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01/06/2021 | FRANCE | N°19LY03547

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19LY03547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a refusé d'indemniser le préjudice résultant de l'aggravation des conséquences d'un accident médical non fautif, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 150 039,58 euros, assortie des intérêts à compter du 13 juin 2018 et de la capitalisation des int

érêts et de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les dépens, la somme de 3 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a refusé d'indemniser le préjudice résultant de l'aggravation des conséquences d'un accident médical non fautif, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 150 039,58 euros, assortie des intérêts à compter du 13 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les dépens, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1809141 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809141 du 16 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 150 039,58 euros au titre de l'aggravation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention du 15 mars 2006, assortis des intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2018 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'aggravation de son déficit moteur central, augmentant la gêne fonctionnelle de son membre inférieur droit et entraînant une perte d'autonomie, est directement imputable à l'accident médical non fautif dont elle a été victime lors de l'intervention qu'elle a subie le 15 mars 2006 et non à son âge ;

- elle n'a pas été indemnisée au titre de la solidarité nationale pour les lésions cutanées qu'elle a développées au niveau du crâne et qui sont imputables à l'accident médical ;

- elle a droit, compte tenu de l'aggravation de son état de santé en lien avec l'accident médical, à :

* la somme de 8 451 euros du 1er janvier 2017 au 9 novembre 2017 au titre du besoin d'assistance par une tierce personne du fait de l'aggravation de la gêne fonctionnelle motrice au niveau de sa jambe droite, à raison d'1h30 par jour ;

* la somme capitalisée de 81 060,58 euros au titre de l'assistance par tierce personne à compter de la consolidation de son état de santé ;

* la somme de 34 528 euros au titre d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 29,8 % du 15 juillet 2006 au 9 novembre 2017 ;

* la somme de 8 000 euros au titre des souffrances physiques supplémentaires endurées en raison de chutes récurrentes et des souffrances morales liées à l'anxiété engendrée par la perte d'autonomie ;

* la somme de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent lié aux lésions cutanées d'origine neurologique et situées au niveau du crâne ;

* la somme de 10 000 euros au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 8,15 %.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2020, l'ONIAM, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1936, qui souffrait de douleurs névralgiques faciales depuis 2004, a subi une intervention de décompression vasculaire microchirurgicale du nerf trijumeau droit, réalisée le 15 mars 2006 aux hospices civils de Lyon. Les suites opératoires immédiates ont été marquées par la persistance de douleurs faciales, accompagnées d'une anesthésie de l'hémiface droite et d'une parésie faciale droite, ainsi que de troubles de la marche, d'une aphasie et de complications oculaires droites. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes, après avoir confié une expertise au professeur Sautreux, neurochirurgien, et au docteur Defauchy, ophtalmologue, a estimé, par un avis du 10 novembre 2015, que les séquelles oculaires et le déficit moteur incomplet du membre inférieur droit de Mme A... résultaient d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. A la suite de cet avis, Mme A... a été indemnisée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de la somme totale de 56 384,50 euros, en vertu de deux protocoles d'indemnisation transactionnelle conclus les 25 juin 2016 et 13 décembre 2016. Le 5 septembre 2017, Mme A..., faisant valoir que son état de santé s'était aggravé, a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Par un avis du 13 juin 2018, cette commission a estimé, après avoir confié aux mêmes experts une nouvelle expertise, qu'il existait une aggravation de la gêne fonctionnelle liée au déficit moteur du membre inférieur droit consécutive à l'intervention du 15 mars 2006 et qu'il appartenait à l'ONIAM d'assumer la réparation des préjudices résultant de cette aggravation ultérieure de l'état de santé de Mme A.... Par une décision du 11 octobre 2018, l'ONIAM a refusé de faire droit à cette demande d'indemnisation au motif que la détérioration du déficit moteur de Mme A... était dû à son âge et non à une aggravation de son état de santé en lien avec l'accident médical non fautif. Mme A... relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions indemnitaires dirigées contre l'ONIAM.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

