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30/06/2021 | FRANCE | N°19LY03452

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 juin 2021, 19LY03452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils A..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales l'indemnisation des conséquences dommageables de l'aggravation de son état de santé à la suite de sa vaccination contre la grippe A au mois de décembre 2009 et d'ordonner une expertise afin de chiffrer les

différents préjudices en résultant.

Par un jugement du 28 février 2018, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils A..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales l'indemnisation des conséquences dommageables de l'aggravation de son état de santé à la suite de sa vaccination contre la grippe A au mois de décembre 2009 et d'ordonner une expertise afin de chiffrer les différents préjudices en résultant.

Par un jugement du 28 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, avant de se prononcer sur la requête de Mme F... C..., tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les préjudices consécutifs à sa vaccination contre le virus de la grippe A au mois de décembre 2009, a ordonné une expertise aux fins de déterminer si les nouveaux symptômes présentés par la requérante étaient imputables à cette vaccination et, le cas échéant, d'évaluer les préjudices correspondants.

Le rapport de l'expert a été déposé au greffe du tribunal le 23 novembre 2018.

Par un jugement n° 1501836 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme C... la somme de 32 350 euros en réparation de l'aggravation des préjudices subis à la suite de la vaccination contre la grippe A, sous déduction, le cas échéant, s'agissant de l'indemnité allouée au titre du besoin d'assistance par une tierce personne des éléments de la prestation de compensation du handicap affectés au financement d'une telle assistance perçus au titre de la période du 1er octobre 2014 au 26 septembre 2018, a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés pour un montant de 3 300 euros, à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 3 et 11 mai 2021, Mme C... et son fils, M. A... E..., représentés par Me G..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'ordonner une expertise avant dire-droit pour évaluer les préjudices post-consolidation de Mme C... et pour chiffrer ses préjudices permanents et les préjudices de M. A... E... ;

2°) de réformer le jugement du 25 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes indemnitaires ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les sommes de 948 563,64 euros à parfaire au titre des préjudices propres de Mme C... et de 40 000 euros au titre des préjudices subis par M. A... E..., en lien avec l'aggravation de la narcolepsie dont Mme C... souffre ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité direct et certain entre la narcolepsie, les troubles fonctionnels et la vaccination n'est pas contesté par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- l'état de santé de Mme C... s'est aggravé depuis la date de la première expertise en juin 2014 ; il ressort du rapport d'expertise que de nouveaux troubles (cataplexies, hallucinations, paralysies du sommeil, somniloquie, troubles mnésiques) et l'aggravation de ceux précédemment indemnisés (aggravation de l'hypersomnie) ont été constatés postérieurement à l'acceptation de l'offre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; s'agissant des cataplexies, celles-ci ont été mesurées par la réalisation d'une nouvelle ponction lombaire objectivant une diminution irréversible des taux d'hypocrétine ; elle présente également des hallucinations auditives et tactiles à l'endormissement, des somniloquies et des paralysies du sommeil ; son hypersomnie s'est aggravée compte tenu de la diminution de l'efficacité des traitements et s'accompagne de troubles mnésiques ; l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est tenu de réparer intégralement ses préjudices ;

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme C... :

- le barème de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales n'a qu'une valeur indicative et n'a pas vocation à s'appliquer aux mesures sanitaires d'urgence ;

- il convient d'évaluer les nouveaux troubles sur tous les postes de préjudice y compris pour la période couverte par le protocole ; en outre, la date de consolidation retenue par les experts est différente de celle initialement fixée et des déficits fonctionnels temporaires portant sur une période qui pourrait être comprise entre la date du protocole et la date nouvelle de consolidation doivent pouvoir être indemnisés ;

- la date de consolidation avait été fixée par l'expert de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au 23 janvier 2014 s'agissant de la narcolepsie ; il ressort des pièces médicales récentes que la consolidation est acquise désormais de sorte que la cour pourrait ordonner une nouvelle expertise pour apprécier l'ensemble de ses préjudices ; le dernier compte-rendu du professeur Dauvilliers du 3 mai 2021 et le psychiatre confirment la consolidation de l'état de santé de Mme C... ;

- seuls les préjudices temporaires ont été décrits dans le rapport de sorte que seuls ceux-ci feront l'objet d'observations ;

elle ne perçoit pas la prestation de compensation du handicap ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

