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10/06/2021 | FRANCE | N°20LY03122

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20LY03122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000464 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 27 décembre 2019 du préfet de la Haute-Loire.

Pro

cédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 octobre 2020 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000464 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 27 décembre 2019 du préfet de la Haute-Loire.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 octobre 2020 et le 5 mai 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le préfet de la Haute-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- la fille mineure de Mme A... peut effectivement bénéficier en Albanie d'un traitement approprié à son état de santé ;

- le tribunal a méconnu son office, et commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur d'appréciation en ne tenant pas compte de la présomption simple de disponibilité du traitement résultant de l'avis médical du collège de médecins et en s'abstenant d'examiner contradictoirement les écritures des parties quant à la disponibilité d'un traitement en Albanie ;

- c'est à tort que le tribunal a exigé qu'une prise en charge soit possible dans des conditions équivalentes, alors que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exige qu'un traitement approprié ;

- c'est à tort que le tribunal s'est exclusivement fondé sur l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant pour annuler l'arrêté attaqué, alors qu'il lui appartenait d'examiner à titre principal la légalité de sa décision au regard de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire usage de ses pouvoirs d'injonction pour régler le litige ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas l'article 3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de séparation de la cellule familiale ou d'arrêt de la prise en charge médicale, dès lors qu'il a pour seule conséquence une poursuite des soins dans le pays d'origine, où existe un traitement approprié ;

- la mesure d'éloignement était assortie d'un délai de départ volontaire permettant d'anticiper la reprise des soins en Albanie ;

- pour le surplus, il est renvoyé aux écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, Mme A..., représentée par la Selarl Marielle Olivier-Dovy Avocat, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la décision relative au séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu l'article L. 311-12 et le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision relative au séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante d'Albanie née le 1er août 1981, est entrée le 23 avril 2017 en France, où sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée le 1er décembre 2017. Mme A... et son époux ont bénéficié, à compter du 6 avril 2018, d'une autorisation provisoire de séjour, renouvelée jusqu'au 7 avril 2019, en raison de l'état de santé de leur fille Sara, née le 21 avril 2007. Par un arrêté du 27 décembre 2019, le préfet de la Haute-Loire, après avoir refusé de renouveler cette autorisation provisoire de séjour, a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français sur le fondement du 5° et du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a fixé l'Albanie comme pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Le préfet de la Haute-Loire demande à la cour d'annuler le jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants.

3. Il ressort des pièces du dossier que Sara est atteinte d'une maladie génétique dénommée " syndrome Kabuki " à l'origine d'une malformation cardiaque déjà opérée, d'une surdité mixte récemment appareillée, d'une déficience intellectuelle modérée et de troubles moteurs, nécessitant un suivi cardiologique ambulatoire, un suivi de son appareillage auditif, ainsi qu'une prise en charge en psychomotricité, kinésithérapie et orthophonie, et justifiant une scolarisation adaptée en institut médico-éducatif. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 3 septembre 2019 dont le préfet s'est approprié les termes, que l'enfant pouvait toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie. Il ressort des pièces produites tardivement par le préfet en première instance et reprises en appel que la prise en charge pluridisciplinaire dont bénéficie Sara est possible en Albanie, de même qu'une scolarisation en établissement adapté, sans qu'il soit allégué qu'elle ne pourrait effectivement en bénéficier compte tenu des particularités de sa situation personnelle. Ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par l'opinion contraire, non assortie d'éléments circonstanciés, émise par le médecin ayant établi le diagnostic de l'enfant et par un médecin généraliste. Aucun élément circonstancié versé aux débats ne permet davantage de considérer que d'éventuels futurs troubles endocriniens, immunitaires ou épileptiques ne pourraient être diagnostiqués en Albanie. La décision de refus d'autorisation provisoire de séjour n'ayant pas pour effet de séparer l'enfant de sa famille, dont l'implication aux côtés de Sara est saluée par le corps médical, le préfet de Haute-Loire est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement déféré, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler son arrêté du 27 décembre 2019.

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les articles L. 311-12 et L. 313-11 (11°), ainsi les 5° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte toutes les considérations de fait, relatives en particulier à l'état de santé de l'enfant, qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui renvoient au 11° de l'article L. 313-11 du même code et permettent la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au parent d'un enfant étranger mineur en raison de l'état de santé de ce dernier, doit être écarté pour les motifs exposés au point 3 du présent arrêt.

7. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté attaqué, des stipulations des articles 3-2, 23 et 24 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui sont dépourvues d'effet direct en droit interne.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 27 décembre 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B... épouse A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

2

N° 20LY03122

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03122
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : OLIVIER-DOVY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;20ly03122 ?
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