La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2021 | FRANCE | N°20LY03606

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20LY03606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.

Par un jugement n° 1908902 du 9 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoire enregistrés les 7 décembre 2020, 19 avril 2021 et 7 mai 2021, M. D..., re

présenté par Me Couderc, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.

Par un jugement n° 1908902 du 9 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoire enregistrés les 7 décembre 2020, 19 avril 2021 et 7 mai 2021, M. D..., représenté par Me Couderc, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à l'OFPRA de lui reconnaître la qualité d'apatride, dans un délai de deux mois, à compter de l'arrêt à intervenir ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande d'apatridie, dans les mêmes conditions de délais ;

4°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû mettre en oeuvre son pouvoir d'instruction en demandant à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, une copie de la traduction officielle de la loi arménienne ainsi que du compte-rendu d'entretien ;

- le tribunal a procédé à une analyse erronée des éléments des moyens de droit et à une dénaturation des pièces du dossier ;

- il ne reprend pas en appel, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse ;

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- afin de garantir le respect des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de l'égalité des armes, le juge devra demander la communication de la traduction officielle de la loi arménienne, ainsi que le compte-rendu de son entretien ;

- il ne peut se revendiquer de la loi de nationalité arménienne ;

- en tout état de cause, il a effectué des démarches vaines et répétées aux fins de revendiquer auprès des autorités compétentes cette nationalité arménienne.

Par un mémoire enregistré le 28 avril 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides représenté par Me A... conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative au statut des apatrides, signée à New York le 28 septembre 1954 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les observations de Me C..., représentant M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né à Moscou en 1990 est entré irrégulièrement en France, le 30 mai 2011. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 26 septembre 2012. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 15 mai 2013. Le 25 juin 2013 et le 30 juin 2014, il a successivement fait l'objet de refus de titre de séjour, assortis d'obligations de quitter le territoire français. Le 23 mai 2015, il a sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride. Par décision du 14 juin 2018, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. M. D... relève appel du jugement du 9 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Le cas échéant, il revient au juge de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments utiles de nature à lui permettre de former sa conviction. En l'espèce, le tribunal, qui disposait de tous les éléments nécessaires afin de trancher le litige, n'a pas méconnu son office en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs généraux d'instruction afin de solliciter de l'OFPRA, notamment, la production d'une traduction officielle de la loi arménienne et du compte-rendu d'entretien de l'intéressé. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de faire usage de leur pouvoir d'instruction sur ces points, les premiers juges aurait méconnu le principe d'" égalité des armes " garanti par les stipulations de l'article 61 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. En second lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient procédé à une analyse erronée des éléments des moyens de droit et à une dénaturation des pièces du dossier, qui relèvent de l'office du juge de cassation et non de celui du juge de l'appel, ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 812-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides notifie par écrit sa décision au demandeur du statut d'apatride. Toute décision de rejet est motivée en fait et en droit (...) ".

5. La décision attaquée vise les articles L. 8121 et suivants et R. 812-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 1er paragraphe 1er de la convention de New-York et énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure M. D... de discuter les motifs de cette décision et permettre au juge de vérifier que l'OFPRA a procédé à un examen de la situation particulière de l'intéressé au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et notamment du compte-rendu d'entretien de l'intéressé produit à l'instance à la demande de la cour, que le directeur général de l'OFPRA n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. D....

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 812-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1 (...) ". Il incombe à toute personne se prévalant de cette qualité d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle devrait pouvoir se prévaloir a refusé de donner suite à ses démarches.

8. Pour refuser de reconnaître la qualité d'apatride à M. D..., le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'est fondé sur le motif tiré de ce que les explications de l'intéressé, insuffisamment précises, n'ont pas permis d'établir la réalité de son parcours. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des faits retenus par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 4 juin 2015, que le récit de M. D... est suffisamment établi. Dès lors, le premier motif de la décision attaquée est entaché d'erreur de fait.

9. Pour refuser de reconnaître la qualité d'apatride à M. D..., le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'est également fondé sur le fait qu'il entrait dans les prévisions de l'article 10 ou de l'article 13 de la loi arménienne sur la nationalité du 24 novembre 1995 et qu'il n'avait pu justifier de démarches répétées et assidues pour obtenir la nationalité arménienne. En dépit de la demande de la cour en ce sens, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pu produire la traduction française des dispositions de la loi arménienne sur lesquelles il s'est fondé alors qu'elle était indispensable pour apprécier le bien-fondé des motifs ainsi retenus et contestés par l'intéressé. Dès lors, le deuxième motif de la décision attaquée est entaché d'erreur de fait et entaché d'erreur de droit au regard, d'une part de la proximité lexicale des termes d'acquisition de nationalité, de reconnaissance de nationalité et de naturalisation, et d'autre part, de leur différence de portée juridique.

10. Il incombe néanmoins au requérant d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, les autorités arméniennes auraient refusé de donner suite à ses démarches, tendant à la reconnaissance de cette nationalité. M. D... fait valoir que le 13 août 2013, il a adressé une demande de reconnaissance de nationalité à l'ambassade d'Arménie et qu'il a été indiqué oralement à son conseil qu'il n'y aurait pas de réponse officielle. Il ajoute qu'à la suite d'une deuxième demande, le consulat arménien lui a répondu, le 29 octobre 2019, qu'il n'existait pas d'information concernant sa citoyenneté et qu'il n'avait jamais eu de passeport de la République d'Arménie. Enfin, le requérant se prévaut d'une nouvelle demande adressée aux autorités arméniennes, le 22 novembre 2019, soit plus d'un an après la décision litigieuse. En se bornant à faire état de ces éléments, le requérant ne peut être regardé comme ayant accompli des démarches sérieuses et suivies auprès des autorités arméniennes lesquelles, en ne se prononçant pas sur sa nationalité, ne lui ont pas, de ce seul fait, refusé l'octroi de la nationalité arménienne. Il ressort des pièces du dossier que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce dernier motif. Dans ces conditions, c'est à bon droit, que par la décision en litige, il a refusé de reconnaître à M. D..., la qualité d'apatride.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

2

N° 20LY03606

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03606
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-05-01 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides. Qualité d`apatride.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;20ly03606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award