- s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne, il résulte du rapport d'expertise qu'en raison de l'aggravation de la pathologie et de l'apparition de nouveaux symptômes, l'assistance par une tierce personne ne doit pas être limitée aux seuls déplacements et le besoin d'assistance est bien supérieur à deux heures hebdomadaires ; elle a besoin cinq fois par jour, à chacun de ses accès de sommeil, d'une tierce personne pour être tirée du sommeil et également pour la maintenir éveillée ; par suite, ce besoin peut être évalué à cinq heures d'assistance quotidienne ; elle a également besoin d'1h30 par jour d'assistance par une tierce personne pour le ménage et les soins aux animaux ; elle a un besoin d'assistance pour ses courses et pour ses déplacements à hauteur de 38 minutes par jour ; en tant que mère, elle a un besoin d'assistance évalué à 9h36 par mois pour accompagner son fils qui présente un handicap ; ce besoin doit être évalué au-delà de la majorité de l'enfant ; elle doit être accompagnée pour les besoins liés à sa prise en charge médicale et ce alors qu'elle ne peut plus conduire ; ses frais de déplacements médicaux peuvent être évalués à la somme de 5 193,75 euros à titre temporaire ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels actuels ; elle avait une vie professionnelle active et au moment de l'annonce de la narcolepsie sans cataplexie, elle a été déclarée inapte professionnellement et son commerce a été liquidé en mai-juillet 2013 ; sa reconversion professionnelle s'est soldée par un échec ; l'Office national n'a pas indemnisé ce poste de préjudice qui sera évalué à 81 014,05 euros ; pour le futur, elle ne peut plus exercer d'activité professionnelle et devra être indemnisée de la perte salariale et de retraite future ; elle sollicite une somme à parfaire de 477 185,28 euros à ce titre ;

- l'indemnisation de l'incidence professionnelle sera réévaluée pour tenir compte de l'ensemble des répercussions de la pathologie sur son activité professionnelle ; elle sollicite la somme de 40 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

- le taux de déficit fonctionnel temporaire évalué initialement à 30 % par le rapport de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales devra être réévalué au regard de l'importante aggravation de sa pathologie ; son déficit fonctionnel temporaire peut être évalué à la somme de 56 962,57 euros pour la période du 1er avril 2010 au 10 juillet 2018 et il conviendra de déduire de ce montant la somme allouée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au même titre soit la somme de 6 820,80 euros ;

- elle subit une aggravation de son préjudice esthétique temporaire ; à titre provisoire, son préjudice esthétique pourra être évalué à la somme de 17 000 euros à titre provisoire ;

Sur l'indemnisation des préjudices subis par M. A... E... :

- il a subi un préjudice d'affection en lien avec la vaccination ; il sera indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

- il a subi un bouleversement dans ses conditions d'existence qui sera indemnisé à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête à l'exception des conclusions indemnitaires présentées pour M. A... E... qui seront limitées à la somme globale de 5 000 euros.

Il soutient que :

- les experts, les docteurs Merle et Magret, indiquaient que l'état de santé de Mme C... n'était pas consolidé et Mme C... n'a pas communiqué les éléments médicaux sollicités par les experts ; elle n'établit pas une stabilisation de son état de santé ; les nouvelles pièces médicales n'établissent pas la consolidation de l'état de santé de Mme C... ; le compte rendu du professeur Dauvilliers du 3 mai 2021 fait apparaitre que le traitement médical a été modifié et que Mme C... doit être revue dans six mois pour modifier son traitement médical ; par suite, il n'y a pas lieu de prescrire une nouvelle expertise pour établir la consolidation de son état de santé ; si une nouvelle expertise devait avoir lieu, celle-ci ne pourrait que se limiter à l'évaluation des nouveaux postes de préjudices survenus postérieurement à la précédente date de consolidation fixée au 22 novembre 2013 et il n'appartiendra pas aux nouveaux experts de dire si l'évaluation initiale était justifiée ; il a versé à Mme C... la somme totale de 130 012,12 euros en indemnisation de ses préjudices et l'offre acceptée vaut transaction ; l'exception de transaction fait obstacle à une réévaluation des postes de préjudices déjà indemnisés ;

- s'agissant des besoins en assistance par une tierce personne ; les premiers juges ont limité l'indemnisation sollicitée à ce titre à la somme de 6 450 euros pour les besoins en déplacement concernant son fils pour la période allant du 1er octobre 2014 au 26 septembre 2018 ; dans les suites de la première expertise, l'état de santé de Mme C... a été consolidé au 23 janvier 2014, date de la mise en place du nouveau traitement par Pitolisant ; Mme C... a ratifié deux protocoles d'indemnisation et a notamment bénéficié d'une indemnisation à hauteur de 31 341,32 euros au titre de la tierce personne viagère à compter du 1er avril 2010 ; cette indemnisation avait pour objet d'indemniser une assistance par une tierce personne à raison de 2 heures par semaine ; l'exception de transaction fait obstacle à toute indemnisation antérieurement à la date de consolidation du 23 janvier 2014 ; la demande présentée par Mme C... au titre du besoin d'assistance par une tierce personne apparaît largement surévaluée ; le professeur Dauvilliers a relevé que l'hypersomnie s'était améliorée ; les autres symptômes décrits par Mme C... ne nécessitent pas l'assistance par une tierce personne supplémentaire ; Mme C... n'établit pas le suivi régulier par un psychiatre ; ainsi, les besoins d'aide aux déplacements sont identiques à ceux invoqués lors de l'expertise du docteur Fischer ; seule la situation de son fils a évolué et c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu un besoin d'assistance supplémentaire à hauteur de 3 heures par semaine du 1er octobre 2014 au 26 septembre 2018, date de la majorité de son fils, à un taux horaire de 13 euros ; la seule attestation rédigée par Mme C... ne suffit pas à établir qu'elle ne perçoit pas d'aide financière liée au handicap ou à la tierce personne ;

