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21/06/2021 | FRANCE | N°20LY03765

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 21 juin 2021, 20LY03765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 1909820, M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

II - P

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 1909820, M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 1910191, Mme H... B... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1909820 et 1910191 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mai 2021, M. et Mme F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) de les admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 26 novembre 2019 du préfet du Rhône ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur la légalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le rapport du médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est lacunaire ; ni le médecin rapporteur ni le collège des médecins n'ont examiné sérieusement le dossier médical de leur enfant ;

- les décisions méconnaissent le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dont ils sont fondés à se prévaloir, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; leur enfant souffre d'une pathologie neurologique congénitale qui nécessite une prise en charge par une surveillance échographique et fonctionnelle des reins, au minimum des sondages intermittents et éventuellement des chirurgies complémentaires et la réalisation de lavements antérogrades ou rétrogrades du colon rectum ; leur enfant a été opéré en urgence pour un dysraphisme sévère et un certificat médical établit que l'enfant doit rester sur le territoire français pour recevoir un suivi médical régulier et subir des examens réguliers ; le traitement approprié n'est pas disponible en Algérie ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- ils sont bien fondés à exciper de l'illégalité des refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

- les décisions méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour des motifs tirés de l'état de santé de leur enfant, les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

- ils sont bien fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi.

M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F... et Mme H... B... épouse F..., ressortissants algériens nés respectivement le 4 mars 1973 et le 20 novembre 1975, sont entrés en France le 24 mai 2017 accompagnés de leur enfant, A... né le 16 avril 2014. Le 20 juin 2017, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en raison de l'état de santé de leur enfant. Par deux arrêtés du 26 novembre 2019, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 26 novembre 2019.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991, " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".

3. M. et Mme F... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2021, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs conclusions tendant à leur admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

5. D'une part, il est constant que M. et Mme F... qui n'indiquent pas être malades, n'ont jamais demandé à se voir délivrer un certificat de résidence au regard de leur état de santé ; d'autre part, et en tout état de cause, le certificat de résidence prévu par les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est uniquement délivré à l'étranger lui-même malade, et non à l'accompagnant d'enfant malade. Par suite, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence ont méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en raison de la pathologie dont souffre leur enfant.

6. Dans le cas où, sans y être légalement tenu, le préfet sollicite l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il lui appartient de procéder à cette consultation dans des conditions régulières.

7. Le respect du secret médical s'oppose à la communication à l'autorité administrative, comme au juge administratif, du rapport médical prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. et Mme F... ne peuvent pas utilement soutenir que ce rapport est insuffisant et que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été émis sur la base d'un rapport incomplet.

8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Pour prendre les décisions contestées, le préfet s'est fondé notamment sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 avril 2018, dont il s'est approprié les termes. Selon cet avis, si l'état de santé de l'enfant de Mme et M. F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Pour contester cette appréciation, Mme et M. F... font valoir, en se fondant sur des certificats médicaux du 23 décembre 2019 et du 13 février 2020 du service de chirurgie pédiatrique du groupement hospitalier Est-Hôpital Femme-Mère-Enfant I... que leur fils, A..., présente une pathologie neurologique congénitale qui entraine un dysfonctionnement vésicosphinctérien et recto-sphinctérien nécessitant une prise en charge par une surveillance échographique et fonctionnelle des reins, au minimum des sondages de la vessie, éventuellement des chirurgies complémentaires et la réalisation de lavements antérogrades et rétrogrades du colon rectum. Ils se prévalent également d'un certificat médical du 16 juin 2017 du chef de service de neurochirurgie pédiatrique du groupement hospitalier Est-Hôpital Femme Mère Enfant, qui indique que l'enfant a dû être opéré en urgence le 13 juin 2017 pour un dysraphisme sévère avec la moelle épinière attachée et que " la manipulation de cette maladie justifie la présence prolongée (date de sortie non déterminée, probablement fin juin 2017) de l'enfant ainsi que de ses parents dans notre service ", d'un certificat médical du 19 mai 2021 du neurochirurgien exerçant à l'hôpital Femme-Mère-Enfant qui indique que l'enfant doit bénéficier d'un suivi multidisciplinaire sur le long terme en raison d'un risque élevé de complication et d'un certificat d'un médecin exerçant en Algérie faisant état de ce que la prise en charge de leur enfant n'est pas disponible en Algérie. Toutefois, par ces pièces, et notamment celle du médecin algérien dont l'attestation est insuffisamment circonstanciée, M. et Mme F... ne contredisent pas utilement l'avis médical du collège des médecins quant à la disponibilité en Algérie du traitement adapté à l'état de santé de l'enfant après l'intervention du 13 juin 2017 et notamment du matériel nécessaire pour procéder à des sondages. Par suite, les décisions critiquées n'ont ni méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation du fils de M. et Mme F....

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5, 7 et 9 que M. et Mme F... n'ayant pas démontré l'illégalité des refus de délivrance d'un titre de séjour, ils ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces refus à l'encontre des obligations de quitter le territoire prises à leur encontre.

11. M. et Mme F... se prévalent, au soutien des moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 31 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des mêmes arguments que ceux qu'ils ont précédemment exposés. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs.

12. Les requérants n'établissant pas que leur enfant ne pourrait pas effectivement avoir accès en Algérie à un traitement approprié à son état de santé, ils ne sont pas fondés à faire valoir que les décisions litigieuses méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que M. et Mme F... n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, ils ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions aux fins d'injonction et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme F... tendant à leur admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., Mme H... B... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.

2

N° 20LY03765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03765
Date de la décision : 21/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ARMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-21;20ly03765 ?
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