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01/06/2021 | FRANCE | N°19LY04387

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19LY04387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 23 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge du 20 août 2007.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, appelée à l'instance, n'a pas produit.

Par un jugement n° 1702728 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis les frais d'expertise à la char

ge définitive de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 23 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge du 20 août 2007.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, appelée à l'instance, n'a pas produit.

Par un jugement n° 1702728 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis les frais d'expertise à la charge définitive de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Grenoble à lui verser, à titre principal, la somme de 23 116 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge le 20 août 2007 et, à titre subsidiaire, la somme de 15 410,66 euros ;

3°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le diagnostic de la lésion du tendon long fléchisseur propre du gros orteil n'a pas été posé par le centre hospitalier ; l'expert a noté que la gravité de la lésion a été sous-estimée par le service des urgences et a induit un retard de diagnostic de dix jours ; le tribunal commet une erreur en estimant que la rupture en question n'était pas intervenue à ce stade ;

- la faute initiale du centre hospitalier est en relation directe et certaine avec le manque de flexion et de force du gros orteil ;

- même s'il avait accepté de faire pratiquer une chirurgie, les médecins ne pouvaient lui garantir un risque zéro ni même la certitude d'une meilleure fonctionnalité ; il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir fait pratiquer une opération ;

- si la cour retenait une part de responsabilité dans son comportement, il y aura lieu alors d'admettre que les 2/3 de ses préjudices résultent de la faute du centre hospitalier ;

Sur l'évaluation de ses préjudices :

- s'agissant des préjudices avant consolidation, son préjudice esthétique temporaire sera évalué à 1 500 euros ; son déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % sera évalué à 300 euros et son déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % sera évalué à 116 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 3 500 euros ;

- s'agissant des préjudices après consolidation, son déficit fonctionnel permanent de 5 % sera évalué à 10 000 euros ; son préjudice d'agrément sera évalué à 4 500 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 2 000 euros ; les frais d'assistance par un médecin conseil sont établis à hauteur de 1 200 euros.

Par un mémoire, enregistré le 22 juillet 2020, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'expert a clairement mis en doute l'existence d'une lésion lors de l'hospitalisation ; si des examens réalisés deux mois après l'accident ont mis en évidence l'existence d'une lésion tendineuse, M. D... n'apporte aucun élément d'ordre médical permettant d'établir de façon certaine l'existence de cette lésion au moment de son hospitalisation alors au surplus qu'il est établi que la plaie de la face plantaire s'arrêtait avant le plan tendineux ;

- en tout état de cause, M. D... n'établit pas l'existence d'un retard fautif de diagnostic ; tout retard de diagnostic n'est pas fautif ; en l'espèce, tous les examens permettant de poser un diagnostic au regard des symptômes présentés ont été réalisés ; lors de l'admission, il est précisé que l'examen clinique mentionne que mobilité et sensibilité du gros orteil sont bonnes ; lors de l'exploration de la plaie, il est fait état de ce que la visualisation du tendon fléchisseur permet de parer et fermer la plaie ; l'expert a relevé qu'aucun examen complémentaire n'était justifié ; une exploration complémentaire aurait pu avoir des effets délétères sans pour autant avoir des effets bénéfiques ; l'expert a conclu que les soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données de la science au moment des faits ;

- à titre subsidiaire et si une faute était retenue, l'attitude de M. D... en ne respectant pas les consignes a grandement participé à l'apparition de ses préjudices ; par suite, la perte de chance qui serait retenue ne pourrait être que minime ;

