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15/07/2021 | FRANCE | N°19LY02484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 15 juillet 2021, 19LY02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Bièvre Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs les sociétés Mutuelle des architectes français, CRSM, Chabanne, Dekra, Soraetec et Montagner Charpentes à réparer les désordres affectant les carrelages et la toiture mobile du centre aquatique qu'elle a fait construire sur le territoire de la commune de La-Côte-Saint-André ainsi qu'aux dépens.

Par un jugement n° 1705692 du 2

mai 2019, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant in sol...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Bièvre Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs les sociétés Mutuelle des architectes français, CRSM, Chabanne, Dekra, Soraetec et Montagner Charpentes à réparer les désordres affectant les carrelages et la toiture mobile du centre aquatique qu'elle a fait construire sur le territoire de la commune de La-Côte-Saint-André ainsi qu'aux dépens.

Par un jugement n° 1705692 du 2 mai 2019, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant in solidum, d'une part, les sociétés Chabanne, Soraetec et CRSM à lui verser la somme de 46 553 euros TTC en réparation des désordres affectant les carrelages et la somme de 1 800 euros au titre des dépens et, d'autre part, les sociétés Chabanne, Soraetec et Montagner Charpentes ainsi que la société Dekra Industrial, venue aux droits de la société Dekra, à lui verser la somme de 111 785,49 euros TTC en réparation des désordres affectant la toiture mobile ainsi que la somme de 17 000 euros au titre des dépens.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 27 juin 2019 sous le n° 19LY02484, et un mémoire enregistré le 10 juin 2021 qui n'a pas été communiqué, la société Dekra Industrial, venant aux droits de la société Dekra, représentée par Me K..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a condamné la société Dekra, ou subsidiairement de limiter sa part de responsabilité à 5 % et de condamner les autres constructeurs à la garantir à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions d'appel en garantie ;

- le défaut d'étanchéité de la toiture mobile n'affecte pas la solidité de l'ouvrage ;

- la mission du contrôleur technique ne portait pas sur le fonctionnement de cette toiture et en tout état de cause les désordres affectant son fonctionnement ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage ;

- à titre subsidiaire elle est fondée sur la base du rapport d'expertise judiciaire à appeler en garantie les sociétés Chabanne, Montagner Charpentes et CMI.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021, la communauté de communes Bièvre Isère, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation au titre du désordre affectant la toiture mobile et des dépens et la condamnation in solidum des sociétés Dekra, Chabanne, Soraetec et Montagnier Charpentes et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge des mêmes sociétés au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les désordres affectant la toiture mobile rendent l'ouvrage impropre à sa destination et compromettent sa solidité ;

- la société Norisko était titulaire de la mission de base L relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables et de la mission S portant sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions ;

- c'est à tort que le tribunal a tenu compte de la vétusté des joints souples qui se sont dégradés très rapidement en raison des défauts de conformité et d'accostage, de sorte que le montant de son indemnisation au titre de la remise en état de ces joints doit être porté à 24 662 euros TTC ;

- elle est fondée à demander le remboursement des factures de la société CMI qui est intervenue pour remédier aux multiples pannes et avaries de la toiture mobile après le dépôt du rapport d'expertise judicaire dans la mesure où elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour engager les travaux préconisés par l'expert ;

- elle a subi un préjudice de jouissance puisque le personnel du centre aquatique a été très souvent mobilisé en dehors des heures d'ouverture de l'établissement en raison des difficultés pour fermer sa toiture, qui ont par ailleurs entraîné des baisses importantes de fréquentation ;

- elle est fondée à demander le remboursement de la somme de 7 339,53 euros au titre de l'expertise ordonnée dans le cadre du référé constat et celle de 11 580,50 euros au titre de l'expertise ordonnée en référé.

II. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019 sous le n° 19LY02519, les sociétés Chabanne et Soraetec, représentées par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1705692 du tribunal administratif de Grenoble du 2 mai 2019 et de rejeter la demande présentée par la communauté de communes Bièvre Isère devant le tribunal ;

2°) subsidiairement, de réformer ce jugement, de ramener l'indemnisation des désordres affectant la toiture mobile à la somme de 86 903 euros TTC et de condamner la société CRSM à relever et garantir intégralement la société Chabanne au titre des désordres affectant les carrelages et la même, in solidum avec les sociétés Montagner Charpentes, CMI, Dekra Industrial, Ducret Métallerie Serrurerie et CRSM, à relever et garantir la société Chabanne à hauteur de 10 % et la société Soraetec à hauteur de 5 % au titre des autres préjudices subis par la communauté de communes Bièvre Isère et à les relever et garantir intégralement au titre des frais du litige.

3°) de mettre à la charge in solidum des mêmes la somme de 8 000 euros au titre des frais du litige.

Elles soutiennent que :

- le tribunal a statué ultra petita en condamnant la société Soraetec à réparer les dommages affectant les carrelages alors que les conclusions de la communauté de communes n'étaient pas dirigées contre elle et elle doit au surplus être mise hors de cause ;

- si ces désordres sont imputables à la société Chabanne, elle n'a cependant commis aucune faute, de sorte qu'elle doit être intégralement garantie par la société CRSM ;

- en ce qui concerne les désordres affectant la toiture mobile, leurs parts de responsabilité sont marginales dès lors que l'expert judiciaire a seulement pointé le caractère ambitieux du projet architectural et l'absence de réserves de la société Chabanne sur la fixation des systèmes d'étanchéité et évoqué la responsabilité de la société Soraetec au seul motif qu'elle n'a pas fait de calcul en dynamique alors que les notes de calculs étaient à la charge des sociétés Ducret Métallerie Serrurerie et Montagner Charpentes ; elles sont fondées à appeler en garantie ces sociétés ainsi que la société CMI, sous-traitante de la société Montagner Charpentes qui n'a pas émis d'observations sur les travaux demandés par cette dernière qu'elle a réalisés sans note de calculs en dynamique et dont la conception d'exécution était erronée, et la société Dekra, au titre de sa mission de contrôle de la solidité des ouvrages et qui n'a pas formulé de remarque sur l'absence de certification CE de la toiture mobile ;

- l'expert judiciaire n'a pas estimé nécessaire le recours à un maître d'oeuvre pour la reprise des désordres affectant la toiture mobile ; c'est donc à tort que le tribunal a retenu la somme de 9 038 euros TTC à ce titre ;

- la communauté de communes doit supporter les coûts résultant de son choix de procéder à des réparations ponctuelles après le dépôt du rapport d'expertise ;

- son préjudice de jouissance n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2019, la société CMI, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête ou subsidiairement à la condamnation des sociétés Chabanne, Soraetec, Dekra Industrial et Montagner Charpentes à la relever et garantir des condamnations prononcées contre elle et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des société Chabanne et Soraetec au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les sociétés appelantes n'établissent pas qu'elle aurait commis une faute alors qu'elle a uniquement réalisé la motorisation de la toiture mobile conformément à la commande de la société Montagner Charpentes ;

- l'expert judiciaire a pointé la responsabilité de la société Chavanne qui a réceptionné les travaux sans signaler l'absence de conformité au CCTP de la fixation des joints souples, celle de la société Soraetec qui n'a pas fait de calculs en dynamique, celle de la société Dekra qui n'a pas alerté sur l'absence de certification CE, celle, prépondérante, de la société Montagner Charpentes qui a réalisé les systèmes d'étanchéité des toitures mobiles sans respecter le CCTP et celle de la communauté de communes qui a pris un risque technique en commandant un ouvrage ambitieux.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 10 juin 2021 qui n'a pas été communiqué, la société Dekra Industrial, représentée par Me K..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle ou subsidiairement à la réformation du jugement attaqué pour limiter sa part de responsabilité à 5 % et condamner les autres constructeurs à la garantir à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des sociétés Chabanne et Soraetec au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- le défaut d'étanchéité de la toiture mobile n'est pas imputable à la société Dekra ;

- sa mission ne portait pas sur le fonctionnement de cette toiture ni sur le contrôle de la certification CE de sa mobilité ;

- à titre subsidiaire elle est fondée sur la base du rapport d'expertise judiciaire à appeler en garantie les sociétés Chabanne, Soraetec, Montagner Charpentes et CMI.