2. Mme A... demande que l'ONIAM soit condamné à l'indemniser des préjudices résultant, d'une part, de l'aggravation de son état de santé depuis la conclusion des protocoles d'indemnisation transactionnelle cités au point 1 et liés à une augmentation de la gêne fonctionnelle de son membre inférieur droit et, d'autre part, du développement de lésions cutanées au niveau du crâne.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du professeur Sautreux et du docteur Defauchy du 29 septembre 2015, de l'avis rendu par la commission régionale d'indemnisation et de conciliation le 10 novembre 2015 ainsi que des protocoles transactionnels conclus les 25 juin 2016 et 13 décembre 2016, que le déficit du membre inférieur droit de Mme A..., apparu après l'intervention chirurgicale du 15 mars 2006 et entraînant une gêne à la marche, est en relation avec cette intervention et que les préjudices en résultant ont été indemnisés par l'ONIAM. Il est constant que, depuis lors, Mme A... a connu une aggravation de la gêne fonctionnelle liée au déficit de sa jambe droite. Toutefois, le professeur Sautreux et le docteur Defauchy ont estimé, dans leur rapport d'expertise du 25 avril 2018, que l'aggravation de ce déficit, qui constitue une évolution naturelle avec le temps, est liée à la fois à l'âge de la patiente, née en 1936, et à son état vasculaire antérieur, dont un examen d'imagerie par résonnance magnétique réalisé en 2005 avait déjà révélé des atteintes vasculaires séquellaires sylviennes profondes et frontales droites. Ils ont également précisé que si les troubles de la marche dont souffre Mme A... sont liés au déficit moteur de sa jambe droite consécutif à l'accident médical dont elle a été victime, ces troubles ne sont accentués qu'à cause de l'âge de l'intéressée et des troubles de l'équilibre dont elle souffre et qui sont dépourvus de lien avec le fait générateur du dommage. En outre, dans un complément du 2 mai 2018 joint au rapport d'expertise, les experts, après avoir relevé l'absence d'aggravation du déficit moteur de la jambe droite de l'intéressée, ont confirmé leur appréciation selon laquelle la gêne fonctionnelle plus importante était due à l'écoulement du temps et à l'âge de Mme A.... Est sans incidence à cet égard la circonstance avancée par l'intéressée selon laquelle elle ne souffre d'aucun déficit des autres membres. Par suite, il résulte de l'instruction, en particulier des indications fournies par les experts et rappelées ci-dessus et alors même que ceux-ci ont retenu une augmentation du déficit fonctionnel permanent lié au déficit neurologique de la jambe droite de la requérante en dépit de leurs constatations dépourvues d'ambiguïté, que l'aggravation des troubles à la marche liés au déficit moteur de la jambe droite de Mme A... ne résulte pas directement de l'accident médical non fautif dont elle a été victime.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1 (...) l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans le délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Cette offre indique l'évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit (...). L'offre a un caractère provisionnel si l'office n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'office a été informé de cette consolidation. (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ". En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

5. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise du 25 avril 2018, complétée le 2 mai suivant, que les lésions cutanées que Mme A... a développées au niveau du cuir chevelu et consécutives à l'anesthésie cutanée secondaire à l'intervention du 15 mars 2006, étaient déjà présentes lors de l'expertise diligentée en 2014 et n'ont pas connu d'aggravation depuis lors, ce que d'ailleurs Mme A... ne conteste pas. Les protocoles d'indemnisation transactionnelle des 25 juin 2016 et 13 décembre 2016 conclus entre l'ONIAM et Mme A... concernent en particulier l'indemnisation des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent ainsi que des déficits fonctionnels temporaire et permanent. Eu égard à l'absence d'ambigüité sur le sens des transactions ainsi conclues, Mme A... doit être regardée comme ayant déjà été indemnisée des préjudices résultant des lésions cutanées crâniennes en cause. Il s'ensuit qu'eu égard à l'autorité attachée à ces transactions en vertu des dispositions du code civil citées au point précédent, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnité au titre du préjudice esthétique permanent du fait de ces lésions.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. D'une part, la présente instance n'ayant pas occasionné de dépens, les conclusions de Mme A... tendant à ce que l'ONIAM soit condamné aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

8. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

2

N° 19LY03547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03547
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP SARDIN ET THELLYERE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly03547 ?
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