- s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, la demande sera rejetée ; ces conclusions présentées pour la première fois en appel sont irrecevables ; Mme C... a été vaccinée en 2010 et a cessé son activité au mois de mai 2013, date de sa mise en invalidité ; elle ne produit pas d'avis d'imposition antérieur à sa vaccination ; s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, l'état de santé de Mme C... n'étant pas consolidé, ce chef de préjudice ne peut être accueilli ; Mme C... procède à une capitalisation viagère alors même que la perte de gains professionnels futurs cesse à l'âge de la retraite ; au titre de l'incidence professionnelle, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 20 000 euros ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, l'exception de transaction fait obstacle à toute nouvelle indemnisation du déficit fonctionnel temporaire antérieurement à la première date de consolidation fixée au 23 janvier 2014 ; pour la période postérieure au 23 janvier 2014, l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire partiel apparaît excessive dès lors que Mme C... a été indemnisée de son déficit fonctionnel permanent évalué à 30 % à hauteur de 51 650 euros qui prend nécessairement en compte le déficit fonctionnel temporaire jusqu'à une éventuelle prochaine date de consolidation qui serait ultérieurement fixée ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a justement évalué l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 2 400 euros ;

- s'agissant du préjudice esthétique temporaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont réévalué ce préjudice à 2 sur une échelle de 7 et l'ont indemnisé à hauteur de 1 500 euros ;

- s'agissant des souffrances endurées, le jugement sera confirmé ;

- s'agissant des préjudices du fils de Mme C..., M. A... E..., une indemnisation de 5 000 euros peut lui être allouée au titre du préjudice d'affection et du bouleversement dans ses conditions d'existence.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 décembre 2009, Mme F... C..., née le 11 janvier 1975, a été vaccinée contre la grippe A/H1N1 et a présenté, à compter d'avril 2010, une narcolepsie. Imputant cette pathologie à la dose du vaccin Pandemrix qu'elle avait reçue le 4 décembre 2009 dans le cadre de la campagne de lutte contre le virus A/H1N1 mise en place par un arrêté du 4 novembre 2009 du ministre de la santé et des sports pris sur le fondement des dispositions des articles L. 3131-1 et L. 3131-8 du code de la santé publique, elle a saisi, le 25 février 2013, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'une demande indemnitaire. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a désigné le docteur Fischer en qualité d'expert. Après le dépôt de son rapport d'expertise le 14 août 2014, par deux décisions du 15 septembre 2014 et du 5 janvier 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a adressé à Mme C... une offre d'indemnisation transactionnelle partielle d'un montant de 47 020,80 euros et une offre d'indemnisation transactionnelle complémentaire définitive d'un montant de 82 991,32 euros. Ces deux offres d'indemnisation ont été acceptées par Mme C... respectivement les 6 octobre 2014 et 9 janvier 2015.

2. Le 18 mai 2015, Mme C... a demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de procéder à l'indemnisation de l'aggravation de son état de santé. L'Office national a rejeté cette demande. Estimant être victime d'une aggravation de son état de santé en lien avec la vaccination du 4 décembre 2009, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser des préjudices résultant de cette aggravation et à l'organisation d'une expertise. Par un jugement avant dire-droit du 28 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ordonné une expertise aux fins de déterminer si les nouveaux symptômes présentés par Mme C... étaient imputables à cette vaccination et, le cas échéant, d'évaluer les préjudices correspondants. Par deux ordonnances des 28 février et 15 mai 2018 de la présidente de la première chambre du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le professeur Merle a été désigné en qualité d'expert et le docteur Magret a été désigné en qualité de sapiteur. Le professeur Merle a déposé son rapport le 21 novembre 2018 qui a été complété le 19 décembre 2018. Mme C..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de son fils, relève appel du jugement du 25 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité le montant de la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à la somme de 32 350 euros en réparation de l'aggravation de ses préjudices à la suite de sa vaccination contre la grippe A, sous déduction, le cas échéant, s'agissant de l'indemnité allouée au titre du besoin d'assistance par une tierce personne, des éléments de la prestation de compensation du handicap affectés au financement d'une telle assistance perçus au titre de la période du 1er octobre 2014 au 26 septembre 2018 et a rejeté sa demande d'expertise.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :

3. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population (...) ". Aux termes de l'article L. 3131-4 : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. / L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice / L'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) ".