Par un mémoire enregistré le 3 février 2021, la communauté de communes Bièvre Isère, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation et des dépens et la condamnation in solidum des sociétés Dekra, Chabanne, Soraetec et Montagner Charpentes et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge des mêmes sociétés au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les désordres affectant les carrelages rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- ils sont imputables aux sociétés Chabanne, Soraetec et CRSM ;

- les désordres affectant la toiture mobile rendent l'ouvrage impropre à sa destination et compromettent sa solidité ;

- ils sont imputables aux sociétés Chabanne, Soraetec, Dekra et Montagner Charpentes ;

- le contrôleur technique était titulaire de la mission de base L relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables et de la mission S portant sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions ;

- c'est à tort que le tribunal a tenu compte de la vétusté des joints souples de la toiture mobile qui se sont dégradés très rapidement en raison des défauts de conformité et d'accostage, de sorte que le montant de son indemnisation au titre de la remise en état de ces joints doit être portée à 24 662 euros TTC ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation de la réfection du joint souple de fond de bassin et des frais de maîtrise d'oeuvre afférents aux travaux de reprise des désordres affectant les carrelages, ainsi que le remboursement des factures de la société CMI qui est intervenue pour remédier aux multiples pannes et avaries de la toiture mobile après le dépôt du rapport d'expertise judicaire dans la mesure où elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour engager les travaux préconisés par l'expert ;

- elle a subi un préjudice de jouissance puisque le personnel du centre aquatique a été très souvent mobilisé en dehors des heures d'ouverture de l'établissement en raison des difficultés pour fermer sa toiture qui ont par ailleurs entraîné des baisses importantes de fréquentation ;

- elle est fondée à demander le remboursement de la somme de 7 339,53 euros au titre de l'expertise ordonnée dans le cadre du référé constat et celle de 11 580,50 euros au titre de l'expertise ordonnée en référé.

Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 11 juin 2021, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée par Me G..., conclut, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société CRSM, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné cette société ou, subsidiairement, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère ou de la société Chabanne in solidum avec la société Soraetec à verser à la société CRSM au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- son intervention en qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société CRSM qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés à la suite de sa liquidation le 12 juin 2019 est recevable ;

- les conclusions des sociétés Chabanne et Soraetec et de la communauté de communes Bièvre Isère dirigées contre la société CRSM sont irrecevables en l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc pour la représenter ;

- les désordres ne présentent pas un caractère décennal car ils ne portent que sur la qualité des joints de carrelage sur une surface résiduelle, ils sont insusceptibles d'affecter d'autres éléments, ils n'impliquent que des réparations légères et ils étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage ;

- la réparation des désordres ne présente pas une technicité particulière ;

- la réparation des joints souples du grand bassin relève de l'entretien normal de l'ouvrage ;

- les sociétés Chabanne et Soraetec ont commis une faute dans l'exercice de leur devoir de conseil et n'ont pas assuré de suivi au cours de l'année de parfait achèvement.

Les parties ont été informées, le 15 juin 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tirée de ce que la société SMABTP, qui ne se prévaut pas de sa qualité de subrogée dans les droits de la société CRSM et qui ne justifie pas avoir acquitté l'indemnité mise à la charge de son assurée par le jugement attaqué, n'est pas recevable à se substituer à son assuré en cause d'appel.

La communauté de communes Bièvre Isère et la société SMABTP ont produit des mémoires en réponse à ce moyen d'ordre public enregistrés respectivement le 18 et le 28 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la société Dekra Industrial, celles de Me L..., représentant la communauté de communes Bièvre Isère, celles de Me E..., représentant la société CMI, et celles de Me G..., représentant la SMABTP.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont relatives à la même opération de construction, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont dirigées contre le même jugement.

