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10/06/2021 | FRANCE | N°20LY00235

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20LY00235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle le maire de Daix a exercé le droit de préemption sur la propriété cadastrée AH 327, 339, 426, 427, 429, 431, 432 et 435, d'une contenance totale de 8 130 m² sise 2 place du Marronnier à Daix, au prix de 800 000 euros, ensemble la décision du 17 septembre 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802784 du 31 octob

re 2019, le tribunal administratif de Dijon a, dans un article 1er, annulé l'arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle le maire de Daix a exercé le droit de préemption sur la propriété cadastrée AH 327, 339, 426, 427, 429, 431, 432 et 435, d'une contenance totale de 8 130 m² sise 2 place du Marronnier à Daix, au prix de 800 000 euros, ensemble la décision du 17 septembre 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802784 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Dijon a, dans un article 1er, annulé l'arrêté du maire de Daix du 6 juillet 2018 portant exercice du droit de préemption urbain sur la propriété située 2 place du Marronnier à Daix et la décision du 17 septembre 2018 portant rejet du recours gracieux et, dans un article 2, enjoint à la commune de Daix de proposer aux consorts A..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, la cession de la propriété susvisée au prix de 1 129 400 euros, à défaut de réponse de leur part, aux acquéreurs évincés dans les conditions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier 2020 et 16 décembre 2020, la commune de Daix, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 et de rejeter la demande présentée par les sociétés CR21 et RTI devant le tribunal ;

2°) de supprimer le paragraphe figurant en page 8 du mémoire en défense des sociétés CR21 et RTI commençant par " la commune de Daix démontre ainsi que l'unique objectif... " et se terminant par les mots " ...sa revente à un particulier fortuné " en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge des sociétés CR21 et RTI une somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 6 juillet 2018 en litige est justifiée par la politique locale de l'habitat et une opération de renouvellement urbain prévoyant une densité limitée dans le secteur à enjeux que constitue la place du Marronnier et ses alentours, exprimés dans le Plan d'aménagement et de développement durable (PADD) et le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ainsi que la délibération de son conseil municipal du 12 avril 2018 ;

- les moyens soulevés par les sociétés CR21 et RTI devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2020, les sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières, représentées par Me D..., concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la commune de Daix la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- la décision du 6 juillet 2018 litigieuse est entachée d'incompétence dès lors que le maire de la commune n'avait pas reçu délégation du président de Dijon Métropole pour exercer le droit de préemption urbain ;

- cette décision ne fait pas état d'un projet préalablement identifié dans le secteur en cause répondant aux exigences de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Une ordonnance du 30 novembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 31 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la commune de Daix et de Me D... pour les sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 6 juillet 2018, le maire de Daix a notifié aux consorts A... et aux sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières, parties à la vente d'une propriété d'une superficie de 8 130 m² située au 2 place du Marronnier à Daix appartenant aux consorts A... dont le prix a été fixé à 1 150 000 euros et la déclaration d'intention d'aliéner notifiée à la commune le 7 mai 2018, sa décision de préempter le bien susvisé au prix de 800 000 euros. La commune de Daix relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 6 juillet 2018, ainsi que la décision de son maire du 17 septembre 2018 rejetant le recours gracieux des sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de préemption en litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

4. La décision du 6 juillet 2018 du maire de Daix est motivée par la réalisation d'une opération de renouvellement urbain à vocation principale d'habitat de faible densité sur le secteur à enjeu que constitue la place du Marronnier, destinée à accueillir, en priorité des logements pour seniors ou personnes à mobilité réduite mais aussi de créer des liaisons piétonnes notamment pour rejoindre les équipements collectifs, le coeur de village ou les autres quartiers. La décision mentionne que cette opération participe également de la mise en oeuvre de la politique locale de l'habitat du Programme Local de l'Habitat (PLH) de la métropole de Dijon en ce qu'elle permettrait la création de logements pavillonnaires, en déficit sur le territoire communal. S'il est constant et s'il ressort du PADD du PLU de la commune que le secteur en cause est un secteur à enjeux, dans lequel la commune souhaite maîtriser l'évolution du tissu urbain en raison de la grande qualité du secteur, représentatif du coeur traditionnel du village de Daix, le rapport de présentation du PLU indique que, concernant le secteur bâti entre la ZAC Les Clos et la place du Marronnier, où se situe la propriété en cause, maintenue en zone urbaine au PLU, " aucun projet spécifique n'est attendu pour le moment mais ce secteur a tout de même été comptabilisé dans les capacités de création de logements du PLU par renouvellement urbain. " Il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier que les documents d'urbanisme en vigueur, ou la délibération du 12 avril 2018 à laquelle la commune fait référence, auraient envisagé sur le secteur concerné la construction de logements et notamment de logements à destination des seniors ou des personnes à mobilité réduite ni d'y créer des liaisons piétonnes précisément identifiées. Si la commune se prévaut d'un document de travail intitulé " programme d'orientations et d'actions - habitat " du 23 janvier 2018 élaboré dans le cadre du futur PLUi de Dijon Métropole mentionnant que, concernant le site Clos/Fontaine, est proposé la délimitation d'un secteur de projet assorti d'une orientation d'aménagement et de programmation encadrant la production de logements et le maintien des continuités végétales, ce document ne constitue qu'un document de travail et aucun des documents présentés par la commune de Daix ne permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action entrant dans le champ de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme pour la réalisation de laquelle le droit de préemption de la commune a été exercé. Dans ces conditions, et alors même que l'absence de délibération du conseil municipal sur la réalité de l'action ou de l'opération d'aménagement ainsi visés ne suffit pas à dénier à la commune la justification de l'exercice du droit de préemption, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Daix justifie, à la date de décision litigieuse, d'une telle action ou opération permettant la mise en oeuvre du droit de préemption. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la réalité du projet justifiant la préemption n'est pas démontrée.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Daix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté de son maire du 6 juillet 2018 portant exercice du droit de préemption urbain sur la propriété située 2 place du Marronnier à Daix et la décision du 17 septembre 2018 portant rejet du recours gracieux des sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières et lui a enjoint de proposer aux consorts A..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, la cession de la propriété susvisée au prix de 1 129 400 euros, à défaut de réponse de leur part, aux acquéreurs évincés dans les conditions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

6. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Le passage du mémoire présenté par les société CR21 et Rénovation et transactions immobilières, le 19 novembre 2020, dont la commune de Daix demande la suppression en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, ne peut être regardé comme injurieux ou diffamatoire. Il n'y a pas lieu, par suite, de faire droit à la demande tendant à ce que leur suppression soit ordonnée.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés CR21 et Rénovation et transactions immobilières, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Daix réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

8. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Daix une somme de 1 000 euros à verser à la société CR21 et une somme de 1 000 euros à verser à la société Rénovation et transactions immobilières au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Daix est rejetée.

Article 2 : La commune de Daix versera aux société CR21 et RTI une somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Daix, aux consorts A... et aux sociétés CR21 et RTI.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

2

N° 20LY00235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY00235
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

68-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;20ly00235 ?
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