Vu les procédures suivantes :
I°) Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020, sous le n° 20LY02574, la commune de Scionzier, représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'avis défavorable à la création d'un pôle commercial constitué d'un hypermarché, d'une galerie marchande et d'un drive d'une surface de vente totale de 10 211 m² sur le territoire de la commune de Scionzier, émis le 10 juin 2020, par la Commission nationale d'aménagement commercial :
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable à contester l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- le projet permet de maintenir une offre de proximité ;
- il n'a pas pour effet d'éloigner la population de Cluses de l'équipement commercial ;
- il n'entraînera aucune vacance commerciale dans les centres-villes ;
- les travaux routiers prévus permettront d'absorber le trafic supplémentaire ;
- le pétitionnaire s'engage à compenser la zone humide modifiée.
Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que
- la requête est tardive et la commune n'a aucun intérêt à agir à l'encontre de l'avis défavorable rendu le 10 juin 2020 ;
- beaucoup de réserves n'ont pu être levées par le pétitionnaire faute de garantie suffisante ;
- c'est à bon droit qu'un avis défavorable a été rendu.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, dès lors qu'en application des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 75217 du code de commerce, l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire.
Les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, la cour est susceptible, en cas d'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2020, d'enjoindre d'office d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, de prendre un avis favorable au projet, d'autre part au maire de la commune de Scionzier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante après examen du respect des dispositions relatives au code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré, le 20 avril 2021, la commune de Scionzier informe la cour qu'elle prend acte du moyen d'ordre public et de l'injonction d'office sur lesquels l'arrêt peut être fondée.
Par des mémoires enregistrés, les 21 avril, 23 avril et 7 mai 2021, la société Balme Distribution, représentée par Me Gras, avocat, conclut au rejet de la requête n° 20LY02574 et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Scionzier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la commune est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre un acte préparatoire ;
- la cour ne pourra pas enjoindre la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer favorablement au projet ;
- c'est à juste titre que la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable au projet.
Par un mémoire enregistré le 22 avril 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial, confirme l'irrecevabilité de la requête de la commune de Scionzier et fait valoir qu'elle ne pourra rendre un avis qu'après une nouvelle instruction de la demande.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2021, l'association " En toute franchise département de Haute-Savoie ", représentée par Me B..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCI Scionzier, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la commune dirigée contre un acte préparatoire n'est pas recevable ;
- le projet de la SCI Scionzier, visant la création d'un ensemble commercial et d'un drive, méconnait les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, justifiant l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial.
II°) Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, sous le n° 20LY03115, la SCI Scionzier, représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel le maire de Scionzier a refusé de faire droit à sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un pôle commercial constitué d'un hypermarché, d'une galerie marchande et d'un drive d'une surface de vente totale de 10 211 m² sur le territoire de la commune de Scionzier ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour est compétente pour connaître ce litige ;
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- sa requête est introduite dans les délais de recours contentieux ;
- les convocations n'ont pas été effectuées par le président de la Commission nationale d'aménagement commercial en méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- la distance séparant le site du projet de celui de l'hypermarché de Cluses est près de deux fois inférieure à ce qu'a relevé la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- ce projet prend place dans une zone d'activités comprenant déjà de très nombreux commerces et se situe à proximité des populations ;
- le fait qu'une partie de la clientèle piétonne du projet doive emprunter un passage sous l'autoroute pour accéder au projet ne saurait constituer un motif justifiant l'avis défavorable émis par la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- le taux de vacance commerciale retenu par la Commission ne saurait justifier son avis défavorable ;
- la capacité des voiries routières sera accrue du fait de la réalisation de travaux ;
- il existe un accès au site pour les bicyclettes ;
- il existe une desserte en transports en commun ;
- il est prévu la création d'une nouvelle zone humide ;
- le projet remplace une friche industrielle et comprend l'entière dépollution de ce site et la démolition complète du bâtiment pour y réaliser un centre commercial en dépassant les normes environnementales actuelles.
Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que
- la requête est tardive et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas recevables ;
- les convocations ont été régulièrement envoyées par la secrétaire de la Commission ;
- beaucoup de réserves n'ont pu être levées par le pétitionnaire faute de garantie suffisante ;
- le projet présente de nombreux effets négatifs notamment sur le centre-ville de Cluses ;
- la desserte en transports en commun n'est pas adaptée ;
- les espaces verts sont insuffisants.
Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2021, la commune de Scionzier, représentée par Me C..., avocat, conclut à ce qu'il soit fait droit à la demande de la requérante.
Elle fait valoir qu'elle a elle-même initié un recours à l'encontre de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial.
Les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, la cour est susceptible, en cas d'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2020, d'enjoindre d'office d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, de prendre un avis favorable au projet, d'autre part au maire de la commune de Scionzier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante après examen du respect des dispositions relatives au code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 22 avril 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial fait valoir qu'elle ne pourra rendre un avis qu'après une nouvelle instruction de la demande.
Par des mémoires enregistrés les 22 avril et 16 mai 2021, la SCI Scionzier demande à la cour qu'elle enjoigne à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable à son projet, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard.
Elle fait valoir en outre que l'intervention de la société Balme Distribution n'est pas recevable.
Par des mémoires enregistrés, les 23 avril et 7 mai 2021, la société Balme Distribution, représentée par Me Gras, avocat, conclut au rejet de la requête n° 20LY02574 et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Scionzier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la cour ne pourra pas enjoindre la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer favorablement au projet ;
- la requête et l'intervention de la commune ne sont pas recevables ;
- c'est à juste titre que la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable au projet.
Par un mémoire enregistré le 23 avril 2021, l'association " En toute franchise département de Haute-Savoie ", représentée par Me B..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCI Scionzier, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le projet de la SCI Scionzier visant la création d'un ensemble commercial et d'un drive méconnait les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, justifiant l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me C..., représentant la commune de Scionzier, de Me B..., représentant l'association En Toute Franchise Département de la Haute-Savoie et de Me A..., représentant la SCI Scionzier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 28 mai 2021, pour chacun des deux dossiers, présentées pour la société Balme Distribution ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 septembre 2019, la SCI Scionzier a déposé auprès de la commune de Scionzier une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un pôle commercial constitué d'un hypermarché, d'une galerie marchande et d'un drive d'une surface de vente totale de 10 211 m² sur le territoire de la commune de Scionzier. Saisie de recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Savoie, le 10 janvier 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 10 juin 2020, un avis défavorable au projet. Le maire de Scionzier a ensuite, au vu de cet avis défavorable, et après qu'un refus tacite fut né le 6 juillet 2020, expressément rejeté la demande de permis valant autorisation d'exploitation commerciale le 10 septembre 2020. La commune de Scionzier demande à la cour, dans l'instance enregistrée sous le n° 20LY002574, d'annuler l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial, le 10 juin 2020. Parallèlement, dans l'instance enregistrée sous le n°20LY03115, la SCI Scionzier demande l'annulation de la décision du 10 septembre 2020 rejetant sa demande de permis de construire.
2. Ces deux instances concernent le même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par le même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'avis rendu par la commission nationale d'aménagement commercial :
3. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il en va ainsi que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial soit favorable ou qu'il soit défavorable et quand bien même le recours émanerait de la commune dont le maire est lié par cet avis. Il est alors loisible à la commune de demander l'annulation de l'acte pris par son maire en tant qu'il accorde ou refuse l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée au nom de l'Etat. Dès lors, les conclusions présentées par la commune de Scionzier dans l'instance n°20LY02574, tendant à l'annulation de l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 10 juin 2020, doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2020 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale d'aménagement commercial et par la société Balme Distribution :
5. Le maire de la commune de Scionzier ayant expressément rejeté le 10 septembre 2020, la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale déposée par la SCI Scionzier, cette dernière décision s'est implicitement mais nécessairement substituée à la décision implicite de rejet du 6 juillet 2020. Dès lors, la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas fondée à soutenir que la requête introduite par la SCI Scionzier serait tardive.
En ce qui concerne la convocation des membres de la commission :
6. Aux termes des dispositions de l'article R. 75235 du code du commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procèsverbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 25 mai 2020 à la réunion du 10 juin suivant par une lettre signée, conformément à l'article 13 du règlement de la Commission, par la secrétaire de la Commission. Cet article 13 du règlement, publié sur le site de la Commission, constitue une délégation de signature du président à la secrétaire pour procéder aux convocations. En tout état de cause, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'irrégularité alléguée à ce titre aurait eu une influence sur le sens de l'avis émis par la Commission ou aurait privé les intéressés d'une garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 75235 du code du commerce doit être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :
8. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. "
9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".
10. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
11. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.
12. Pour émettre un avis défavorable au projet présenté par la SCI Scionzier, la Commission nationale d'aménagement commercial, après avoir décrit la consistance du projet et précisé qu'il est lié à la fermeture d'un ensemble commercial " Carrefour " situé dans le quartier des Ewuës à Cluses a opposé cinq motifs tirés en premier lieu, de ce que le projet conduira à éloigner des lieux de vie un ensemble commercial qui était implanté dans le tissu urbain de Cluses au sein d'un quartier prioritaire, en deuxième lieu, de ce que le déménagement du centre commercial risque d'accentuer la vacance commerciale de Cluses, en troisième lieu, de ce que les axes routiers d'accès au site du projet risquent d'être saturés alors que la réalisation de travaux n'est pas garantie, en quatrième lieu, de ce que le projet n'est pas desservi, pour l'essentiel, par des pistes cyclables et que l'accès par transports en commun n'est pas garanti et en dernier lieu, de ce que le projet implanté en ZNIEFF pourra conduire à la destruction de deux zones humides et qu'en dépit de l'intention de reconstruire une zone humide, les espaces verts ne représentent qu'une surface insuffisante du terrain d'assiette.
13. En premier lieu, le projet est en lien avec la fermeture d'un ensemble commercial de 11 190 m² de surface de vente, situé dans le quartier des Ewües à Cluses, et doit permettre la création au même endroit d'un supermarché " Carrefour market " de 2 200 m² ainsi que le maintien de la pharmacie déjà présente. Cet aménagement doit correspondre à l'objectif de l'orientation d'aménagement et de programmation " îlot Carrefour " du plan local d'urbanisme de Cluses de créer un projet mixte à l'emplacement de l'actuel ensemble commercial, pour y intégrer des logements et " redonner une taille humaine " à la surface commerciale. Si le déplacement de ce centre commercial va entraîner celui des commerces présents dans la galerie marchande, il ressort toutefois des pièces du dossier, que le projet comprend déjà plusieurs commerces et activités artisanales ainsi que des équipements publics tels un collège, une école maternelle, un gymnase, un stade et un groupe scolaire élémentaire. Enfin, ce projet qui sera implanté en position centrale du bassin clusien permettra de desservir les principales zones d'habitation de plusieurs communes, situées à 2,6 km pour la proche (Scionzier), à 5,1 km pour la plus éloignée (Marnaz). Par suite, en estimant que le projet conduira à éloigner des lieux de vie un ensemble commercial qui était implanté dans le tissu urbain de Cluses au sein d'un quartier prioritaire, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
14. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que le quartier des Ewües à Cluses connaît un taux de vacance commerciale élevé de 30 %, ainsi qu'il a été dit précédemment, ce quartier doit faire l'objet d'un projet de rénovation urbaine qui doit prendre en compte l'existence de cette difficulté. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les autres quartiers de Cluses ne connaissent une vacance commerciale que de l'ordre de 12 % et celle de Scionzier s'établit autour de 6,9 %. Egalement, le pétitionnaire a proposé à tous les commerçants de la galerie marchande de Cluses de s'implanter en priorité au sein du projet. Enfin, la circonstance que la commune de Cluses ait bénéficié d'une subvention au titre du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce en 2019 n'est pas en elle-même de nature à établir l'existence d'un impact négatif du projet sur les commerces de cette commune. Par suite, en se fondant, pour émettre un avis défavorable au projet, sur le motif tiré de ce qu'il accentuerait la vacance commerciale de la commune de Cluses, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur d'appréciation
15. En troisième lieu, le projet, implanté au sein de la zone d'activités économiques (ZAE) du Bord de l'Arve se trouve bordé à l'ouest, par la rue de l'Arve, au nord, par la rue Claude Ballaloud, et à l'est, par la rue César Vuarchex. Il ressort de l'étude de trafic produite par le pétitionnaire que le projet aura un impact sur la circulation sur les axes alentours et les axes desservant la ZAE qui ne seront pas en mesure d'absorber le trafic complémentaire généré par le projet sur certaines branches. Toutefois, le projet s'accompagne d'aménagements routiers votés par le conseil municipal de Scionzier et dont la réalisation devrait être achevée avec l'ouverture du site. Ces travaux permettront d'augmenter de manière significative les valeurs de réserve de capacité sur les axes desservant la ZAE, même si certaines restent inférieures à 10 %. Par ailleurs, le projet mentionne la réalisation d'une voie " by-pass " , avenue des Lacs Est vers la rue César Vuarchex, destinée à améliorer les flux de circulation, dont le principe a été validé par la commune de Scionzier et par le conseil départemental de la Haute-Savoie. Par suite, en estimant que les travaux routiers nécessaires à la réalisation du centre commercial ne permettraient pas de manière suffisante et certaine d'absorber le trafic complémentaire généré par le projet, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