2. Pour la construction d'un centre aquatique sur le territoire de la commune de la Côte-Saint-André (Isère), la communauté de communes du Pays de Bièvre-Liers, devenue la communauté de communes Bièvre Isère, a conclu des marchés publics avec un groupement chargé de la maîtrise d'oeuvre, composé notamment de la société Chavanne, architecte, mandataire du groupement, et de la société Soraetec, bureau d'études techniques des structures en béton et métal, et avec la société Norisko, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société Dekra Industrial, à qui a été attribué le contrôle technique. En outre, la communauté de communes a confié la réalisation du lot n° 3 " Découvrabilité-Charpente-Couverture-Façades vitrées " au groupement constitué des sociétés Montagner Charpentes et Ducret Métallerie Serrurerie et celle du lot n° 12 " carrelages-faïences-étanchéité des bassins " à la société CRSM. La motorisation de la toiture de la piscine sur deux ouvrants a été réalisée par la société CMI, sous-traitante de la société Montagner Charpentes. La réception des travaux a été prononcée le 18 octobre 2007 avec des réserves qui ont été levées le 11 juin 2008 pour le lot n° 3 et le 25 février 2009 pour le lot n° 12. Le 27 juillet 2009, la communauté de communes a déclaré divers désordres affectant notamment la couverture mobile et les carrelages du centre aquatique " Aqualib " auprès de son assureur dommages ouvrage, la Mutuelle des architectes français, dont elle n'a pas accepté l'indemnité proposée. A sa demande, un constat descriptif des difficultés de fonctionnement de la structure mobile de la toiture du centre aquatique a été ordonné le 1er mars 2011 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative. Un expert judiciaire a été désigné également à sa demande sur le fondement de l'article R. 532-1 du même code par une ordonnance du 26 juillet 2012. Sur la base du rapport d'expertise déposé le 31 juillet 2013, la communauté de communes Bièvre Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner les sociétés Mutuelle des architectes français, CRSM, Chabanne, Dekra, Soraetec et Montagner Charpentes à l'indemniser des désordres affectant les carrelages et la toiture mobile du centre aquatique. Par un jugement du 2 mai 2019, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant in solidum d'une part, les sociétés Chabanne, Soraetec et CRSM à lui verser la somme de 46 553 euros TTC en réparation des désordres affectant les carrelages et celle de 1 800 euros TTC au titre des dépens et, d'autre part, les sociétés Chabanne, Soraetec, Montagner Charpentes et Dekra Industrial à lui verser la somme de 111 785,49 euros TTC en réparation des désordres affectant la toiture mobile et celle de 17 000 euros au titre des dépens. La société Dekra Industrial, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), assureur de la société CRSM, et la communauté de communes Bièvre Isère demandent la réformation de ce jugement et les sociétés Chabanne et Soraetec son annulation.

Sur les conclusions de la société SMABTP :

3. D'une part, une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles du défendeur. Me J... B..., mandataire liquidateur de la société CRSM, à qui la requête 19LY02519 a été communiquée, n'a pas présenté devant la cour de mémoire tendant à son rejet. Par suite, l'intervention de la SMABTP présentée en sa qualité d'assureur de la société CRSM, qui tend au rejet des conclusions de la requête n° 19LY02519 dirigées contre la société CRSM et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée, n'est pas recevable.

4. D'autre part, la SMABTP, qui ne se prévaut pas de la qualité de subrogée dans les droits de la société CRSM et qui ne justifie pas avoir acquitté l'indemnité mise à la charge de son assuré par le jugement attaqué, n'est pas recevable à se substituer à son assuré en cause d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne les désordres affectant les carrelages :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire désigné le 26 juillet 2012, que si quelques défectuosités avaient été décelées en cours d'exécution des travaux de pose de carrelage sur une surface de 2 000 m2, les mesures prises pouvaient apparaître comme y ayant définitivement remédié, de sorte que les désordres ne pouvaient plus être regardés comme apparents à la date de levée des réserves. La communauté de communes n'était pas en mesure de prévoir la généralisation des désordres qui affectent les joints entre les carreaux constituant le revêtement des plages, vestiaires, bassins et circulations du centre aquatique, qui se dégradent prématurément, et des carreaux qui se décollent ou présentent, dans une moindre mesure, un éclatement ou une fissuration. Ces désordres sont, par leur ampleur et le risque sanitaire engendré par l'impossibilité de nettoyer efficacement les zones concernées et les dangers de blessures qu'ils impliquent, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, alors même que leur reprise ne requiert pas une réfection du gros oeuvre. Ils ont pour origine un défaut de mise en oeuvre et de pose. Le tribunal les a imputés à la société CRSM, titulaire du marché de travaux, et aux sociétés Chabanne et Soraetec, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, bien que la communauté de communes ait dirigé ses conclusions contre les seules sociétés CRSM et Chabanne.

