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10/06/2021 | FRANCE | N°20LY03793

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20LY03793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie de Les Vans (Ardèche).

Par un jugement n° 2002214 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
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Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie de Les Vans (Ardèche).

Par un jugement n° 2002214 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2020 et 13 avril 2021, Mme A..., représentée par Me B..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2002214 du 18 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle dispose d'éléments précis permettant de justifier que la rupture de la communauté de vie avec son époux a pour seule origine les violences qui lui ont été imposées par ce dernier ; le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour ;

- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de se présenter à la brigade de gendarmerie une fois par semaine est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2021, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les observations de Me C..., représentant Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 16 juin 1996, de nationalité burkinabè, s'est mariée, le 15 mars 2018 avec un Français. Elle est entrée en France le 24 mai 2018 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour valable du 15 mai 2018 au 15 mai 2019, en qualité de conjointe de français. Par décisions du 26 novembre 2019, le préfet de l'Ardèche, après avoir constaté que la communauté de vie entre les époux, qui ont divorcé le 23 mai 2019, avait cessé, a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter à la brigade de gendarmerie de Les Vans (Ardèche) une fois par semaine. Mme A... relève appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision contestée vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet a mentionné les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. De même, la décision contestée expose des éléments suffisants sur sa situation personnelle en relevant que l'intéressée, de nationalité burkinabè, née le 16 juin 1996, a épousé un ressortissant français, le 15 mars 2018, qu'elle a indiqué que la communauté de vie était rompue depuis octobre 2018, que le divorce avait été prononcé, le 23 mai 2019 et qu'en dépit du dépôt de plainte déposée à l'encontre de son ex-époux, aucune violence conjugale n'était établie. Enfin, la décision en litige précise que Mme A... ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée à sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de l'Ardèche a procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'intéressée. Le moyen manque, donc, en fait.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code précise que : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement (...) ".

6. Mme A... soutient avoir subi des violences conjugales à l'origine de la rupture de la communauté de vie avec son époux. Toutefois, si elle a déposé une plainte contre son époux le 31 octobre 2018 pour violences conjugales, et si elle se prévaut d'une attestation datée du 14 mars 2019 établie par une infirmière spécialisée en psychiatrie ainsi que d'une autre attestation établie le 6 mars 2019 par une psychologue clinicienne évoquant l'existence d'un trouble de stress post-traumatique qui serait en lien avec des violences et maltraitances notamment sexuelles, ces éléments peu circonstanciés ne permettent d'établir ni la réalité et la gravité des violences subies par Mme A... ni, en l'absence de toute précision sur la date et les conditions dans lesquelles la vie conjugale a cessé, que celle-ci aurait été rompue en raison des violences alléguées . Par suite, en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressée, le préfet de l'Ardèche n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 31311 et L. 31312 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas plus entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 24 mai 2018 à l'âge de 23 ans. Le divorce avec son époux français a été prononcé le 23 mai 2019 et aucun enfant n'est issu de cette union. La requérante n'établit pas qu'elle serait isolée au Burkina-Faso. Si elle fait valoir qu'elle bénéficie d'un hébergement stable, d'un soutien tant matériel que psychologique, qu'elle a occupé un emploi dès le mois de janvier 2019 et a obtenu un contrat " parcours d'accompagnement contractualisé vers l'emploi et l'autonomie " à partir du 4 mars 2019, où elle donne parfaite satisfaction et s'est ainsi vu proposer un emploi au sein de l'Hôtel de l'Europe sous couvert d'un contrat à durée indéterminée en qualité de cuisinière à l'issue de sa formation, ces seules circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet de l'Ardèche a obligé l'intéressée à quitter le territoire français ne porte pas, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnait dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

Sur la légalité de la décision obligeant Mme A... à se présenter à la brigade de gendarmerie de Les Vans (Ardèche) une fois par semaine :

11. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, de celle portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de renvoi, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision astreignant Mme A... se présenter à la brigade de gendarmerie de Les Vans une fois par semaine doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) ". Aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. ". Bien que distincte, l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une décision concourant à la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.

13. La décision en litige vise l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qui contrairement à ce que soutient la requérante, comporte les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

14. En dernier lieu, la requérante soutient que l'obligation de se présenter une fois par semaine auprès des services de gendarmerie de Les Vans n'est pas adaptée à sa situation dès lors qu'elle justifie d'une adresse et d'un emploi stables ainsi que de garanties de représentation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de cette mesure seraient disproportionnées ou entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne s'agit pour l'administration que de s'assurer de l'accomplissement des préparatifs de son départ.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2020.

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N° 20LY03793

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03793
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;20ly03793 ?
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