- à titre infiniment subsidiaire, il conviendra de ramener les indemnités sollicitées à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 août 2007, M. A... D..., né le 8 septembre 1987, a été pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Grenoble après s'être entaillé la voute plantaire du pied droit en marchant sur un morceau de verre. Après des radiographies, il a subi une exploration, un lavage et un parage de la plaie et a été autorisé à regagner son domicile avec une ordonnance lui prescrivant un traitement pour nettoyer sa plaie et changer les pansements et de revoir son médecin traitant dans un délai de dix jours pour ablation des fils. Devant la persistance des douleurs, une IRM a été pratiquée le 16 octobre 2007 et a mis en évidence la rupture complète du tendon fléchisseur de l'hallux avec rétraction tendineuse de 5,5 cm. En 2015, M. D... a consulté un chirurgien orthopédiste qui lui a précisé qu'une réparation tendineuse ne pouvait plus être effectuée. Estimant avoir été victime d'une faute lors de sa prise en charge, M. D... a d'abord sollicité l'assureur du centre hospitalier, la société hospitalière d'assurances mutuelles, et une expertise a été confiée au docteur Michel qui a déposé son rapport le 18 novembre 2015. Il a également sollicité l'organisation d'une expertise médicale auprès du tribunal administratif de Grenoble. Par une ordonnance du 28 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné le docteur Noyer, chirurgien orthopédique, en qualité d'expert. Celui-ci a remis son rapport le 17 novembre 2016. M. D... relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à l'indemniser des préjudices subis à la suite de sa prise en charge le 20 août 2007.

Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Grenoble :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) "

3. M. D... fait valoir que le diagnostic de la lésion du tendon long fléchisseur propre du gros orteil n'a pas été posé par le service des urgences du centre hospitalier et que ce retard de diagnostic est en relation directe et certaine avec le manque de flexion et de force de son gros orteil.

4. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise du docteur Michel et du docteur Noyer, que le 20 août 2007, M. D... s'est entaillé la plante du pied droit au niveau de la base du gros orteil. Transporté au centre hospitalier universitaire de Grenoble, il y a subi un examen clinique qui a retrouvé une " bonne mobilité et sensibilité des orteils du pied droit " et des radiographies qui n'ont pas mis en évidence de morceaux de verre dans la plaie. L'exploration de la plaie, réalisée sous anesthésie locale, a retrouvé, selon le compte rendu du médecin urgentiste, une plaie profonde de la face plantaire de la base du gros orteil droit s'arrêtant avant le plan tendineux.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert, le docteur Noyer, a retenu, après avoir conclu que les soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données de la science au moment des faits, que " la seule remarque à retenir est une sous-estimation par le service des urgences de la lésion du fléchisseur propre du gros orteil ". Toutefois, il a également émis un doute sur l'existence d'une telle lésion au moment de l'examen en indiquant que " le dommage actuel est en partie prévisible du fait de la non découverte de la lésion initialement, si elle existait " et en relevant que l'examen clinique pratiqué avait retrouvé une bonne mobilité et sensibilité des orteils et que la visualisation du tendon fléchisseur, lors de l'exploration de la plaie, avait permis de la parer et de la fermer.

6. Si le rapport d'expertise réalisé à la demande de la société hospitalière d'assurances mutuelles par le docteur Michel indique que " les soins fournis par le centre hospitalier de Grenoble n'ont pas été attentifs, consciencieux ni conformes aux règles de l'art " compte tenu de ce qu' " il aurait été souhaitable de réaliser une exploration en bloc opératoire de cette plaie correctement exposée, voire élargie, (...) afin de ne pas méconnaître de lésion tendineuse ou de plaie vasculo-nerveuse ", le docteur Noyer a précisé qu'il n'y avait pas lieu d'agrandir la plaie en soulignant que " les dégâts de l'incision peuvent être pires que le mal ".

7. Par suite, l'absence de diagnostic de la rupture du tendon fléchisseur du gros orteil lors de la prise en charge de M. D... par le centre hospitalier universitaire de Grenoble le 20 août 2007 ne saurait être regardée comme fautive.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

9. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 600 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 29 novembre 2016 à la charge de M. D....

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 600 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 29 novembre 2016 sont maintenus à la charge de M. D....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

2

N° 19LY04387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04387
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly04387 ?
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