7. Le tableau de répartition des missions et rémunérations entre les membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre annexé à l'acte d'engagement fait apparaître que la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux était partagée, selon les lots de travaux à réaliser, entre les cotraitants. Il n'est pas contesté que seule la société Chabanne était chargée de la direction de l'exécution des travaux du lot n° 12 " carrelages-faïences-étanchéité des bassins ". En outre, l'article 9 de cet acte stipulait que le paiement des sommes dues en exécution du marché serait opéré sur des comptes ouverts aux noms de chacun des cotraitants selon les répartitions jointes en annexe. Par suite, la société Soraetec, étrangère à la dégradation des joints et des carreaux, est fondée à demander sa mise hors de cause.

8. Le tribunal a fixé l'indemnisation de la communauté de communes Bièvre Isère à la somme de 45 553 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2017, pour la réparation des zones affectées par des désordres. Si elle demande en outre l'indemnisation du coût de la maîtrise d'oeuvre que le tribunal a exclue au vu du rapport d'expertise, elle n'établit pas que ce poste de dépenses serait nécessaire à la réalisation des travaux de reprise qui, selon l'expert judiciaire, ne présentent aucune difficulté ou complexité particulière. Le tribunal a exclu par ailleurs l'indemnisation du coût du remplacement des joints souples des bassins au motif que leur dégradation avait pour origine un défaut d'entretien imputable au maître d'ouvrage. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le remplacement de ces joints relevait du programme d'entretien courant qui incombait au maître d'ouvrage conformément au document technique unifié applicable. Dès lors, la communauté de communesne peut utilement soutenir que la société CRSM ne l'aurait pas informée de cette obligation. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que l'indemnité allouée pour ce poste par les premiers juges soit augmentée doivent être rejetées.

En ce qui concerne les désordres affectant la toiture mobile :

9. La toiture du bâtiment est constituée d'une partie fixe, couvrant une fraction de la longueur d'un bassin, et de deux autres parties, rendues mobiles par l'action de bogies motorisés qui permettent de découvrir une partie des bassins et des plages en période estivale. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que des déperditions énergétiques, limitées par des boudins de confinement d'hivernage, proviennent de jours subsistant aux jonctions des parties mobiles à raison de défauts d'accostage qui permettent le passage de l'air, l'expert relevant que ces parties sont dépourvues de marquage " CE ". Il ne résulte pas de l'instruction que la toiture mobile présenterait un défaut d'étanchéité à l'eau, l'expert judiciaire ayant seulement constaté que des pénétrations ponctuelles d'eau de pluie sont observables lorsque des bavettes en caoutchouc concourant à son étanchéité se décrochent à l'occasion notamment des manoeuvres de mobilisation des éléments constitutifs. Si l'expert judiciaire a par ailleurs constaté que ces déplacements n'étaient pas toujours linéaires, il a imputé cette circonstance aux impulsions produites à l'occasion des manoeuvres. Enfin, il a expliqué le blocage à deux reprises de l'installation au milieu de son parcours par la casse d'une chaîne en raison d'un montage défectueux. Il ne s'infère pas de ces constats et relevés d'incidents que la destination ou la solidité du bâtiment serait compromise par l'usage malaisé de la partie mobile de la toiture. Il s'ensuit, d'une part, que les sociétés Dekra Industrial, Chabanne et Soraetec sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnées sur le fondement de la garantie décennale à indemniser le maître d'ouvrage et, d'autre part, que la communauté de communes n'est pas fondée à demander la majoration de l'indemnité qui lui a été accordée au titre de ces mêmes désordres.

