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05/08/2021 | FRANCE | N°17LY01750

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 août 2021, 17LY01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Saint-Bonnet-le-Château à lui verser la somme de 89 000 euros en réparation de ses préjudices en lien avec les travaux réalisés par la commune sur l'immeuble mitoyen de sa propriété située rue des Fours banaux et de mettre à la charge de la commune de Saint-Bonnet-le-Château, outre les entiers dépens, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1501272 du 6 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Saint-Bonnet-le-Château à lui verser la somme de 89 000 euros en réparation de ses préjudices en lien avec les travaux réalisés par la commune sur l'immeuble mitoyen de sa propriété située rue des Fours banaux et de mettre à la charge de la commune de Saint-Bonnet-le-Château, outre les entiers dépens, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1501272 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Saint-Bonnet-le-Château à verser à Mme E... une somme de 1 680 euros en réparation des préjudices subis, a mis à la charge de la commune de Saint-Bonnet-le-Château, outre les frais d'expertise, une somme de 1 200 euros à verser au conseil de Mme E... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Une requête enregistrée le 14 avril 2017, et des mémoires, enregistrés le 30 avril 2019 et le 15 mai 2019 ont été présentés pour Mme E..., représentée en dernier lieu par la SELARL Environnement droit public.

Le 2 octobre 2019, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a engagé une procédure de médiation à l'initiative du juge en application des articles L. 213-7 et suivants du code de justice administrative.

Par un courriel enregistré le 15 novembre 2019, Mme E... a déclaré accepter le recours à une médiation.

Par un courrier enregistré le 18 novembre 2019, la commune de Saint-Bonnet-le-Château a déclaré accepter le recours à une médiation.

Une médiatrice a été désignée le 10 décembre 2019.

Par un courrier du 12 avril 2021, la médiatrice désignée par la cour administrative d'appel de Lyon a informé la cour de l'échec de la médiation en application de l'article L. 213-9 du code de justice administrative.

Par une lettre du 12 avril 2021, la Cour, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative a invité Mme E... à produire un mémoire récapitulatif.

Par un mémoire récapitulatif enregistré le 12 mai 2021, Mme E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501272 du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner la commune de Saint-Bonnet-le-Château à lui verser la somme de 89 000 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bonnet-le-Château la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a vendu le 13 juin 2012 la parcelle cadastrée section AE n° 663 à la commune de Saint-Bonnet-le-Château, laquelle a procédé à la démolition de l'immeuble se trouvant sur cette parcelle ; la démolition de cet immeuble a entraîné la disparition de l'escalier d'accès à sa maison, située sur la parcelle cadastrée section AE n° 662 ; le premier étage n'était accessible que par la cage d'escalier commune située dans le corps du bâtiment détruit ; cet escalier n'a été remplacé que par un escalier provisoire en bois, sans protection contre les éléments naturels ; en outre, depuis les travaux de démolition entrepris par la commune, plusieurs fissures importantes sont apparues sur sa maison ; la responsabilité de la commune de Saint-Bonnet-le-Château pour dommages de travaux publics est engagée ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité pour faute de la commune est engagée ;

- elle est dans l'impossibilité de procéder à la rénovation de son bien dont le coût s'élève à la somme de 98 681 euros ;

- la commune a refusé de lui racheter l'intégralité de son bien immobilier alors pourtant qu'elle bénéficie de crédits dans le cadre du programme dit des " petites villes de demain ".

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2018, la commune de Saint-Bonnet-le-Château, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

- à titre principal, la demande indemnitaire de Mme E... n'a pas été précédée d'une réclamation préalable, en méconnaissance des dispositions des articles R. 421-1 et R. 412-1 du code de justice administrative de sorte que ses conclusions indemnitaires sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, la convention, consentie librement par les parties, a réglé le sort de la démolition de l'escalier de Mme E... qui ne peut prétendre à une indemnisation à ce titre ;

- les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité sans faute de la commune sont infondées ; le consentement de Mme E... à la démolition de l'escalier fait obstacle à ce qu'elle puisse revendiquer un préjudice ;

- les préjudices allégués ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 1er juin 2021, présenté pour la commune de Saint-Bonnet-le-Château, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Saint-Bonnet-le-Château.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a acquis le 8 février 2000, en indivision avec M. B..., deux immeubles mitoyens situés rue des Fours banaux sur le territoire de la commune de Saint-Bonnet-le-Château et implantés sur une parcelle cadastrée section AE n° 247. Par un arrêté du 16 décembre 2010, le maire de Saint-Bonnet-le-Château a déclaré en état de péril l'ensemble du bien immobilier appartenant à Mme E... et M. B.... Selon une convention conclue le 19 décembre 2011 entre les propriétaires indivis et la commune de Saint-Bonnet-le-Château, Mme E... et M. B... ont décidé de scinder la parcelle leur appartenant en deux et de vendre à la commune la parcelle issue de cette scission supportant l'immeuble implanté sur la partie est du terrain initial afin qu'il soit procédé à sa démolition pour permettre la création d'un cheminement piétonnier faisant l'objet d'un emplacement réservé inscrit au plan d'occupation des sols. La parcelle cadastrée, après division, section AE n° 663 a été vendue à la commune de Saint-Bonnet-le-Château par acte notarié du 13 juin 2012, Mme E... ayant conservé la pleine propriété de la parcelle attenante cadastrée section AE n° 662 supportant son habitation. A compter du mois de juillet 2012, la commune a entrepris les travaux de démolition de l'immeuble qu'elle avait acquis en vue de créer un cheminement piétonnier. Estimant que cette opération de travaux publics a été à l'origine de désordres affectant son immeuble et liés à la suppression de l'escalier lui permettant d'accéder au premier étage de son habitation et à l'apparition de fissures, Mme E... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'une demande d'expertise, qui a été ordonnée le 22 janvier 2014. L'expert a remis son rapport le 20 juin 2014. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 6 décembre 2016 du tribunal administratif, la commune de Saint-Bonnet-le-Château a été reconnue responsable à l'égard de Mme E... pour les dommages liés à l'apparition de fissures sur les murs des premier et deuxième étages dans l'angle nord-ouest du mur pignon de son immeuble d'habitation et condamnée à verser la somme de 1 680 euros à l'intéressée. Mme E... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes.

