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17/06/2021 | FRANCE | N°20LY02836

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20LY02836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 31 août 2020 par lesquelles le préfet de l'Ain a ordonné sa remise aux autorités italiennes et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006183 du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2020, M.

A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 31 août 2020 par lesquelles le préfet de l'Ain a ordonné sa remise aux autorités italiennes et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006183 du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 31 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, le cas échéant à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes a été adoptée en méconnaissance de son droit à être préalablement entendu, principe général du droit protégé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités italiennes ;

- elle méconnaît le II de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2020.

Par une ordonnance du 11 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 26 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 15 octobre 1977, relève appel du jugement du 3 septembre 2020, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 31 août 2020 ordonnant sa remise aux autorités italiennes et lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la légalité de la remise aux autorités italiennes :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'avant que soit prise la décision en litige, M. A... a été entendu lors d'une audition au cours de laquelle ont notamment été évoqués sa situation administrative en France et en Italie, l'éventualité de son éloignement ainsi que son projet de déposer une demande de titre de séjour. M. A... ne démontre nullement, à défaut de toute précision ou pièce relative à cette demande, que cette dernière circonstance, qui a ainsi été portée à la connaissance de l'administration, serait susceptible d'influer sur le contenu de la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, et quelles que soient les difficultés temporaires qu'il aurait rencontrées plus d'un an auparavant pour déposer une telle demande, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Ain a méconnu le droit à être préalablement entendu qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne.

Sur la légalité de l'interdiction de circuler sur le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) II. - L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision de remise prise en application du premier alinéa du I à l'encontre d'un étranger titulaire d'un titre de séjour dans un autre Etat membre de l'Union européenne d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. Toutefois, cette interdiction de circulation sur le territoire français n'est applicable à l'étranger détenteur d'une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" en cours de validité accordée par un autre Etat membre (...) que lorsque leur séjour en France constitue un abus de droit ou si leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Le prononcé et la durée de l'interdiction de circulation sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est titulaire d'une carte de séjour portant, en italien, la mention " résident de longue durée-UE ", qui lui a été délivrée pour une durée indéterminée par les autorités italiennes. Le préfet de l'Ain ne démontre, ni même ne prétend que la présence en France de M. A... constitue un abus de droit ou une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique. Par suite, et nonobstant la précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, la faible durée de son séjour en France ou son absence d'attaches familiales sur le territoire français, M. A... est fondé à soutenir qu'en lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français, le préfet de l'Ain a méconnu les dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain du 31 août 2020 lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui se borne à annuler l'interdiction de circuler sur le territoire français opposée à M. A..., n'implique aucune des mesures d'exécution demandées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du préfet de l'Ain du 31 août 2020 faisant interdiction à M. A... de circuler sur le territoire français est annulée.

Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 3 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N°20LY02836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY02836
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;20ly02836 ?
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