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10/06/2021 | FRANCE | N°20LY03607

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20LY03607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions implicites refusant de l'assigner à résidence avec droit au travail et de lui délivrer un titre de séjour, nées du silence conservé sur ses demandes du 8 octobre 2018, la décision implicite lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, née du silence conservé sur sa demande du 28 juin 2019, ainsi que les décisions expresses du 3 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de s

jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions implicites refusant de l'assigner à résidence avec droit au travail et de lui délivrer un titre de séjour, nées du silence conservé sur ses demandes du 8 octobre 2018, la décision implicite lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, née du silence conservé sur sa demande du 28 juin 2019, ainsi que les décisions expresses du 3 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1909142 du 9 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2020, M. C..., représenté par Me Couderc, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 septembre 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et rejetant la demande d'assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à cette autorité de l'assigner à résidence avec droit au travail dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas été expressément statué sur sa demande d'assignation à résidence et ce refus implicite est entaché d'un défaut de motivation ; il méconnaît également l'autorité de chose jugée par le jugement du 23 mai 2018 ;

- il n'a toujours pas trouvé de pays susceptible de l'admettre, ce qui justifie qu'il soit assigné à résidence et le préfet a méconnu l'article L. 561-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de l'assigner à résidence méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les observations de Me B..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né à Moscou en 1990 est entré irrégulièrement en France, le 30 mai 2011. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 26 septembre 2012. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 15 mai 2013. Le 25 juin 2013 il a fait l'objet de refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif, le 25 février 2014, puis par la cour, le 8 janvier 2015. Le 30 juin 2014, il a fait l'objet d'un nouveau refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif, le 3 février 2015 et le 17 mars 2016, la cour a annulé la décision fixant le pays de renvoi. Le 7 juin 2016, il a fait l'objet d'un nouveau refus de titre de séjour et d'un refus d'assignation à résidence. Le 23 mai 2018, le tribunal administratif a confirmé le refus de titre de séjour et annulé le refus d'assignation à résidence. Le 17 janvier 2019, la cour a confirmé le refus de titre de séjour. Par décision du 14 juin 2018, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride. Le 8 octobre 2018, il a demandé au préfet de statuer sur sa demande d'assignation à résidence en exécution du jugement du 23 mai précédent, et a également formé une nouvelle demande de titre de séjour. Le 5 juillet 2019, il a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour. Par décisions du 3 décembre 2019 qui se sont substituées aux rejets implicites de ses précédentes demandes, le préfet du Rhône a expressément rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 9 septembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. C... soutient qu'il réside en France depuis 2011, qu'il justifie d'une bonne intégration et se prévaut de la présence dans ce pays de sa compagne, de nationalité azerbaïdjanaise et de leurs deux enfants mineurs ainsi que de celle de sa mère qui bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Toutefois, il n'est pas établi que la vie familiale de l'appelant ne pourrait se poursuivre en Arménie ou en Russie, pays dans lesquels il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans, alors que par une décision du 14 juin 2018, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride. Il n'est pas plus établi que la vie familiale ne pourrait se poursuivre en Azerbaïdjan, pays dont sa compagne a la nationalité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'appelant ou celui de sa mère nécessitent qu'il soit présent en France. Dans ces conditions, et compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu de ce fait, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée était, à la date de son édiction, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

5. En se prévalant des mêmes faits que ceux qui ont été exposés précédemment, le requérant ne fait pas état d'éléments permettant d'estimer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Russie, en Arménie ou en Azerbaïdjan. Par suite, la décision en litige n'a pas pour conséquence de séparer les enfants mineurs de leurs parents ou de l'un d'entre eux. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le refus de titre de séjour opposé au requérant n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de 1'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le refus de titre de séjour opposé au requérant ainsi que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ne sont pas entachés d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité desdites décisions ne peut être accueillie.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

12. Si le requérant soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie, du fait des origines azéries de sa mère, il n'apporte toutefois pas à l'instance d'élément probant de nature à en établir la réalité. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité du refus d'assignation à résidence avec droit au travail :

13. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (...) ".

14. En premier lieu, il ressort des motifs des décisions attaquées du 3 décembre 2019 que le préfet du Rhône, après avoir examiné la situation de l'intéressé, a expressément indiqué qu'il n'y avait pas lieu de l'assigner à résidence. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a expressément refusé de l'assigner à résidence. De plus, en prenant cette décision de refus qui est suffisamment motivée, le préfet a procédé à l'exécution du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus implicite de l'assigner à résidence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la chose jugée doit être écarté.

15. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, par une décision du 14 juin 2018, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître la qualité d'apatride au requérant. Ce dernier ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Arménie, ou en Azerbaïdjan, pays dont sa compagne a la nationalité. Par suite, en refusant de l'assigner à résidence, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de 1'enfant doivent être écartés.

17. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé, par les moyens invoqués pour ce qui concerne le pays de renvoi, à demander l'annulation des décisions du 3 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a refusé de l'assigner à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

2

N° 20LY03607

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03607
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-05-01 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides. Qualité d`apatride.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;20ly03607 ?
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