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Bonnet-le-Château sur le fondement des dommages de travaux publics :

2. Le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public. L'entrepreneur dont la responsabilité est recherchée par la victime d'un dommage ne peut dégager celle-ci que s'il établit que le dommage résulte de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

3. Lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence, du fonctionnement d'un ouvrage public ou de ses travaux de construction, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était, à cette date, en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible.

4. En premier lieu, Mme E... fait valoir que l'escalier, qui permettait l'accès au premier étage de son habitation, était situé dans l'immeuble mitoyen acquis par la commune de Saint-Bonnet-le-Château et que la démolition de ce bien, entreprise pour le compte de la commune, a, par là-même, entraîné la destruction de l'escalier lui permettant d'accéder à son logement. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du préambule et des stipulations du point 3 de la convention conclue le 19 décembre 2011 et à laquelle Mme E... était partie, que celle-ci avait été informée que la démolition envisagée par la commune allait entraîner la disparition de l'escalier permettant l'accès à son logement, que la commune avait accepté de fournir et poser, à titre provisoire, un escalier entre le rez-de-chaussée et le premier étage de l'habitation de Mme E... et que cette dernière se verrait transférer le bénéfice du permis de construire accordé le 22 septembre 2011 autorisant la réalisation d'une construction permettant de rétablir l'accès au premier étage de son habitation. Dès lors, lorsque Mme E... a cédé le 13 juin 2012 à la commune la parcelle section AE n° 663, elle avait été informée, sans équivoque possible, que la commune envisageait d'entreprendre des travaux de démolition qui allaient aboutir à la destruction de l'escalier permettant l'accès à son logement et que, si la commune s'était engagée à fournir et poser un escalier provisoire, il lui appartiendrait, par la suite, conformément au permis de construire qui lui a été transféré, de rétablir l'accès à son logement. Outre les contreparties prévues par la convention du 19 décembre 2011, liées à la fourniture et à la pose par la commune d'un escalier provisoire, à la prise en charge par celle-ci de l'intégralité des frais de mutations et au relogement de Mme E... aux frais de la commune pendant les travaux de démolition, la requérante et M. B... ont cédé à la commune de Saint-Bonnet-le-Château ce bien, en état de péril, pour un montant de 20 000 euros alors qu'ils avaient acquis, en 2000, l'ensemble des deux immeubles mitoyens pour un montant total de 10 000 francs, soit environ 1 500 euros. Enfin, par un courrier du 8 janvier 2010, Mme E... avait elle-même indiqué que, compte tenu de la démolition alors envisagée par la commune, elle allait réaliser une construction de deux mètres de large à l'emplacement de l'immeuble détruit pour y rétablir l'accès à l'étage de son habitation. Dès lors, comme le fait valoir la commune, à la date à laquelle Mme E... a cédé le bien devant être démoli, elle avait pleinement connaissance du risque lié à la destruction de l'escalier d'accès à l'étage de son logement et était en mesure d'en déduire que, si la commune avait accepté de mettre en place un escalier provisoire, ce qu'elle a fait, il lui appartenait en revanche de procéder à la reconstruction définitive de cet accès. Mme E... doit, dès lors, être regardée comme s'étant sciemment exposée en connaissance de cause à un tel risque. Est, à cet égard, sans incidence la circonstance alléguée par Mme E... selon laquelle la commune de Saint-Bonnet-le-Château pourrait prendre à sa charge les frais de reconstruction de cet escalier définitif au titre du programme de revitalisation dénommé " Petites villes de demain ".

5. En second lieu, si Mme E... fait valoir que des fissures sont apparues dans son immeuble en lien avec l'exécution des travaux publics de démolition de l'immeuble mitoyen, ce que ne conteste pas la commune, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une estimation insuffisante de ce poste de préjudice en l'évaluant, à partir notamment des indications fournies par le rapport d'expertise quant au coût des travaux de reprise, à la somme de 1 680 euros.

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Bonnet-le-Château :

6. Si Mme E... fait valoir que la commune de Saint-Bonnet-le-Château a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, elle ne précise pas, à l'appui de son mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la nature de la faute qu'elle impute à la commune. Les conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à 1 680 euros l'indemnisation des préjudices dont elle se prévalait du fait de l'opération de travaux publics sur l'immeuble mitoyen à son habitation.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, il y a lieu de mettre à la charge définitive de la commune de Saint-Bonnet-le-Château les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 599,55 euros par ordonnance du 22 juillet 2014 du président du tribunal administratif de Lyon.

9. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, d'un montant de 3 599,55 euros, sont maintenus à la charge de la commune de Saint-Bonnet-le-Château.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Bonnet-le-Château au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à la commune de Saint-Bonnet-le-Château.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 août 2021.

2

N° 17LY01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY01750
Date de la décision : 05/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PAQUET FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-05;17ly01750 ?
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