4. Les dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique prévoient la réparation intégrale par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en lieu et place de l'État, des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention ou de soins réalisées en application de mesures ministérielles prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3131-4 de ce code, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'une faute ni la gravité particulière des préjudices subis. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la réparation incombant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales bénéficie à toute victime, c'est-à-dire tant à la personne qui a subi un dommage corporel du fait de l'une de ces mesures qu'à ceux de ses proches qui en subissent directement les conséquences.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 14 août 2014 établi à la demande l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que l'expert, le docteur Fischer, a retenu que " la proximité chronologique entre la vaccination H1N1 (vaccin Pandemrix) le 4 décembre 2009 et la première manifestation de la pathologie du sommeil en avril 2010 permet d'établir une relation de très forte probabilité voire de quasi-certitude entre les deux évènements. Ceci est en concordance avec les données de la littérature médicale. (...) Le professeur Yves Dauvilliers, responsable du centre des maladies du sommeil de Montpellier, a retenu un risque augmenté de narcolepsie chez les enfants et les adultes après vaccination H1N1. Le risque étant augmenté de 6,5 fois ". Il n'est pas contesté que la narcolepsie dont souffre Mme C... doit être regardée comme imputable à la vaccination dont elle a bénéficié le 4 décembre 2009 dans le cadre de la campagne de lutte contre le virus A (H1N1) eu égard au bref délai ayant séparé la vaccination et l'apparition de la narcolepsie et à l'absence d'antécédents relatifs à cette affection.

6. Il résulte du rapport d'expertise du 14 août 2014 du docteur Fischer qu'à la date de l'examen de Mme C... le 17 juin 2014, celle-ci ne présentait pas de cataplexie, ce que confirme un compte rendu médical du 26 septembre 2014 du professeur Dauvilliers du centre de référence national sur la narcolepsie et l'hypersomnie idiopathique dépendant du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier indiquant que Mme C... ne présente pas de cataplexies, pas de paralysie du sommeil, pas d'hallucinations hypnagogiques et précisant que " la réponse aux traitements est non satisfaisante, du fait d'une absence d'efficacité suffisante et surtout d'effets secondaires à type de troubles de l'humeur ".

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 21 novembre 2018 ordonnée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que l'expert, le professeur Merle, a précisé que " la présence d'une cataplexie est caractéristique de la narcolepsie. Elle s'observe souvent lors de l'évolution de la maladie. Dans le cas présent, l'évolution observée chez Mme C... est logique, associant cataplexie, paralysie du sommeil, hallucinations hypnagogiques, il s'agit d'une aggravation de l'état clinique depuis la première expertise. Cette aggravation n'a malheureusement pas été traitée avec les médicaments administrés qui sont les seuls disponibles ; s'ils apportent un mieux initialement, leur effet s'épuise plus ou moins rapidement. (...) Il apparaît que l'état actuel, non encore consolidé, correspond à l'évolution logique de la maladie narcolepsie induite par la vaccination antigrippale subie en décembre 2009. Il y a eu aggravation incontestable de la maladie depuis l'expertise de juin 2014 avec apparition de handicaps majeurs " et a conclu que l'état médico-social de Mme C... s'est aggravé dès juin 2014. Cette aggravation de l'état de santé de Mme C... est attestée par les différents comptes rendus de consultations du professeur Dauvilliers. Par suite, l'aggravation de l'état de santé de Mme C..., qui a souffert postérieurement à son examen par le docteur Fischer en juin 2014 et dans les suites de la narcolepsie d'épisodes de cataplexie, de paralysie du sommeil, d'hallucinations hypnagogiques résistants aux traitements disponibles et d'un syndrome dépressif, doit être regardée comme présentant un lien de causalité direct et certain avec la vaccination du 4 décembre 2009.

Sur l'évaluation des préjudices :

8. L'article L. 3131-4 du code de la santé publique précise que " l'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil ". Selon l'article 2044 du code civil, " la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître " et en vertu de l'article 2049 de ce code, " les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris ".

9. Il résulte de l'instruction que, par une première offre d'indemnisation du 15 septembre 2014, acceptée par Mme C... le 6 octobre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a indemnisé à compter de la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... estimée au 23 janvier 2014 : - le déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux périodes d'hospitalisation dans le cadre du suivi de la pathologie du 17 au 20 janvier 2012, du 21 au 24 juin et du 22 au 25 novembre 2013 et le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 30 % du 1er avril 2010 au 22 janvier 2014, soit la somme de 6 820,80 euros ; - les souffrances endurées fixées à 3 sur une échelle de 7 en allouant la somme de 3 200 euros ; - l'incidence professionnelle constituée par l'arrêt de l'activité d'exploitante d'un restaurant au mois d'avril 2013 en relevant que les séquelles de la pathologie ne permettaient plus à Mme C... d'exercer une activité dans le commerce en allouant la somme de 30 000 euros ; - le préjudice d'agrément en allouant la somme de 5 000 euros ; - le préjudice sexuel en allouant la somme de 2 000 euros. Par une seconde offre d'indemnisation du 5 janvier 2015, acceptée par Mme C... le 9 janvier 2015, l'Office national a indemnisé : - le déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 30 % en allouant la somme de 51 650 euros et - le besoin d'assistance par une tierce personne à raison de deux heures par semaine pour les déplacements de Mme C... à compter du 1er avril 2010, capitalisé à compter du 11 janvier 2015, fixé à hauteur de 31 341,32 euros.

