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03/06/2021 | FRANCE | N°19LY04525

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 juin 2021, 19LY04525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la restitution, à hauteur de 160 831 euros, de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1701880 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, et un mémoire non communiqu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la restitution, à hauteur de 160 831 euros, de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1701880 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, et un mémoire non communiqué, enregistré le 27 avril 2021, le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, à hauteur de 160 831 euros, majorée des intérêts moratoires, de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château soutient que :

- l'ensemble du personnel travaillant dans son service de restauration est dans l'obligation, pour les nécessités du service, d'y prendre ses repas ; il pouvait donc prétendre à être exonéré d'une fraction de la taxe sur les salaires afférente à leur rémunération en application de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TPS-TS-20-20, et est en droit d'obtenir la restitution de la somme de 1 811 euros au titre de l'année 2013 ;

- il ne conteste pas le fait que l'article 231 bis N du code général des impôts ne vise pas les contrats d'apprentissage ; il maintient néanmoins sa demande relative à l'exonération des salaires versés en 2013 au profit de ses trois apprentis sur le fondement de l'article 231 bis I de ce code ; en tout état de cause, sont exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires toutes les sommes expressément exclues de l'assiette de la contribution sociale généralisée en application du 5° du III de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, ce qui est le cas des salaires versés au titre d'un contrat d'apprentissage au sens de l'article L. 6221-1 du code du travail ; c'est du reste ce que l'administration fiscale rappelle elle-même aux termes de sa doctrine publiée sous la référence BOI-TPS-TS-20-10 n° 70 ; ainsi, il peut prétendre à la restitution d'une somme de 2 687 euros au titre de l'année 2013 ;

- le décret n° 47-2045 du 20 octobre 1947 et l'instruction générale du 1er août 1956 définissent de manière restrictive et exhaustive les rémunérations servies aux agents publics titulaires sur lesquelles sont assises les cotisations sociales ; à défaut d'être visées par ces textes, ni par aucune autre disposition légale expresse, les primes et indemnités qu'il verse à ses agents publics titulaires ne peuvent être assimilées à des traitements compris dans l'assiette des cotisations sociales et donc dans celle de la taxe sur les salaires ;

- il ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi de financement de sécurité sociale pour 2013, de l'étude d'impact de l'article 13 ainsi que du rapport de M. C... A..., que la portée des nouvelles dispositions législatives était de faire entrer dans l'assiette de la taxe sur les salaires certaines rémunérations clairement identifiées, dont l'assujettissement à la CSG est expressément prévu par l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les moyens soulevés par le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château à l'appui de sa demande de restitution ne sont pas fondés ;

- les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le décret n° 97-661 du 28 mai 1997 :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle, à hauteur de 160 831 euros, de la cotisation de taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre de l'année 2013, assortie des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) ". Aux termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale alors en vigueur : " I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) Elle est également assise sur tous les avantages en nature ou en argent accordés aux intéressés en sus des revenus visés au premier alinéa. / Pour l'application du présent article, les traitements, salaires et toutes sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail sont évalués selon les règles fixées à l'article L. 242-1 (...) ". Aux termes de cet article L. 242-1 du même code : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire (...) ".

En ce qui concerne les rémunérations versées aux personnels de cuisine :

3. Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château soutient que deux de ses personnels, affectés dans son service de restauration, se trouvent dans l'obligation, par nécessité de service, de prendre leur repas sur place de sorte que leur rémunération ne peut être comprise, en tout ou partie, dans l'assiette de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre de l'année 2013.

4. D'une part, sur le terrain de la loi fiscale, aucune disposition du code général des impôts ne prévoit d'exonération de la taxe sur les salaires pour les rémunérations versées au personnel affecté en tout ou partie aux cuisines.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

6. Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes nos 280 et suivants de la doctrine administrative référencée BOI-TPS-TS-20-20 du 26 novembre 2012 dès lors que l'imposition contestée est une imposition primitive et que le centre hospitalier appelant ne peut être regardé comme ayant fait, dans sa déclaration, application des prescriptions de cette doctrine.

En ce qui concerne les rémunérations versées aux apprentis :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement (...) ". Aux termes du III de l'article L. 136-2 du même code en vigueur à la date des impositions en litige : " Ne sont pas inclus dans l'assiette de la contribution : (...) Les salaires versés au titre des contrats conclus en application de l'article L. 6221-1 du code du travail (...) " relatif au contrat d'apprentissage.

8. D'autre part, il résulte des travaux parlementaires de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts cité au point 2 du présent arrêt, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article.

9. Il en résulte, malgré les dispositions du 3 de l'article 231 bis I du code général des impôts qui prévoient une exonération de la taxe sur les salaires sur une partie seulement du salaire versé aux apprentis dans les entreprises employant plus de dix salariés, et qui ont été incorporées dans le code général des impôts par le décret du 28 mai 1997 visé ci-dessus, que les rémunérations versées aux apprentis, qui ne sont pas incluses dans l'assiette de la contribution sociale généralisée, ne sont pas non plus incluses dans l'assiette de la taxe sur les salaires. Par suite, le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe qu'il n'est pas assujetti à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations qu'il a versées à ses trois apprentis au titre de l'année 2013. Il est par suite fondé, en application de la loi fiscale et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'application de la doctrine administrative, à demander la restitution, à hauteur de la somme non contestée de 2 687 euros, de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013.

En ce qui concerne les indemnités, primes et avantages délivrés aux agents publics titulaires :

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, le législateur a entendu, à compter du 1er janvier 2013, rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article. Les prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur mentionnées au 1 de l'article 231 du code général des impôts, lesquelles sont exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, doivent s'entendre des indemnités et allocations versées par l'employeur, pour le compte des organismes de sécurité sociale, au bénéfice des salariés à l'occasion de la survenance de risques sociaux.

11. Il en résulte que le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château n'est pas fondé à soutenir que les différentes primes et indemnités versées à ses agents public titulaires, mentionnées dans la liste qu'il a jointe à ses écritures, lesquelles sont des sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail de ces agents, des avantages en argent ou en nature et un supplément familial de traitement, doivent être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires. Le centre hospitalier spécialisé ne peut, sur ce point, utilement se prévaloir des dispositions de l'article 23 du décret n° 47-2045 du 20 octobre 1947, lequel a au demeurant été abrogé par le décret n° 85-1354 du 17 décembre 1985, qui a codifié la partie réglementaire du code de la sécurité sociale, ni de celles de l'instruction générale du 1er août 1956 relative au régime général de sécurité sociale des fonctionnaires de l'Etat, qui précisent les modalités d'application des dispositions du décret du 20 octobre 1947 relative aux cotisations sociales des fonctionnaires.

12. En second lieu, le centre hospitalier spécialisé n'est pas fondé à se prévaloir de l'étude d'impact de l'article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ni du rapport fait sur ce projet de loi au nom de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale par M. C... A..., qui ne constituent pas des interprétations d'un texte fiscal formellement admises par l'administration compétente au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur les rémunérations des apprentis et à obtenir la restitution de la taxe sur les salaires afférentes à ces sommes.

Sur les intérêts moratoires :

14. En cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal, les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont, conformément aux dispositions de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château ne fait état d'aucun litige né et actuel avec le comptable compétent pour procéder au paiement des intérêts dus sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, ses conclusions tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que le centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 2 687 euros correspondant à la taxe sur les salaires assise sur les salaires versés aux apprentis au titre de l'année 2013 est restituée au centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château.

Article 2 : Le jugement n° 1701880 du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier spécialisé d'Ainay-le-Château et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

2

N° 19LY04525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04525
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DELSOL et AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;19ly04525 ?
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