10. Compte tenu de la réception avec levée des réserves intervenue en 2008, les conclusions présentées dans sa demande à titre subsidiaire par la communauté de communes au titre de la responsabilité contractuelle encourue par la société Dekra Industrial ne peuvent être accueillies, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur tardiveté, la réception de l'ouvrage mettant fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage.

En ce qui concerne les dépens :

11. Les frais du constat ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble taxés et liquidés à la somme de 7 339,53 euros TTC sont mis à la charge définitive de la communauté de communes Bièvre Isère. La somme de 1 800 euros TTC que le tribunal a mise à la charge in solidum des sociétés Chabanne, Soraetec et CRSM au titre des frais et honoraires de l'expertise judiciaire, taxés et liquidés à la somme de 11 580,50 euros TTC, est laissée à la charge définitive de la société Chabanne, in solidum avec la société CRSM. La somme de 9 780,50 euros TTC est mise à la charge définitive de la communauté de communes Bièvre au titre de cette même expertise.

En ce qui concerne les appels en garantie :

12. La société Chabanne demande à être intégralement garantie par la société CRSM de la condamnation prononcée à son encontre au titre des désordres affectant les carrelages. L'expert judiciaire a constaté un défaut de mise en oeuvre par la société CRSM des joints entre les carreaux et, s'agissant des désordres affectant des carreaux, l'absence de joint de dilatation et de joint périphérique ainsi qu'un défaut de battage à la pose. La société Chabanne n'établit pas qu'elle n'a pas failli dans l'accomplissement de sa mission de surveillance de l'exécution des travaux réalisés par la société CRSM. Dans ces conditions, sa part de responsabilité dans la cause des désordres doit être fixée à 30 % et elle devra être relevée et garantie à hauteur de 70 % par la société CRSM.

13. En l'absence de condamnation au titre des autres préjudices dont la communauté de communes demande à être indemnisée, les conclusions d'appel en garantie des sociétés Dekra Industrial, Chabanne, Soraetec et CMI sont sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

En ce qui concerne les frais du litige :

14. Il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère la somme de 2 000 euros à verser à la société Dekra Industrial au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des autres parties les sommes qu'elles ont exposées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la SMABTP n'est pas admise.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1705692 du tribunal administratif de Grenoble du 2 mai 2019 sont annulés.

Article 3 : Les sociétés Chabanne et CRSM sont condamnées in solidum à verser à la communauté de communes Bièvre Isère la somme de 46 553 euros TTC, qui portera intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2017, en réparation des préjudices résultants des désordres affectant les carrelages du centre aquatique " Aqualib " ainsi que la somme de 1 800 euros au titre des dépens. L'article 1er du jugement attaqué est réformé dans cette mesure.

Article 4 : La société CRSM garantira la société Chabanne à hauteur de 70 % des sommes mises à sa charge par l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : Les frais du constat ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble taxés et liquidés à la somme de 7 339,53 euros TTC sont mis à la charge définitive de la communauté de communes Bièvre Isère, ainsi que les frais et honoraires de l'expertise judiciaire à hauteur de 9 780,50 euros TTC.

Article 6 : L'article 5 du jugement attaqué est réformé en tant qu'il met à la charge des sociétés Soraetec et Dekra une somme au titre des frais exposés par la communauté de communes Bièvre Isère sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La communauté de communes Bièvre Isère versera la somme de 2 000 euros à la société Dekra Industrial au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Bièvre Isère, aux sociétés Dekra Industrial, Chabanne, Soraetec et CMI, à la SMABTP, à la société Alliance MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ducret Métallerie Serrurerie, à Me I... F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Montagner Charpentes et à Me J... B..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRSM.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme D..., présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2021.

2

Nos 19LY02484, 19LY02519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02484
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SARL CABINET LAURENT FAVET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-15;19ly02484 ?
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