10. Si le docteur Fischer a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... au 22 novembre 2013 et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a retenu, dans son courrier du 15 septembre 2014, une date de consolidation au 23 janvier 2014, date de la mise en place d'un nouveau traitement par Pitolisant, et a procédé à l'évaluation et à l'indemnisation des préjudices subis par Mme C... à compter du 1er avril 2010, date d'apparition des premiers symptômes, et en tenant compte de la date de consolidation fixée au 23 janvier 2014, il résulte de l'instruction que l'expert, le professeur Merle, a estimé qu'à la date de son rapport, le 21 novembre 2018, l'état de santé de Mme C... ne pouvait être considéré comme consolidé compte tenu de l'évolution et de l'aggravation de cet état après l'examen par le docteur Fischer en juin 2014 de l'intéressée et qu'une nouvelle expertise devait permettre de fixer cette date de consolidation.

11. Il en résulte que Mme C... ne peut obtenir une réévaluation des préjudices ayant déjà fait l'objet d'une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dans le cadre des protocoles transactionnels précités sauf si elle établit avoir subi une aggravation de ses préjudices depuis la date du 23 janvier 2014 étant précisé que l'absence de consolidation ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les dépenses futures dont il est d'ores et déjà certain qu'elles devront être exposées à l'avenir, ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises résultant de l'aggravation de l'état de santé de l'intéressée.

En ce qui concerne les préjudices de Mme C... :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

12. Il résulte de l'instruction que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a procédé à l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne non spécialisée à raison de deux heures par semaine pour les déplacements à compter du 1er avril 2010 en allouant à Mme C... la somme capitalisée de 31 341,32 euros à compter du 11 janvier 2015, date de l'anniversaire de Mme C... après la consolidation de son état de santé.

13. Il résulte également de l'instruction que Mme C... justifie ne pas percevoir la prestation de compensation du handicap en produisant des attestations de la maison départementale des personnes handicapées du Cantal.

14. Mme C... fait valoir qu'elle a besoin d'une assistance pour être tirée du sommeil et rester éveillée, cinq fois par jour, correspondant à ses cinq accès de sommeil, ainsi que pour l'aider dans l'accomplissement des tâches domestiques.

15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise diligenté par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que le professeur Merle a indiqué que " Molèdes, le domicile de Mme C..., est un hameau de quelques maisons seulement. Du fait qu'elle ne conduit plus, pour tout déplacement, Mme C... est obligée de faire appel à une voisine ". S'il a encore précisé que le besoin d'assistance à personne " paraît bien supérieur à 2 heures par semaine sinon quasi journalière en de nombreux domaines de la vie quotidienne dont l'aide aux déplacements et la gestion de son fils ", l'expert a souligné, dans son complément à l'expertise, s'agissant de ces frais, que " nous sommes toujours dans l'attente des documents attestant des personnes qui ont assisté Mme C... (...) pour évaluer l'importance de ce type de préjudice ".

16. Il résulte de l'instruction que le 17 juin 2014, date à laquelle le docteur Fischer a examiné Mme C... dans le cadre de la demande d'expertise sollicitée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, Mme C... présentait, selon ses propres dires, " un besoin irrépressible de dormir si bien qu'elle tombait de sommeil. Cela survenait si elle était tranquille, si elle était assise ou en voiture. (...) Elle dort au maximum 5 à 6 heures dans la journée. (...) " et décrivait une journée type " 8h00 se réveille spontanément sans aide, 11h00 : premier coup de pompe, elle doit se coucher pendant 20 minutes ; 12h00 : repas ; 13h00 : besoin irrépressible de dormir, sieste de 20 minutes ; 17h00 : nouvelle sieste indispensable ; 19h30 : repas ; soirée et 22h00 : coucher ". Si, postérieurement à l'expertise du docteur Fischer, Mme C... fait état de 3 à 4 accès de sommeil en journée selon le compte rendu de consultation du professeur Dauvilliers du 27 avril 2015, puis de 4 à 5 accès de sommeil diurne selon les comptes rendus de consultation du professeur Dauvilliers du 14 mars 2016 et du 31 janvier 2019 et produit un certificat du docteur Taulemesse, psychiatre, du 12 juillet 2019 faisant état de ce qu'il est souhaitable que Mme C... puisse bénéficier de l'aide d'une tierce personne et un certificat de son médecin traitant du 8 juillet 2019 indiquant que Mme C... a besoin d'une aide par une tierce personne à raison de deux heures par jour, il n'est pas établi que son état nécessiterait une assistance par une tierce personne pour la réveiller et la stimuler pendant la journée et ce alors que le professeur Dauvilliers a uniquement préconisé, dans le compte rendu de consultation du 31 janvier 2019, " la mise en place de mesures comportementales notamment trouver des occupations pendant la journée pour favoriser le maintien d'une vigilance correcte pendant la journée " . Elle n'établit pas davantage qu'elle ne serait pas en mesure d'assumer sans assistance des tâches domestiques telles que le ménage, la cuisine et les soins à ses animaux de compagnie.

