Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure de payer émise le 19 avril 2018 par le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône ;
2°) de prononcer l'annulation totale des poursuites en recouvrement exercées par le pôle de recouvrement spécialisé au titre de la solidarité avec la société Alnaco LTD ;
3°) de prononcer qu'elle ne doit aucune imposition en qualité de débiteur solidaire avec la société Alnaco LTD, au titre du jugement rendu le 5 juillet 2016 par le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône.
Par un jugement n° 1805607 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 septembre 2019 et 10 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Curvat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juillet 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions et pénalités en cause ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a excédé ses compétences en interprétant le jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône et en y ajoutant des mentions qui n'y figuraient pas ;
- le dispositif du jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône ne permet pas de délimiter l'obligation mise à sa charge puisque ne sont précisées ni la portée de la solidarité, ni la nature des impositions en question, ni les années qui seraient en cause, ni les sommes auxquelles les pénalités se rattachent en méconnaissance notamment de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ainsi, il ne peut constituer un titre exécutoire suffisant au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'intéressée ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2009, 2010 et 2011, la société Alnaco Limited, dont Mme B... était co-gérante et associée à hauteur de 50 % a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi qu'aux pénalités correspondantes, qui ont été mises en recouvrement, le 6 janvier 2014. Le 19 avril 2018, le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a mis en demeure Mme B... de payer la somme totale de 341 930 euros correspondant aux droits et pénalités restant dus par la société Alnaco Limited et au paiement solidaire desquels elle avait été condamnée sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts par un jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, siégeant comme tribunal correctionnel. Mme B... fait appel du jugement du 9 juillet 2919 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. La requérante fait valoir que le tribunal a excédé ses compétences en interprétant le jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône et en y ajoutant des mentions qui n'y figuraient pas. Il ressort du jugement précité du 5 juillet 2016, que le juge pénal, statuant sur l'action civile engagée par l'administration fiscale a dit que " C... Jacques et B... Lyn sont solidairement tenus avec la société Analco Ltd et à celui des pénalités y afférentes, en application des dispositions de l'article 1745 du code général des impôts ". La lecture de cette phrase qui révèle que des mots ont été omis du fait d'une erreur purement matérielle, permet toutefois de comprendre de manière suffisamment claire et précise et sans qu'il soit besoin de saisir la juridiction judiciaire d'une question préjudicielle, que le juge pénal n'a pas entendu limiter le principe et la portée de la solidarité au paiement des seules pénalités, mais a également inclus les impositions auxquelles la société Analco Limited a été assujettie. Ainsi, le tribunal n'a pas excédé sa compétence en considérant que le jugement du 5 juillet 2016 définissait suffisamment le principe et la nature de la solidarité des intéressés au paiement des impôts et pénalités éludés par la société Alnaco Limited.
Sur le bien-fondé :
3. D'une part, aux termes de l'article 1745 du code général des impôts : " Tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes. ". La solidarité prévue par cet article est une mesure pénale prononcée par le juge répressif. Lorsqu'une personne a été condamnée comme complice d'un délit de fraude fiscale, le juge répressif est ainsi seul compétent pour décider s'il y a lieu de la déclarer solidairement tenue au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales correspondantes. Par voie de conséquence, si le débiteur solidaire est recevable à contester la procédure et le bien-fondé des impositions mises à la charge du redevable principal, il ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution : " Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. ". Selon les dispositions de l'article L. 111-3 du même code : " Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire (...) ". Aux termes de son article L. 111-4 : " L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. (...) " et aux termes de son article L. 111-6 : " La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. "
5. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, en dépit des omissions purement matérielles de mots que comporte son dispositif, condamne M. C... et Mme B... au paiement solidaire des impositions et pénalités dues au Trésor Public par la société Alnaco Limited. Il n'est pas contesté que ce jugement est devenu définitif. Ce jugement ayant force exécutoire constitue de par sa nature même un titre exécutoire suffisant pour fonder les poursuites engagées à l'encontre de l'intéressée en application des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, sans que la requérante puisse utilement soutenir devant le juge de l'impôt que ce jugement ne serait pas motivé de manière suffisamment claire et précise en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit à un procès équitable.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 août 2021.
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