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17/06/2021 | FRANCE | N°21LY00872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 21LY00872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a décidé sa remise aux autorités suisses en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2002227 du 21 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 2, rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, e

nregistrée le 21 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a décidé sa remise aux autorités suisses en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2002227 du 21 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 2, rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 susvisé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'incompétence et est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la France est l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors qu'il a présenté sa demande d'asile le 14 septembre 2019 et qu'il a franchi le territoire français en janvier 2020 ;

- la France est également l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile en application de l'article 12 du règlement dès lors que l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée par les autorités suisses est périmée depuis plus de deux ans ;

- elle méconnaît l'article 3.2 de ce règlement ainsi que l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement.

Par mémoire, enregistré le 21 avril 2021, le préfet du Rhône, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 22 décembre 1996, déclare être entré en France le 1er février 2020 et y a sollicité l'asile le 23 septembre suivant. La consultation du fichier européen Eurodac ayant fait apparaître qu'il avait demandé l'asile en Suisse, le 14 septembre 2018, les autorités françaises ont saisi les autorités suisses d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 que ces autorités ont expressément accepté le 23 octobre 2020. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté pris le 25 novembre 2020 à son encontre par le préfet du Rhône, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, décidant son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la légalité de la décision portant transfert aux autorités suisses :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., en vertu des articles 7 et 8 d'un arrêté du 12 octobre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture le lendemain, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a donné à M. C... F..., adjoint à la cheffe du pôle régional Dublin, chef de la section instruction, délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, les mesures visées à l'article 7 incluant les mesures afférentes au transfert des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin, comme celle en cause. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché du vice d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté sans apporter aucun élément nouveau de droit ou de fait ni critiquer les motifs par lesquels le premier juge a écarté ce moyen. Il y a lieu pour la Cour d'adopter ces motifs retenus à bon droit et d'écarter ce moyen.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 23 septembre 2020, lors de l'entretien individuel qui lui a été accordé par les services préfectoraux du Puy-de-Dôme, le guide du demandeur d'asile ainsi que l'information sur les règlements communautaires, à savoir les brochures A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue française. Les informations contenues dans ces documents ont été portées à sa connaissance par l'intermédiaire d'un interprète en langue peul, dépendant d'un organisme d'interprétariat, ISM, agréé par l'administration, langue qu'il a déclaré comprendre, comme en atteste le résumé de l'entretien individuel, signé par M. A..., certifiant que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis. Il résulte des mêmes pièces que, lors de l'entretien individuel, M. A... était assisté, par téléphone, d'un interprète, alors d'ailleurs que les dispositions précitées n'imposent pas systématiquement la présence physique d'un interprète lors de l'entretien. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait pas compris les termes de cet entretien et il a pu à cette occasion faire valoir toutes observations utiles. Enfin, si les dispositions de l'article 5 du règlement prévoient que le demandeur ou, le cas échéant, son conseil juridique ou un autre conseiller ait accès en temps utile au résumé de l'entretien, elles n'imposent aucunement qu'une copie de ce résumé lui soit spontanément remise par l'administration, ni qu'une information lui soit donnée sur son droit à consultation de ce document. Dans ces conditions, M. A... n'a été privé d'aucune des garanties dues aux demandeurs d'asile sur le fondement des articles 4 et 5 du règlement. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent, par suite, être écartés.

6. En quatrième lieu, M. A... réitère en appel les moyens tirés de la méconnaissance des articles 12 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé invoqués en première instance à l'encontre de la décision de transfert dont il fait l'objet. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et non critiqués en appel.

7. Aux termes de l'article 3 dudit règlement : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ; / (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ".

8. M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Suisse. Ce pays a d'ailleurs donné son accord explicite à sa réadmission le 23 octobre 2020. Aucun élément versé au dossier ne permet de considérer que les autorités suisses ne sont pas en mesure d'examiner sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que M. A... courrait en Suisse un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, alors que la Confédération Suisse est partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951. Par suite, la décision de transfert contestée ne méconnaît pas les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En dernier lieu, le premier paragraphe de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que la demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride " est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". Le premier paragraphe de l'article 17 de ce règlement dispose que : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable précise enfin ne pas faire obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

10. Contrairement à ce qu'il allègue, M. A... ne produit aucun élément justifiant que les autorités suisses ont rejeté sa demande d'asile et/ou émis à son encontre une décision d'obligation de quitter le territoire alors qu'il a été rappelé que ces autorités ont expressément accepté sa reprise en charge. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N° 21LY00872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21LY00872
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Francois BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SHVEDA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;21ly00872 ?
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