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17/06/2021 | FRANCE | N°19LY02987

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 19LY02987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une demande enregistrée sous le n° 1803056, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du maire de Vénissieux du 12 décembre 2017 reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie, en tant qu'elle limite la prise en charge afférente au 3 août 2017, ensemble la décision du 19 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au maire de Vénissieux de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par

jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vénissieux une somme de 3 5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une demande enregistrée sous le n° 1803056, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du maire de Vénissieux du 12 décembre 2017 reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie, en tant qu'elle limite la prise en charge afférente au 3 août 2017, ensemble la décision du 19 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au maire de Vénissieux de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vénissieux une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une demande enregistrée sous le n° 1807541, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 4 septembre 2018 par laquelle le maire de Vénissieux l'a placé en disponibilité d'office ;

2°) de mettre les dépens à la charge de la commune de Vénissieux ainsi que la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803056 et 1807541 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les deux demandes de M. B....

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019 sous le n° 19LY02987, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Vénissieux du 12 décembre 2017 reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie, en tant qu'elle limite la prise en charge afférente au 3 août 2017, ensemble la décision du 19 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vénissieux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et ont commis une erreur de fait ;

- la commune de Vénissieux a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, la commune de Vénissieux représentée par Me F... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019 sous le n° 19LY02988, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 4 septembre 2018 par laquelle le maire de Vénissieux l'a placé en disponibilité d'office ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vénissieux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et ont commis une erreur de fait ;

- la commune de Vénissieux a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, la commune de Vénissieux représentée par Me F... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986, relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant M. B..., et celles de Me E..., représentant la commune de Vénissieux ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique principal de deuxième classe de la commune de Vénissieux, a été placé en arrêt de travail à compter du 27 mai 2016, régulièrement renouvelé depuis, en raison d'un syndrome dépressif. Par décision du 12 décembre 2017, le maire de Vénissieux a reconnu l'imputabilité au service de cette pathologie jusqu'au 3 août 2017 et a estimé que les arrêts de travail après cette date relevaient du congé de maladie ordinaire. Il a ensuite, par décision du 19 mars 2018, explicitement rejeté le recours gracieux de M. B... contestant la durée de la prise en charge au titre du congé de maladie imputable au service. Puis, l'intéressé a été placé en disponibilité d'office à compter du 4 août 2018 par décision du 4 septembre 2018. Par jugement n° 1803056-1807541, en date du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les deux requêtes. M. B... relève appel de ce jugement par deux requêtes n° 19LY02987 et n° 19LY02988, lesquelles concernent la situation d'un même fonctionnaire, et qui ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : /.../ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. /.../ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités

locales. /.../ ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, sauf s'il entre dans les cas prévus pour l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée limitant la période de maintien de cette rémunération. L'imputabilité au service de cette maladie est appréciée par la commission de réforme qui rend un avis ne liant pas l'autorité territoriale.

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

4. L'administration soutient que les relations difficiles entre M. B... et sa hiérarchie sont antérieures à son affectation le 1er septembre 2015 au service des locations de salles. Le rapport de la directrice " Cadre de Vie " de la commune de Vénissieux du 17 juin 2015 indiquant que M. B... ne porte pas toujours ses vêtements de sécurité ou de travail, qu'il est en retard lors de sa prise de poste et qu'il est en conflit ouvert avec un autre agent du service avec lequel il refuse de travailler. Ces comportements ont d'ailleurs conduit la collectivité à lui attribuer une notation de niveau 3 pour son évaluation annuelle de 2014 et à l'affecter sur de nouvelles fonctions, au service de location des salles. En outre, toujours selon l'administration, il ressort du rapport du 18 juillet 2016 que, dès le premier semestre 2016, M. B... a commis, à nouveau, de nombreux manquements professionnels tenant d'une part, au non-respect des horaires, du travail programmé et des procédures et d'autre part, à une insuffisance de finition et une mauvaise utilisation des matériaux. Toutefois, ces reproches, à les supposer même établis, liés à l'activité professionnelle de l'appelant, sont sans incidence sur l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été placé en congé de maladie imputable au service à compter du 27 mai 2016 en raison d'une pathologie dépressive, formée par un état de souffrance psychologique au travail, en lien avec des relations conflictuelles qu'il entretenait avec un de ses supérieurs entre le mois septembre 2015 et le mois mai 2016. Le certificat du docteur Dureau, médecin généraliste de M. B..., du 30 mars 2018 fait état également " d'une souffrance morale...du fait d'une gestion RH sur un mode conflictuel et l'absence de prise en compte de sa pathologie par son administration... ". Le certificat du même médecin du 5 septembre 2018 précise que " l'intéressé présente cet état dans le cadre d'une maladie contractée en service avec des procédures administratives non bienveillantes qui le mettent en insécurité...et qu'une hospitalisation lui permettrait d'échapper à son milieu actuel et de retrouver son jugement en dehors de toutes les pressions reçues... ". En outre, l'expertise du 31 août 2018 du docteur Balais, expert-psychiatre désigné en référé par le tribunal administratif indique que : " Selon l'intéressé, les signes cliniques semblent plutôt stables, mais il évoque une amélioration symptomatique, qui remonterait à environ un mois, et qu'il relie à l'absence de courrier de la ville qu'il ressent comme des manifestations de harcèlement...M. B... ne sort que très peu...et il ne conduit plus depuis le début des arrêts de travail, en raison du traitement et du risque de rencontrer des personnels de mairie... ". Cette même expertise précise : " En somme, il est possible de distinguer deux phases : une première du 27 mai 2016 au 03 août 2017 entièrement imputable, puis une seconde allant du 04 août 2017 à la date de consolidation, partiellement imputable. ". La commune de Vénissieux n'établit, ni même n'allègue, l'existence de circonstances particulières conduisant à détacher du service la maladie de M. B..., qui n'avait aucun antécédent dépressif. Dans ces conditions, M. B..., qui démontre le lien direct de sa maladie survenue lors de l'exercice de ses fonctions, est fondé à soutenir qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, le maire de Vénissieux a méconnu les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

6. La décision du maire de Vénissieux du 12 décembre 2017 reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie, en tant qu'elle limite la prise en charge afférente au 3 août 2017, étant ainsi entachée d'illégalité, la décision du 4 septembre 2018 le plaçant en disponibilité d'office, à compter du 4 août 2018, doit également, par voie de conséquence, être annulée.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions litigieuses.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Vénissieux. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803056 et 1807541 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 et les décisions du 12 décembre 2017 et 4 septembre 2018 sont annulés.

Article 2 : La commune de Vénissieux versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Vénissieux présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Vénissieux.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme D... G..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N°s 19LY02987-19LY02988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19LY02987
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RENOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;19ly02987 ?
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