17. Mme C... fait valoir qu'elle a également besoin d'assistance pour accompagner son fils qui présente un handicap et que ce besoin doit être évalué au-delà de sa majorité. Il résulte de l'instruction que son fils A..., né le 26 septembre 2000, était interne au sein de l'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique de Polminhac de juin 2010 à octobre 2014 et que depuis cette date, il rentre tous les jours au domicile familial. Pour l'année scolaire 2015-2016, A... était inscrit en qualité de demi-pensionnaire au lycée professionnel agricole de Saint-Flour. Par ailleurs, Mme C... a obtenu à compter du 1er juillet 2014 et jusqu'au 30 juin 2016, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Mme C... justifie ainsi d'un besoin d'assistance par une tierce personne pour accompagner son enfant handicapé, besoin qui n'a pas été indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dans le cadre du protocole transactionnel de 2015. Il y a lieu d'apprécier ce besoin d'une tierce personne à trois heures par semaines, durant les 36 semaines que dure la période scolaire, du 1er octobre 2014 jusqu'à la majorité d'A..., le 26 septembre 2018, dès lors que Mme C... n'établit pas qu'A... devenu majeur serait dans l'incapacité, compte tenu de son handicap, de pouvoir être autonome dans ses déplacements. Par suite, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce besoin d'assistance en l'indemnisant, sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des droits à congés, avec un taux horaire de 13 euros intégrant les charges patronales, sur la base de trois heures par semaine, 36 semaines par an pendant quatre ans. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à solliciter une indemnité supérieure à la somme de 6 450 euros allouée par les premiers juges.

18. Mme C... fait valoir qu'elle a également besoin d'une assistance quotidienne pour ses courses à hauteur de 2h00 par semaine. Il résulte de l'instruction que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a déjà procédé à l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne non spécialisée à raison de deux heures par semaine pour ses déplacements à compter du 1er avril 2010 en allouant à Mme C... la somme capitalisée de 31 341,32 euros à compter du 11 janvier 2015, date de l'anniversaire de Mme C... après la consolidation de son état de santé.

19. Mme C... soutient qu'elle doit être accompagnée pour les besoins liés à sa prise en charge médicale et ce alors qu'elle ne peut plus conduire et que l'aggravation de son état de santé justifie une consultation chez un psychiatre tous les mois, chez un neurologue tous les six mois, chez le médecin traitant tous les mois pour renouveler son ordonnance, chez le cardiologue tous les ans et au centre du sommeil de Montpellier plusieurs fois par an jusqu'à consolidation et ensuite une fois par an. Toutefois, Mme C... n'établit pas que ces frais de déplacement en lien avec l'aggravation de son état de santé n'ont pas fait l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie et ce alors qu'elle produit les accords du régime social des indépendants qui a pris en charge les frais de transport allers-retours entre son domicile et le centre hospitalier universitaire de Montpellier.

Quant à la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle :

20. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a versé à Mme C... la somme de 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle constituée par l'arrêt de son activité d'exploitante d'un restaurant au mois de mai 2013 en soulignant que l'expert avait relevé que les séquelles de la pathologie ne permettaient plus à l'intéressée d'exercer une activité dans le commerce.

21. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel en invoquant, le cas échéant, des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. Il ressort des écritures contentieuses de première instance que Mme C... sollicitait l'octroi d'une somme totale de 400 364,31 euros dont 50 000 euros au titre de " l'ensemble des répercussions de la pathologie sur son activité professionnelle et en particulier la perte de gains ". Par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que la demande d'indemnisation de Mme C... au titre de la perte de gains professionnels actuels est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable et ce alors que la date de consolidation de son état de santé n'a pas été déterminée.

22. Il résulte de l'instruction que Mme C... a débuté son activité professionnelle relative à l'exploitation d'un restaurant " l'Etape gourmande " le 1er mai 2010 et qu'elle a dû cesser cette activité qu'elle exerçait avec son compagnon le 30 juin 2013. Le 29 mai 2013, le médecin conseil du régime social des indépendants a procédé à la reconnaissance de l'état d'invalidité totale et définitive de Mme C... au 1er juillet 2013. Après l'arrêt de cette activité d'exploitante d'un restaurant, Mme C... a été embauchée le 8 avril 2015 en qualité d'hôtesse de caisse mais a été licenciée de ce poste de travail le 18 avril 2015 en raison de sa pathologie. Selon le rapport d'expertise diligentée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, elle a dû cesser toute activité professionnelle et est dans l'impossibilité de réaliser un projet professionnel.

23. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2012, Mme C... a perçu un revenu fiscal de référence de 16 197 euros sans qu'il ne soit établi que pour cette période, ce revenu aurait pu être supérieur si elle n'avait pas présenté de narcolepsie. Selon ses avis d'imposition, Mme C... a perçu au titre de l'année 2013 un revenu annuel d'un montant de 4 206 euros, au titre de l'année 2014 un revenu annuel d'un montant de 10 264 euros, au titre de l'année 2015 un revenu annuel de 9 173, au titre de l'année 2016 un revenu annuel de 8 339 euros, au titre de l'année 2017 un revenu annuel d'un montant de 7 656 euros, au titre de l'année 2018 un revenu annuel d'un montant de 9 065 euros, au titre de l'année 2019 un revenu annuel d'un montant de 7 697 euros représentant le montant de la rente, au titre de l'année 2020 un revenu annuel d'un montant de 7 745 euros. Pour l'année les revenus de l'année 2021, il y a lieu de se référer au montant perçu au cours de l'année 2020. Il s'ensuit que de l'année 2013 au 1er juillet 2021, Mme C... n'a perçu que 68 017,50 euros de revenus au lieu des 137 674,50 euros qu'elle pouvait espérer percevoir soit une perte de gains professionnels évaluée à la somme de 69 657 euros dont il convient de déduire les sommes de 519,85 euros perçus d'août à décembre 2017, de 1 347,04 euros perçus pour l'année 2018, de 1 830,68 euros perçus pour l'année 2019, de 2 093,37 euros perçus pour l'année 2020, de 1 042,08 euros perçus de janvier à juin 2021 au titre de l'allocation adulte handicapé versée par la caisse d'allocations familiales du Cantal, soit un total de 6 833,02 euros. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une indemnité de 62 823,98 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels jusqu'à la date de mise à disposition de l'arrêt au greffe.

24. Si Mme C... sollicite une indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs, cette demande ne sera accueillie qu'une fois la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... déterminée.

25. Selon le rapport d'expertise diligenté par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, elle a dû cesser toute activité professionnelle et est dans l'impossibilité de réaliser un projet professionnel. En allouant à titre provisionnel et dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de Mme C... la somme de 20 000 euros en raison de l'aggravation de l'incidence professionnelle, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce préjudice.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

26. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a évalué le déficit fonctionnel temporaire subi par Mme C... à hauteur de 6 820,80 euros en retenant un déficit fonctionnel temporaire total du 17 au 20 janvier 2012, du 21 au 24 juin et du 22 au 25 novembre 2013 correspondant aux périodes d'hospitalisation dans le cadre du suivi de la pathologie de l'intéressée et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30 % du 1er avril 2010, date d'apparition des premiers symptômes, au 22 janvier 2014, veille de la date alors retenue comme date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée.

Pour la période du 1er avril 2010 au 22 janvier 2014 :

27. Mme C... ne peut solliciter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire du 1er avril 2010 au 22 janvier 2014 dès lors que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a procédé à l'indemnisation de ce préjudice pour cette période et que Mme C... n'établit pas d'aggravation de son état de santé concernant cette période.

Pour la période du 23 janvier 2014 au 30juin 2021 :

28. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a indemnisé Mme C... du déficit fonctionnel permanent subi évalué à 30% en lui allouant la somme de 51 650 euros après avoir constaté que l'état de sa santé de l'intéressée était consolidé. Toutefois, l'expert, le professeur Merle, souligne que " la consolidation n'était pas de mise le 17 juin 2014 ", date de l'examen de Mme C... par le docteur Fischer. Il indique également que Mme C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total en raison des hospitalisations pour un enregistrement du sommeil au centre hospitalier universitaire de Montpellier et retient un déficit fonctionnel temporaire de 50 % du 17 juin 2014 au jour de l'expertise le 10 juillet 2018.

29. Ainsi qu'il a été dit au point 11, l'indemnisation complémentaire susceptible d'être allouée à Mme C... au titre du déficit fonctionnel temporaire devra être appréciée dans la limite de l'aggravation de son préjudice.

30. Il résulte de l'instruction que Mme C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant les 10 jours d'hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Montpellier pour enregistrement du sommeil. Il lui sera attribué une somme de 160 euros à ce titre.

