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03/06/2021 | FRANCE | N°19LY01636

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 03 juin 2021, 19LY01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon, de condamner l'État à lui verser :

- une somme de 11 320 euros en rémunération de jours de congés annuels, de jours épargnés sur son compte épargne-temps, d'heures supplémentaires, d'heures de temps compensés, d'heures de crédit férié et d'heures ARTT qu'il estime avoir été empêché de prendre avant sa démission ;

- une indemnité de 5 000 euros en réparation du pré

judice subi.

Par jugement n° 1704673 lu le 27 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon, de condamner l'État à lui verser :

- une somme de 11 320 euros en rémunération de jours de congés annuels, de jours épargnés sur son compte épargne-temps, d'heures supplémentaires, d'heures de temps compensés, d'heures de crédit férié et d'heures ARTT qu'il estime avoir été empêché de prendre avant sa démission ;

- une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par jugement n° 1704673 lu le 27 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 26 avril 2019, présentée pour M. E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1704673 lu le 27 février 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de prononcer la condamnation demandée, outre intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dès lors qu'il a été placé dans l'impossibilité absolue de récupérer, avant son départ, du fait de l'organisation du service, des heures supplémentaires, des crédits fériés, RPS et ARTT, il est en droit d'en obtenir l'indemnisation ;

- sa situation, même s'il était à l'initiative de la rupture de sa relation de travail avec son employeur, lui permettait d'obtenir, le texte de l'article 7, paragraphe 2 de la directive 2003/88 ne faisant pas de distinction quant au motif de la fin de la relation de travail, l'indemnisation de ses congés payés restants.

Par mémoire enregistré le 5 mai 2020 (non communiqué), le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;

- le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 20 juillet 2016, M. A... C..., C-314/15 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., gardien de la paix de la police nationale affecté en dernier lieu au commissariat de police de Rillieux-la-Pape, a quitté ses fonctions le 5 juillet 2015, après avoir présenté sa démission. Il a ensuite sollicité l'indemnisation de jours de congés et d'heures de travail qu'il affirmait n'avoir pas pu prendre ou récupérer avant sa démission, par un courrier du 23 janvier 2017, puis, après le rejet de sa demande par une décision du 2 mars 2017 du ministre de l'intérieur, il a saisi le tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon, aux fins de condamnation de l'État à lui verser une somme de 11 320 euros en rémunération des congés non pris et heures de travail supplémentaires non récupérées et une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non versement des sommes qu'il estimait lui être dues au titre de cette rémunération. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation d'heures et de jours non récupérés :

En ce qui concerne les heures supplémentaires :

2. Aux termes du second alinéa de l'article 22 du décret du 9 mai 1995 susvisé fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Les services accomplis au-delà de la durée hebdomadaire normale du travail sont compensés par des repos égaux ou équivalents qui doivent être accordés dans les plus courts délais compatibles avec les besoins du service, ou dans des conditions définies par décret, par un régime indemnitaire adapté ". Aux termes de l'article 1er du décret du 3 mars 2000 susvisé fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exclusion des fonctionnaires du corps de conception et de direction et du corps de commandement, peuvent, lorsqu'ils sont amenés à effectuer des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération, bénéficier d'une indemnité pour services supplémentaires ". Aux termes de l'article 113-34 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Les services supplémentaires (permanences, astreintes, rappels au service, dépassements horaires de la journée de travail ou de la vacation) effectués au-delà de la durée réglementaire de travail ouvrent droit : 1. Après prise en compte temps pour temps, à des repos égaux ou équivalents dans des conditions précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale. / Sous réserve des dispositions relatives au compte épargne-temps dans la police nationale, sous réserve également des nécessités du service, ces repos, lorsqu'ils sont attribués aux fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application, doivent être utilisés dans l'année civile au cours de laquelle ils ont été acquis. / Ceux d'entre eux qui, compte tenu des nécessités du service, n'auraient pu être pris dans le délai ainsi prescrit restent dus ; 2. Ou à une indemnisation forfaitaire dans des conditions fixées par décret. / Le paiement, en application des dispositions du décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 modifié, d'indemnités pour services supplémentaires effectués sur une période donnée, exclut toute compensation horaire au titre de cette même période (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exception de ceux appartenant au corps de conception et de direction, peuvent prétendre à une indemnisation, dès lors que les services supplémentaires qu'ils ont effectués ne sont pas susceptibles de donner lieu à récupération sous forme de repos égaux ou équivalents. L'impossibilité de récupérer de tels services supplémentaires peut être la conséquence d'une décision de l'administration, prise pour les besoins du service, ou résulter de la situation du fonctionnaire concerné, notamment de son état de santé.

4. Il ne résulte pas de l'instruction que M. E... qui avait pu, en particulier, bénéficier, suite à sa demande présentée, selon lui, le 16 avril 2015, d'un changement d'affectation, dès le 18 mai 2015, vers un service comptant des effectifs plus nombreux afin de pouvoir plus facilement prendre des récupérations, ait été placé, en raison des exigences de sa hiérarchie, dans l'impossibilité de récupérer sous forme de congés les heures supplémentaires en litige alors qu'en outre il n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité de différer la date d'effet de sa démission afin d'apurer son reliquat de repos compensateur tout en étant rémunéré sous le régime de la position normale d'activité.

