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03/06/2021 | FRANCE | N°19LY00424

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 03 juin 2021, 19LY00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle le directeur de l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth (ICLN) a rejeté sa demande d'avancement à l'échelon supérieur et sa demande de protection fonctionnelle ;

2°) de condamner l'ICLN à lui payer la somme de 16 054,31 euros à parfaire, outre intérêts capitalisés, en réparation de ses préjudices financier et moral ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'IC

LN, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte journalièr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle le directeur de l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth (ICLN) a rejeté sa demande d'avancement à l'échelon supérieur et sa demande de protection fonctionnelle ;

2°) de condamner l'ICLN à lui payer la somme de 16 054,31 euros à parfaire, outre intérêts capitalisés, en réparation de ses préjudices financier et moral ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'ICLN, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte journalière de 50 euros, de lui accorder la protection fonctionnelle et un avancement d'échelon, subsidiairement de réexaminer ses demandes ;

4°) de mettre à la charge de l'ICLN une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1705692 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ICLN à verser à M. B... la somme de 1 057,15 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2017 et de la capitalisation de ces intérêts au 28 avril 2018, outre la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er février 2019, M. B..., représenté par Me C... (A... et associés avocats), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2018, en tant qu'il a limité à 1 057,15 euros la condamnation de l'ICLN et a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de condamner l'ICLN à lui payer la somme de 16 054,31 euros, augmentée de 167,63 euros par mois à compter du 1er mai 2017 et des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2018 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) d'enjoindre à l'ICLN, à titre principal, de lui accorder la protection fonctionnelle et l'avancement d'échelon sollicité ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'ICLN une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus d'augmentation du traitement de M. B... est illégal ;

- l'ICLN a commis une faute, compte tenu du harcèlement moral qu'il a subi ;

- s'agissant du préjudice résultant de la promesse d'avancement non tenue, ce préjudice ne peut être limité en raison de l'avenant qu'il a été contraint de signer et s'élève à 9 345 euros, augmentés de 167,63 euros par mois à compter du 1er mai 2017.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2019 et un mémoire enregistré le 31 mars 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, représenté par Me D... (H... droit public), avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2018, en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 1 075,15 euros à M. B... ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- aucune faute tenant à l'absence d'avancement de M. B... ne saurait lui être reprochée, celui-ci ne pouvant se prévaloir de stipulations illégales de son contrat.

Par ordonnance du 16 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2020.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Temps, avocat, représentant M. B..., et de Me Bitar, avocat, représentant l'ICLN ;

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 26 avril 2017, M. B... a sollicité auprès de l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth (ICLN) le bénéfice de l'avancement prévu par son contrat et par différents courriers de l'établissement, la reconnaissance du harcèlement moral qu'il aurait subi, l'indemnisation des préjudices en résultant et le bénéfice de la protection fonctionnelle. Sa demande ayant été rejetée par décision du 26 juin 2017, il a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant aux mêmes fins, ainsi qu'à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a fait partiellement droit à sa demande, en condamnant l'ICLN à lui verser une somme de 1 057,15 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, outre une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par la voie de l'appel incident, l'ICLN demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il le condamne à verser une indemnité à M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le harcèlement moral et le refus de protection fonctionnelle :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) V.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

6. M. B... reprend le moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de ce qu'il aurait subi un harcèlement moral et que l'ICLN aurait, par suite, refusé à tort de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sans apporter aucun élément nouveau en cause d'appel. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. Par suite, aucune faute tenant à des faits constitutifs de harcèlement moral ne saurait être imputée à l'ICLN.

En ce qui concerne le refus d'avancement :

8. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour condamner l'ICLN, les premiers juges n'ont pas fait application du contrat signé par M. B... le 18 juillet 2008, mais ont retenu l'existence d'une promesse qui lui a été faite sans être ultérieurement tenue.

9. Par suite, si l'ICLN soutient à juste titre que M. B... ne peut prétendre à la mise en oeuvre des stipulations illégales de son contrat, en particulier de son article 3 qui instaure un déroulement de carrière, il ne critique pas utilement ce faisant les motifs du jugement attaqué.

10. En deuxième lieu, il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le directeur de l'ICLN s'est engagé, par courrier du 9 juillet 2013, à faire bénéficier M. B... d'un " passage (...) au 7ème échelon le 29 mars 2014 ", et, par suite, d'une augmentation de son traitement qui n'a finalement pas été appliquée. En ne respectant pas cette promesse, l'ICLN a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

11. Si M. B... a, le 14 septembre 2016, signé un avenant qui avait pour objet de régulariser son contrat concernant sa rémunération avec effets rétroactifs à compter du 1er janvier 2015, il résulte de l'instruction que, par un courrier électronique du 1er juillet 2016, la directrice des ressources humaines de l'établissement a réitéré la promesse de le faire bénéficier d'un avancement d'échelon, sous réserve de la signature de cet avenant. Ainsi présentée comme une condition à l'exécution de cette promesse, la signature de cet avenant ne saurait dès lors avoir eu pour effet d'y mettre fin. L'avancement promis n'a nullement été appliqué ultérieurement, sans que l'ICLN ne puisse utilement faire valoir que la rémunération versée après la signature de cet avenant outrepassait le traitement attaché au 7ème échelon du grade d'ingénieur hospitalier, cet avenant ayant eu pour seul objet de contractualiser une autre prime équivalente à 40 ou 45 % de son traitement qui lui était jusqu'alors accordée. Par suite, M. B... est fondé à se prévaloir d'un préjudice financier du 29 mars 2014 jusqu'à son licenciement, intervenu au mois de février 2020, nonobstant la signature de cet avenant.

12. Eu égard aux grilles indiciaires applicables aux ingénieurs hospitaliers entre mars 2014 et février 2020, en particulier aux variations d'indices majorés entre les 6ème et 7ème échelons de ce grade, et à la valeur du point d'indice applicable au cours de cette même période, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi par M. B... en évaluant à 10 000 euros le préjudice qu'il a subi entre le 29 mars 2014 et le mois de février 2020.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'ICLN n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a engagé sa responsabilité et que M. B... est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné l'ICLN à lui verser, soit portée à la somme de 10 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

14. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ".

15. La demande valant première mise en demeure ayant été notifiée au défendeur le 27 avril 2017, les intérêts au taux légal courront à compter de cette date sur la somme de 10 000 euros. En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts ayant couru sur la somme de 10 000 euros seront capitalisés au 28 avril 2018, date à laquelle est due une année échue d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. La présente décision qui engage la responsabilité de l'ICLN n'appelle aucune autre mesure d'exécution que le versement de la somme d'argent mise à la charge de celui-ci. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'ICLN. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros à verser à M. B... en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth est condamné à verser à M. B... la somme de 10 000 euros.

Article 2 : La somme de 10 000 euros portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2017, eux-mêmes capitalisés au 28 avril 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et à l'Institut de cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme E... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

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N° 19LY00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19LY00424
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LLC ET ASSOCIES - BUREAU DE PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;19ly00424 ?
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