31. Il résulte également de l'instruction que, selon le compte rendu de consultation du 26 septembre 2014 du docteur Dauvilliers, Mme C... présentait une narcolepsie sans cataplexie, paralysie de sommeil et hallucinations hypnagogiques. Selon le compte rendu de consultation du 27 avril 2015, le docteur Dauvilliers a relevé que Mme C... a présenté à compter de mars 2015 des hallucinations auditives, tactiles, des somniloquies fréquentes, des impatiences le soir ainsi que des troubles mnésiques justifiant une évaluation du déficit fonctionnel temporaire supplémentaire de 5 %, par rapport à l'évaluation du déficit fonctionnel permanent de 30 % déjà indemnisé, jusqu'à juin 2015. Selon le compte rendu de consultation du 15 octobre 2015, Mme C... a présenté, outre les pathologies précédemment décrites, à compter de juillet 2015, avec au moins 5 à 6 épisodes, des cataplexies au niveau de la mâchoire et une paralysie du sommeil justifiant une évaluation du déficit fonctionnel temporaire supplémentaire pour cette période de 10 %, par rapport à l'évaluation du déficit fonctionnel permanent de 30 % déjà indemnisé, jusqu'à la fin février 2018. Selon le compte rendu de consultation du 26 mars 2018, Mme C... a présenté au surplus une majoration de l'hypersomnie compte tenu de la diminution des effets du traitement entrepris et, selon le compte rendu du 31 janvier 2019, Mme C... a présenté un état dépressif avec des épisodes de perte de tonus musculaire au niveau de la mâchoire en moyenne trois fois par semaine et au niveau des mains une fois par semaine. Enfin, selon le compte rendu du professeur Dauvilliers du 3 mai 2021, depuis l'instauration de l'Attentin, au 31 janvier 2020, Mme C... va légèrement mieux mais il persiste trois siestes par jour obligatoires de 30 minutes, des relâchements musculaires au niveau des membres supérieurs et de la mâchoire, des hallucinations hypnagogiques le soir et des paralysies du sommeil au réveil de la nuit. Ces troubles justifient que l'évaluation de son déficit fonctionnel temporaire supplémentaire, par rapport au déficit de 30 % déjà indemnisé, soit fixée à 20 % pour la période du 1er mars 2018 au 30 juin 2021. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire partiel supplémentaire en allouant à Mme C... la somme de 5 500 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

32. Les premiers juges ont fait une appréciation qui n'est pas insuffisante du préjudice esthétique temporaire en l'évaluant à 2 sur une échelle de 7 et en allouant à Mme C... la somme de 1 500 euros en retenant une expression faciale caractéristique d'une impression de tristesse sinon de souffrance morale et les manifestations de cataplexie entraînant un relâchement de la mâchoire et des mains.

Quant aux souffrances endurées :

33. Ni Mme C..., qui se borne à indiquer que le rapport d'expertise ne chiffre pas ce chef de préjudice, ni l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne contestent le montant de l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées et fixée par les premiers juges à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de M. A... E... :

34. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de M. A... E... en lien avec l'état de santé de sa mère résultant de la vaccination H1N1 en lui allouant la somme de 5 000 euros.

Sur les conclusions à fin d'expertise :

35. Mme C... fait valoir que la consolidation de son état de santé est acquise. Si, dans le compte rendu du 3 mai 2021, le professeur Dauvilliers indique que l'état de santé de Mme C... peut être considéré comme consolidé, il précise que la patiente " a pris de nombreux traitements par le passé qui tous n'ont pas eu de bon rapport bénéfice/risque ", modifie le traitement médicamenteux initialement prescrit et prévoit de la revoir dans six mois et de réadapter le traitement en cours. En se bornant à produire ce compte-rendu de consultation du 3 mai 2021, Mme C... n'établit pas plus en première instance qu'en appel une stabilisation de son état de santé. Par suite, les conclusions tendant à ce que soit ordonnée par le présent arrêt une expertise avant dire droit pour l'évaluation des préjudices post consolidation ne peuvent, en l'état du dossier, qu'être rejetées.

36. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander que l'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à lui verser au titre du déficit fonctionnel temporaire par le jugement du 25 juin 2019 soit portée de 2 400 euros à 5 660 euros et que l'indemnité due au titre de la perte de gains professionnels actuels soit fixée à la somme de 62 823,98 euros. M. A... E... est seulement fondé à demander que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en réparation des préjudices subis du fait de la vaccination de sa mère, Mme C....

Sur les frais liés au litige :

37. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et M. E... et non compris dans les dépens sous réserve que leur conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 2 400 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme C... au titre du déficit fonctionnel temporaire par le jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est portée à la somme de 5 660 euros pour la période du 23 janvier 2014 à la date du présent arrêt et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à Mme C... la somme provisionnelle de 62 823,98 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à M. A... E... la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la vaccination de sa mère, Mme F... C....

Article 3 : Le jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Me G..., conseil de Mme C... et M. E..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... et de M. E... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., à M. A... E... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

2

N° 19LY03452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03452
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-30;19ly03452 ?
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