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21/06/2021 | FRANCE | N°21LY00480

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 21 juin 2021, 21LY00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 novembre 2019 par laquelle le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la cha

rge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 novembre 2019 par laquelle le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2000148 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de l'Ain du 27 novembre 2019, a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. C... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 février 2021, sous le numéro 21LY00480, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000148 du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée pour M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges, qui ont porté une appréciation sur l'opportunité de la décision contestée et non sur sa légalité, ont estimé que le refus de titre de séjour opposé à M. C... portait, au regard des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est justifié de la compétence de l'auteur de la décision attaquée ;

- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été respectées ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2021, M. C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés, agissant par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.

II. Par une requête enregistrée le 16 février 2021, sous le n° 21LY00481, la préfète de l'Ain demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2000148 du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient qu'elle a présenté des moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et présente les mêmes moyens que dans sa requête n° 21LY00480.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2021, M. C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés, agissant par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en méconnaissance de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, la préfète de l'Ain ne développe pas de risques d'exposer l'autorité administrative à la perte d'une somme d'argent qui ne devrait pas rester à sa charge ; la requête tendant au prononcé du sursis à exécution est ainsi irrecevable ;

- il présente les mêmes moyens que dans son mémoire en défense enregistré dans l'instance n° 21LY00480.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 4 février 1986, est entré en France le 2 avril 2016. Il a sollicité, le 9 janvier 2019, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par une décision du 27 novembre 2019, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé ce refus et a, en outre, enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La préfète de l'Ain relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus de la préfète de l'Ain tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lyon :

3. Pour prononcer l'annulation de la décision du préfet de l'Ain du 27 novembre 2019 portant refus de séjour, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le moyen tiré de ce que cette décision portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C..., droit protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré le 2 avril 2016 en France, où il a épousé, le même jour, une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans et que deux enfants, nés en 2017 et en 2018, sont issus de cette union. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. En l'espèce, il est constant que M. C... était en situation irrégulière lorsqu'il a développé sa vie privée et familiale en France. Il ne pouvait ignorer par suite qu'il était susceptible de faire l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour. M. C... ne justifie pas d'une vie commune avec son épouse antérieure au mariage, lequel présentait un caractère récent à la date de la décision du préfet. Rien ne fait obstacle, eu égard à la nationalité commune de M. C... et de son épouse et alors au demeurant que cette dernière, entrée en France seulement quatre ans avant la décision contestée, n'exerce pas d'activité professionnelle, à ce qu'ils poursuivent, accompagnés de leurs jeunes enfants, leur vie en Algérie, pays dans lequel l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où il n'établit pas, ni même n'allègue, être dénué d'attaches privées et familiales. En outre, le requérant ne justifie pas, par la seule production d'une promesse d'embauche, d'une intégration socioprofessionnelle particulière en France. Dès lors, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de M. C..., la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de refus de titre de séjour du 27 novembre 2019 a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal et la cour :

7. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme B... A..., cheffe du bureau de l'accueil et du séjour des étrangers, qui a reçu délégation à cet effet par un arrêté du préfet de l'Ain du 5 novembre 2019, publié le lendemain au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision en litige doit être écarté.

8. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour pris à l'encontre de M. C... aurait été pris en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et serait entaché d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... et son épouse ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Algérie, pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leurs enfants âgés respectivement d'un an et deux ans à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 27 novembre 2019, lui a enjoint de délivrer à M. C... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. C... à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

12. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2021, les conclusions de la requête n° 21LY00481 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21LY00481.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C.... Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.

2

N° 21LY00480,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21LY00480
Date de la décision : 21/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Francois-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-21;21ly00480 ?
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