En ce qui concerne les heures de crédit fériés, les repos de pénibilité spécifique et les heures d'aménagement et de réduction du temps de travail cycliques :

5. Aux termes de l'article 113-33 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale travaillant en régime cyclique bénéficient : 1. D'un crédit férié annuel, exprimé en heures, selon des modalités précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale. (...) 2. De repos de pénibilité spécifique (RPS), liée aux horaires irréguliers du travail cyclique, sous forme de temps compensés obtenus à partir de coefficients multiplicateurs (...) / (...) / Le crédit férié et les repos de pénibilité spécifique sont utilisés par les fonctionnaires attributaires dans l'année civile au titre de laquelle ils sont accordés. Ils ne peuvent être versés au compte épargne-temps. Les RPS qui, compte tenu des nécessités du service, n'auraient pu être pris dans le délai ainsi prescrit, restent dus ; 3. D'un crédit annuel d'heures ARTT, selon des modalités précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale, au nombre desquelles trois équivalents-jours, au minimum, sont indemnisés dans des conditions fixées par décret et auxquelles s'appliquent les dispositions de l'article 113-32 (alinéas 2, 3 et 4) ci-dessus du présent règlement général d'emploi (...) ".

6. Les dispositions précitées de l'article 113-33 de l'arrêté du 22 juillet 1996 font obstacle à toute indemnisation ou compensation des heures de crédit férié annuel et de repos de pénibilité spécifique qu'il appartient aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale de prendre avant le 31 décembre de l'année civile en cours et il en va de même s'agissant du crédit d'heures d'aménagement et de réduction du temps de travail (ARTT) cycliques, à l'exception des équivalents-jours dont l'indemnisation est prévue par ces dispositions dans les limites qu'elles fixent. M. E..., en se bornant à affirmer que l'organisation interne de son service jusqu'au 18 mai 2015 a rendu impossible l'utilisation de ces heures, ne démontre pas que des heures de crédit férié annuel et de repos de pénibilité spécifique n'auraient pas pu être prises dans le délai ainsi prescrit en raison des nécessités du service ou d'une faute imputable à l'administration. Il ne démontre pas davantage n'avoir pu bénéficier du crédit d'heures d'aménagement et de réduction du temps de travail cycliques ni que l'indemnisation des équivalents-jours prévue par les dispositions précitées ne lui aurait pas été accordée.

En ce qui concerne les jours épargnés sur le compte épargne-temps :

7. Il résulte des écritures d'appel de M. E... qu'au soutien de ses conclusions, reprises en appel, aux fins d'indemnisation des jours épargnés sur son compte épargne-temps dont il affirme n'avoir pu bénéficier, il ne soulève aucun moyen ni aucune critique du jugement attaqué sur ce point, en ce que les premiers juges ont considéré qu'il résultait des dispositions des articles 1er et 6 du décret du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature et de l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application de ce décret que l'agent dont le compte épargne-temps comporte un nombre de jours inférieur ou égal à vingt jours n'a droit à aucune compensation financière, alors que M. E... se prévalait de vingt jours sur son compte, et ont également considéré que les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, qui concernent les jours de congés annuels acquis au titre de l'année en cours, ne pouvaient être utilement invoquées pour solliciter l'indemnisation de jours de congés épargnés sur un compte épargne-temps.

En ce qui concerne les congés annuels :

8. Aux termes de l'article 7 de la directive susvisée du 4 novembre 2003 : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ". Aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État : " Le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par le chef de service. / Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ".

9. Si M. E... soutient qu'il résulte de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 20 juillet 2016 susvisé, qu'un travailleur qui met lui-même fin à sa relation de travail a droit à une indemnité financière s'il n'a pas pu épuiser tout ou partie de son droit au congé annuel payé, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'en raison de circonstances extérieures indépendantes de sa volonté il n'aurait pas été en mesure de bénéficier de congés annuels restant à prendre et il ne démontre pas, en particulier, que son administration aurait refusé de faire droit à une demande tendant à bénéficier des congés annuels restant avant la date d'effet de sa démission.

10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir avoir été illégalement privé d'une indemnisation d'heures supplémentaires, d'heures de crédit fériés, de repos de pénibilité spécifique, d'heures d'aménagement et de réduction du temps de travail cycliques, de jours sur son compte épargne-temps et de jours de congés annuels.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice subi :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que M. E... ne peut se prévaloir d'aucune illégalité fautive alors qu'il ne justifie pas davantage de la réalité d'un préjudice résultant du comportement de l'administration. Ses conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice qu'il affirme avoir subi doivent, dès lors, être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

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N° 19LY01636

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05 Fonctionnaires et agents publics. Positions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FURTMAIR ALEXANDRA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 03/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY01636
Numéro NOR : CETATEXT000043639499 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;19ly01636 ?
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