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05/08/2021 | FRANCE | N°21LY00450

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 août 2021, 21LY00450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 11 janvier 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et l'a interdit de retour sur le territoire national avant l'écoulement d'une période de trois ans.

Par un jugement n° 2100243 du 15 janvier 2021, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la

Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 13 février 2021, sous le n° 21LY00451, M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 11 janvier 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et l'a interdit de retour sur le territoire national avant l'écoulement d'une période de trois ans.

Par un jugement n° 2100243 du 15 janvier 2021, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 13 février 2021, sous le n° 21LY00451, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100243 du 15 janvier 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français sinon, à titre subsidiaire, la décision refusant le délai de départ volontaire et celle prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) de condamner le préfet de l'Isère à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale car il devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien tenant à sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, dès lors qu'il était détenteur d'un certificat de résidence de dix ans de 2007 à 2017 et que son incarcération en Algérie pendant 24 mois, circonstance exceptionnelle et indépendante de sa volonté, ne constitue pas une rupture de la continuité de sa résidence en France ;

- la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie du caractère indispensable de sa présence auprès de ses parents âgés et malades sinon du besoin d'un délai de départ volontaire pour organiser leur prise en charge par un tiers ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale compte tenu de la durée de sa résidence en France et de la présence de ses parents âgés et malades dont il s'occupe ; le motif tiré de la menace à l'ordre public est erroné dès lors qu'il n'a plus commis de faits délictueux depuis 2015 ; la décision viole également l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que :

- l'intéressé a déjà fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur le territoire national pendant trois ans par arrêté du 15 avril 2019, confirmé par le tribunal administratif de Lyon puis la cour administrative d'appel de Lyon ;

- son comportement représente une menace à l'ordre public tenant à de multiples condamnations entre 2010 et 2016 pour des faits de vol ou de violence, sans compter des actes de délinquance pendant sa minorité ; le risque de fuite était avéré et l'intéressé ne justifiait pas d'un domicile ; le caractère indispensable de sa présence auprès de ses parents n'est pas établi alors qu'il a connu de longues périodes d'incarcération ;

- sa dernière entrée en France est récente ; son épouse et leur enfant résident en Algérie comme sa fratrie ; il ne démontre aucune insertion sociale ou professionnelle ; il n'a pas déféré à la précédente obligation de quitter le territoire français ; il présente toujours une menace à l'ordre public.

II - Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, sous le n° 21LY00450, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour d'ordonner le sursis à statuer du jugement n° 2100243 du 15 janvier 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon :

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué porterait une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait des conséquences graves pour ses parents dont il s'occupe ;

les moyens invoqués à l'encontre des décisions attaqués sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de l'Isère a obligé M. A... C..., né le 17 septembre 1989, de nationalité algérienne, à quitter le territoire français sans délai en lui interdisant de retourner en France pendant trois ans. Par sa requête enregistrée le 13 février 2021, sous le n° 21LY00451, M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 15 janvier 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Par une requête enregistré le 15 février 2021, sous le n° 21LY00450, M. C... demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 21LY00451 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. D'une part, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

3. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 1. au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". Les périodes de détention accomplies à la suite de condamnations à des peines privatives de liberté ne peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée de la résidence en France pour l'application des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 25 décembre 2004, à l'âge de quinze ans, dans le cadre d'un regroupement familial, et y a résidé habituellement jusqu'en novembre 2016, soit pour une durée de douze ans. Toutefois, il n'apporte aucune preuve quant à son entrée en France fin 2004 et le seul certificat de scolarité daté du 6 juin 2005 ne suffit pas à établir sa résidence habituelle à cette date. La circonstance qu'il se soit vu délivrer un certificat de résidence de dix ans valable d'avril 2007 à avril 2017 ne suffit pas à rapporter la preuve de son séjour habituel pendant toute cette période. En revanche, le requérant apporte des justificatifs suffisamment probants établissant sa présence habituelle en France à compter d'avril 2007 et jusqu'en août 2015, à l'exception notable de l'année 2013. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet de condamnations pénales les 2 septembre 2010, 19 décembre 2012, 14 mai 2014 et 28 septembre 2016 pour lesquelles il s'est vu infliger des peines d'emprisonnement d'une durée globale de dix-neuf mois. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été interpellé par les forces de police algérienne pour détention illégale de substances psychotropes et a été détenu préventivement en Algérie du 8 novembre 2016 au 6 février 2018. Contrairement à ce qu'il soutient, cette période d'incarcération à l'étranger ne saurait être prise en compte dans le décompte de la durée de sa présence habituelle en France, quand bien même une telle circonstance serait indépendante de sa volonté. Revenu en France le 20 mai 2018, il a été à nouveau incarcéré jusqu'au 30 juillet 2018. Il découle de ce qui précède qu'à la date de l'arrêté litigieux, le requérant ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans comme il l'allègue. Il ne peut, dès lors, faire valoir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit également que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a fondé sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire en raison de la menace à l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé, au fait que l'intéressé s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement datée du 15 avril 2019 et à ce qu'il ne justifiait, ni de documents de voyage en cours de validité, ni d'une résidence effective et permanente en France, motifs nullement contestés par M. C.... Si ce dernier soutient que sa présence auprès de ses parents, âgés et malades, seraient indispensables, l'unique certificat médical produit, peu circonstancié, ne suffit pas à l'établir alors qu'il découle du point 4 que l'intéressé a été absent pendant de longues périodes du fait des périodes de détention en France ou en Algérie. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision querellée, notamment pour que l'intéressé organise la prise en charge de ses parents avant son départ.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Si M. C... soutient que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en raison de son assistance à ses parents âgés et malades, il découle du point 6 que le caractère indispensable de sa présence auprès de ses parents n'est pas établi. S'il fait également valoir la durée de sa présence en France, il découle du point 4 que cette présence, certes ancienne, n'est pas continue mais est émaillée de périodes de détention en France ou en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est marié le 23 avril 2014 avec une compatriote avec laquelle il a eu un fils né le 2 septembre 2016, dont il ne conteste pas qu'ils vivent en Algérie, comme sa fratrie. Comme indiqué au point 4, l'intéressé a commis de multiples délits tenant à des faits de vol ou de violence avec récidives pour lesquels il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales aboutissant à des peines d'emprisonnement pour une durée globale de dix-neuf mois. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Dès lors, au regard tant de la répétition que de la gravité des faits qui lui sont reprochés, et alors même qu'il n'aurait plus commis d'infractions depuis son retour en France en 2018, la menace à l'ordre public que constitue sa présence en France doit être regardée comme suffisamment avérée. Par arrêté du 15 avril 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans, arrêté confirmé par le tribunal administratif de Lyon selon jugement du 24 septembre 2019 et par la cour administrative d'appel de Lyon selon ordonnance du 23 avril 2020. Il est constant que l'intéressé n'a pas déféré à cette obligation de quitter le territoire français. Il découle de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision litigieuse.

9. Il découle de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la requête n° 21LY00450 :

10. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2100243 du 15 janvier 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 21LY00450 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 21LY00451 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY00450.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 août 2021.

N° 21LY00450... 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00450
Date de la décision : 05/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-05;21ly00450 ?
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