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13/07/2021 | FRANCE | N°19LY01463

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 juillet 2021, 19LY01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans prononcée à son encontre le 29 mai 2012 ; de mettre à la charge de la Maison de retraite Bouchacourt la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n

1703209 du 13 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans prononcée à son encontre le 29 mai 2012 ; de mettre à la charge de la Maison de retraite Bouchacourt la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703209 du 13 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 avril 2019, M. C..., représenté par Me A... (G...), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la Maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans prononcée à son encontre le 29 mai 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la Maison de retraite Bouchacourt la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la sanction disciplinaire a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas eu la parole en dernier, le conseil de discipline ayant entendu les propos conclusifs du représentant de l'autorité de poursuite avant de délibérer, et dès lors que les parties ont été entendues séparément par le conseil de discipline, en méconnaissance de l'article 6 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, si bien qu'il a été privé d'une garantie ; ce vice de procédure a eu une influence sur le sens de la décision et en rejetant le moyen, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- un témoin a été entendu hors de sa présence et de celle de son conseil, mais en présence de l'autorité disciplinaire et du conseil de cette dernière, en méconnaissance des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; ce vice a un caractère substantiel ;

- les griefs formulés à son encontre étaient pour certains infondés et en tout état de cause insuffisants pour justifier la sanction prononcée, qui est disproportionnée, eu égard à sa propre fragilité et à l'absence de retentissement pour l'établissement ;

- il a été privé de revenus pendant deux ans, et le préjudice demandé à ce titre s'élève à la somme de 60 000 euros ;

- il a perdu 8 trimestres de cotisations, ce qui aura une incidence sur le montant de sa pension de retraite, et demande à ce titre une indemnité de 30 000 euros ;

- le préjudice résultant de l'atteinte à son honneur et à sa réputation doit être indemnisé à la hauteur de 20 000 euros ;

- le préjudice résultant des souffrances endurées s'élève à la somme de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2019, la Maison de retraite Bouchacourt, représentée par Me E... (F...), conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. C... à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ne démontre pas que si la procédure avait été régulière, il aurait fait l'objet d'une sanction plus légère ;

- le lien de causalité entre l'illégalité reprochée et les préjudices invoqués n'est pas établi ;

- M. C... a saisi le juge judiciaire d'une action en responsabilité contre son avocat de l'époque, et un préjudice ne peut être réparé deux fois ;

- les griefs reprochés à M. C... sont fondés et justifiaient qu'une sanction lui soit infligée ;

- la sanction litigieuse n'est pas disproportionnée ;

- le préjudice afférent à la perte de revenus n'est pas justifié ;

- M. C... n'est pas fondé à demander un préjudice concernant les droits à la retraite ;

- le préjudice afférent à l'atteinte à l'honneur est dépourvu de toute consistance ;

- le requérant ne peut obtenir réparation au titre des souffrances endurées, en l'absence de justification sur ses conditions de vie et eu égard à son état antérieur de fragilité.

Par ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2021.

Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Saumet, avocat, représentant M. C..., et de Me E..., avocat, représentant la Maison de retraite Bouchacourt.

Considérant ce qui suit :

1. Agent de maîtrise principal à la Maison de retraite Bouchacourt, au sein de laquelle il exerce les fonctions de responsable du service entretien, M. B... C... a fait l'objet le 29 mai 2012 d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. Par lettre du 20 décembre 2016, il a sollicité du directeur de l'établissement l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité supposée de cette sanction. Cette demande ayant été implicitement rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa requête par jugement n° 1703209 du 13 février 2019. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 7 novembre 1989 susvisé : " Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ainsi que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ".

3. Si ces dispositions impliquent que le fonctionnaire hospitalier poursuivi soit mis à même de répondre à chaque grief formulé à son encontre, elles n'ont pas pour objet de réserver à l'agent le droit de prendre la parole en dernier, avant la délibération du conseil de discipline.

4. Il résulte du procès-verbal de la séance que M. C... et son conseil ont entendu la lecture du rapport de saisine, puis ont répondu à plusieurs questions, avant de quitter la salle, où sont entrés la directrice de l'établissement et son conseil. Après l'audition de ces derniers, M. C... et son conseil ont à nouveau été entendus par le conseil de discipline, et ont pu s'exprimer longuement sur les différents griefs, avant de se retirer définitivement, et de céder la place aux représentants de l'administration, qui se sont alors une nouvelle fois exprimés avant la délibération. Dans ces conditions, dès lors que le requérant, assisté de son conseil, a effectivement présenté d'ultimes observations, le moyen tiré de ce que l'avis du conseil de discipline aurait été émis à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté par la Maison de retraite Bouchacourt, que le conseil de discipline a auditionné un témoin, M. D..., en l'absence de M. C... et de son conseil, mais en présence de la directrice de l'établissement, assistée de son conseil, et que les parties ont été entendues séparément par le conseil de discipline, sans pouvoir échanger devant lui. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a jugé que la sanction litigieuse a été prononcée en méconnaissance des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure.

6. En troisième lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux de déterminer la nature de cette irrégularité procédurale, puis de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe que du quantum de la sanction, dans le cadre d'une procédure régulière.

7. M. C... soutient que le témoignage en cause émane d'un agent du service avec lequel il a entretenu pendant de nombreuses années des relations amicales, qui se sont ensuite dégradées, que l'intéressé est à l'origine de la procédure disciplinaire et que ce témoignage a été déterminant dans la proposition de sanction émise par le conseil de discipline.

8. Toutefois, si ce témoignage a été pris en compte par le conseil de discipline, il résulte de l'instruction que les graves accusations formulées par le subordonné de M. C... sont corroborées par de nombreux autres éléments, récapitulés dans les 54 pièces figurant dans le dossier disciplinaire, et notamment des attestations de dizaines d'agents et de cadres de l'établissement mettant en cause le comportement humain et professionnel du requérant, et en particulier les relations grossières et parfois injurieuses entretenues avec certains d'entre eux, sa réticence fréquente à exécuter les tâches qui lui étaient confiées, les négligences sérieuses dans le suivi des opérations de contrôle des installations de chaufferie de l'établissement, et dans l'organisation des astreintes, le piratage d'une ligne téléphonique et l'appropriation du matériel de service.

9. Les quelques témoignages que produit M. C... ne sont pas suffisants pour remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés, qui sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la gravité des fautes commises par l'intéressé, à la récurrence de plusieurs d'entre elles et à leurs conséquences sur le fonctionnement de l'établissement, et alors même que les évaluations professionnelles du requérant n'étaient pas mauvaises, la sanction d'exclusion temporaire du service d'une durée de deux ans, sur laquelle le conseil de discipline a émis à l'unanimité un avis favorable, alors que la directrice de l'établissement l'avait saisi d'une demande de révocation, n'apparait pas disproportionnée.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la même sanction aurait pu être légalement prise si la procédure disciplinaire n'avait été entachée d'aucune irrégularité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Maison de retraite Bouchacourt, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de condamner ce dernier à verser à la Maison de retraite Bouchacourt la somme de 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la Maison de retraite Bouchacourt la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la Maison de retraite Bouchacourt.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 13 juillet 2021.

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N° 19LY01463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01463
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BCV AVOCATS ASSOCIES - BROCHETON - COMBARET - VIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-13;19ly01463 ?
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