16. En quatrième lieu, les travaux routiers d'accessibilité au site d'implantation du projet s'accompagneront de la création d'un espace partagé pour piétons et vélos, et permettront de compléter la présence des pistes cyclables existantes ainsi que des cheminements piétons qui permettent déjà de relier le site du projet avec le centre-ville de Scionzier et l'entrée de Cluses. Si le projet est desservi par la ligne 3 du réseau de transports en commun " ARV'i " Cluses, Arve et Montagnes, dont l'arrêt le plus proche situé à 660 mètres du projet, et que des consultations sont toujours en cours avec la communauté de communes Cluses Arves et Montagnes pour permettre un arrêt plus proche du site, cette incertitude n'est toutefois pas suffisante pour établir que la desserte du projet serait insatisfaisante.
17. En dernier lieu, si le site du projet est en partie inscrit en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II avec la présence d'une surface potentielle de zone humide de l'ordre de 630 m² sur deux secteurs distincts, le pétitionnaire s'est engagé à créer une nouvelle zone humide de type roselière d'environ 600 m² dans les espaces verts le long de l'autoroute A40. Par ailleurs, le projet prévoit la création de 4 536 m² d'espaces verts de pleine terre, soit environ, 18,5 % du terrain, ainsi que la plantation de 47 arbres de haute tige et la conservation de 8 autres sur les 14 déjà présents sur le terrain. Compte tenu des efforts fournis par le pétitionnaire en matière d'intégration paysagère, de limitation dans l'imperméabilisation des sols et de qualité architecturale, en estimant que les espaces verts ne représentent qu'une surface insuffisante du terrain d'assiette, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
18. Il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial a inexactement fait application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en estimant que le projet compromettait les objectifs fixés par le législateur. Par suite, la SCI Scionzier est fondée à soutenir que le refus opposé à la demande de permis de construire valant autorisation commerciale est illégal du fait de l'illégalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.
19. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen ne paraît susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision du 10 septembre 2020 par laquelle le maire de Scionzier a opposé un refus à la demande de la SCI Scionzier de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
21. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Aux termes de l'article L. 600-13 du même code : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux recours pour excès de pouvoir formés contre les permis de construire qui tiennent lieu d'autorisation au titre d'une autre législation, sauf disposition contraire de cette dernière. ".
22. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, rendues applicables au contentieux du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale par les dispositions de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme, demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances de fait, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.
23. Lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande d'autorisation d'exploitation commerciale, fait droit à des conclusions aux fins d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ces conclusions doivent être regardées comme confirmant la demande initiale du requérant. Par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de délivrer l'autorisation sollicitée.
24. Devant la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial n'invoque aucun nouveau motif susceptible de faire obstacle à la délivrance de l'autorisation d'exploitation commerciale.
25. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ces motifs, que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, prenne un avis favorable au projet. Il est par ailleurs enjoint au maire de Scionzier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante après examen du respect des dispositions relatives au code de l'urbanisme. Par ailleurs, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de la SCI Scionzier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 10 septembre 2020 du maire de Scionzier refusant de délivrer à la SCI Scionzier un permis de construire valant autorisation commerciale est annulé.
Article 2 : Il est enjoint, d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de prendre un avis favorable au projet et, d'autre part, au maire de Scionzier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Scionzier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La requête de la commune de Scionzier et le surplus des conclusions de la requête de la SCI Scionzier sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Scionzier, à la commune de Scionzier, à la société Balme Distribution, à l'association " En toute franchise département de Haute-Savoie ", à l'association ADCOTP, à la société Lidl et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au président de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
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N° 20LY02574-20LY03115
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