il y vivait dans un squat et qu'il ne pouvait se prévaloir être domicilié chez son ex-épouse à A... dont il est séparé depuis des faits de violences conjugales ;

- les autres moyens développés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Si Hassen, conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat verse à son avocat la somme de 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né en 1969, a fait l'objet d'un arrêté du 14 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne l'a assigné à résidence dans l'Yonne pour une durée de quarante-cinq jours. Par jugement du 20 novembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté. Le préfet de l'Yonne demande l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de M. B....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai (...). L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire en application de l'article L. 511-1 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse.

4. Pour assigner dans le département de l'Yonne M. B..., le préfet s'est fondé sur la circonstance que, suite à l'interpellation de ce dernier alors qu'il photographiait la maison d'arrêt d'Auxerre, l'intéressé faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire du préfet de la Côte-d'Or du 21 juin 2020 dont la demande d'annulation devant le tribunal administratif de Paris avait été rejetée, qu'il ne justifiait pas du caractère effectif et permanent de son hébergement à Paris, ni de sa résidence chez son ex-épouse à A... et qu'il était démuni de tout document d'identité ou de voyage et ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... bénéficiait effectivement d'une domiciliation postale dans un lieu d'hébergement associatif à Paris, il était toutefois dépourvu de domicile fixe dans la capitale car vivant dans un squat, ce qu'attestent les pièces qu'il a lui-même versées en première instance. La seule domiciliation postale de l'intéressé ainsi que la nécessité alléguée de relever son courrier régulièrement ne sauraient imposer à l'intéressé de demeurer à Paris. Dans ces conditions, le préfet de l'Yonne, qui a, au demeurant, organisé la prise en charge de M. B... dans un hébergement d'urgence du département postérieurement à la décision attaquée, a procédé à une exacte application des dispositions précitées au point 2. Le préfet de l'Yonne est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a retenu que la décision attaquée était entachée d'illégalité et, partant à demander l'annulation de ce jugement.

5. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige vise à tort un jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 septembre 2020 alors qu'il s'agit d'un jugement du tribunal administratif de Paris. Toutefois, cette simple erreur de plume n'a eu aucune incidence sur l'appréciation portée par le préfet de l'Yonne sur la situation de B... et n'entache ainsi pas l'arrêté d'un défaut de motivation.

7. En deuxième lieu, si l'arrêté mentionne à tort que l'intéressé a quatre enfants dont trois majeurs au lieu de cinq enfants dont quatre majeurs, cette erreur matérielle entachant l'arrêté, pour regrettable qu'elle soit, n'a eu aucune conséquence sur l'appréciation portée par le préfet sur la situation privée et familiale de M. B... et ne traduit ainsi pas un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intimé.

8. En troisième lieu, la circonstance que le préfet ait relevé dans son arrêté que M. B... ne justifiait pas du caractère effectif et permanent de son hébergement d'urgence à Paris dans le 19e arrondissement n'entache pas d'erreur de fait l'arrêté attaqué dès lors que, comme le préfet l'a relevé, l'intimé n'avait pas accès à un hébergement effectif à Paris.

9. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a divorcé de son épouse en mai 2017 à la suite de violences conjugales, que cette dernière a obtenu la garde des enfants du couple et qu'elle réside avec ses enfants à A..., dans l'Aube. Dans ces conditions, l'assignation à résidence de M. B..., compte tenu de la situation de l'intéressé rappelé au point 4, eu égard aux buts qu'elle poursuit et alors même que ce dernier verse aux débats une lettre de l'un de ses enfants attestant qu'il vient les visiter à A..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Yonne est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 14 novembre 2020. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003145 du 20 novembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Dijon ainsi que ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au le préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Daniele Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 août 2021.

5

N° 20LY03455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03455
Date de la décision : 19/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP GAVIGNETetASSOCIES - MAÎTRE SI HASSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-19;20ly03455 ?
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