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17/06/2021 | FRANCE | N°20LY01181

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20LY01181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notifica

tion du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidia...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1903447 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 mars 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 8 mars 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; à défaut, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur d'appréciation en l'absence d'examen particulier de sa situation individuelle ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de délibération collective des médecins du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'indisponibilité de l'accès aux soins ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entaché à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 24 aout 1987, de nationalité tunisienne, est entré en France le 28 août 2006, muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a bénéficié, en cette qualité, d'un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'au 30 septembre 2012. Le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé par une décision du préfet du Rhône du 12 février 2013, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu, par la cour administrative d'appel de Lyon le 10 juin 2014. Le 6 janvier 2015, l'intéressé a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement, confirmée par le même tribunal le 1er décembre 2015. Le 31 octobre 2016, il a fait l'objet d'une troisième mesure d'éloignement qui a été annulée par le tribunal administratif de Lyon en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. M. C... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés du défaut de motivation et d'examen réel de sa situation, du vice de procédure en l'absence de délibération collective des médecins du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

5. Le préfet du Rhône s'est approprié le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII émis le 21 juin 2018, selon lequel, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. En l'espèce, il ressort du certificat d'un praticien du centre médico-psychologique de Bron en date du 24 avril 2019 que l'appelant est atteint de schizophrénie paranoïde. Si ce certificat indique qu " un changement de pays aboutirait à une rupture totale de l'alliance thérapeutique, exposant le patient à une rechute sur une modalité psychotique ou dépressive. Il serait alors très difficile de travailler à nouveau à une stabilité chez ce patient fragile ", cette seule affirmation ne saurait être considérée comme infirmant l'analyse du collège de médecins de l'Office selon laquelle un traitement adapté est disponible dans son pays d'origine. Si par ailleurs, l'intéressé produit un document selon lequel il ne serait pas affilié à la sécurité sociale tunisienne, cependant il n'établit pas qu'il ne pourrait pas accéder aux soins dont il a besoin en Tunisie. En outre, si M. C... fait état d'une part, des difficultés d'équilibrage de son traitement ainsi qu'en atteste un certificat médical du 9 décembre 2019 et d'autre part, de ce que selon le site internet de la pharmacie centrale de Tunis, le Tercian, le D... et le Noctamid n'existent pas en Tunisie, alors même qu'il n'est pas établi que les molécules de ces médicaments ne seraient pas substituables, le préfet du Rhône produisant, en première instance, les extraits de la consultation du site internet du ministère tunisien de la santé, qui révèlent notamment que l'oxazepam, dénomination commune internationale (DCI) du médicament commercialisé sous le nom de D..., figure dans la nomenclature nationale des médicaments disponibles en Tunisie et, qu'il en est de même pour le Noctamid. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que le Tercian ne serait pas distribué en Tunisie, il ressort toutefois des extraits de la liste DCI précitée, produite également par le préfet en première instance, qu'une spécialité pharmaceutique appartenant à la même classe, la chlorpromazine ainsi que la molécule cyamémazine y sont disponibles. Enfin, la circonstance que M. C... devrait maintenir ses repères et le rapport d'alliance avec les équipes médicales qui le soignent en France ne permet pas d'établir une quelconque erreur d'appréciation de la part du préfet, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué que M. C... ne sera pas en mesure de créer de tels repères et un rapport d'alliance avec les équipes médicales qui le prendront en charge en Tunisie. La circonstance qu'en août 2014, le médecin de l'ARS avait rendu un avis différent de celui de l'OFII est sans influence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, dès lors que l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir que les médicaments distribués en Tunisie ne seraient pas adaptés à son cas particulier et qu'il ne pourrait bénéficier de ces molécules génériques et substituables, ni même qu'il ne bénéficierait pas d'une prise en charge adaptée à la gravité de sa pathologie, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. C... le titre de séjour demandé.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si M. C... fait état de son entrée en France en 2006, il ne disposait alors, et ce jusqu'en 2012, que de titres de séjour en qualité d'étudiant qui ne pouvaient lui donner aucun droit à prolonger son séjour sur le territoire national au-delà de la durée de ses études, alors même qu'il est présent en France depuis plus de dix ans. Ainsi, dès lors que l'intéressé, qui demeure célibataire et sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et ses deux frères, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à ses conditions de séjour, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent ainsi être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme B... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N° 20LY01181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY01181
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;20ly01181 ?
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