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01/06/2021 | FRANCE | N°19LY03385

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19LY03385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., Mme L... B... ainsi que les petits-enfants de M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon, en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. F... B..., de condamner le centre hospitalier de Joigny à leur verser la somme totale de 181 000 euros qu'ils estiment leur être due à raison du préjudice subi du fait du décès de M. F... B..., et de mettre à la charge du centre hospitalier de Joigny la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., Mme L... B... ainsi que les petits-enfants de M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon, en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. F... B..., de condamner le centre hospitalier de Joigny à leur verser la somme totale de 181 000 euros qu'ils estiment leur être due à raison du préjudice subi du fait du décès de M. F... B..., et de mettre à la charge du centre hospitalier de Joigny la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, appelée à la cause, a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Joigny à lui rembourser les prestations versées à M. F... B... pour un montant de 5 507,47 euros, sous réserve d'autres paiements non connus, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1802531 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a, premièrement, condamné le centre hospitalier de Joigny à verser aux consorts B... une somme totale de 54 000 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or une somme de 5 507,47 euros au titre de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a, deuxièmement, mis à la charge du centre hospitalier de Joigny les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés dans l'instance n° 1702349, liquidés et taxés à la somme de 1 700 euros, et, enfin, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2019 et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2019 et le 17 novembre 2020, Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., Mme K... J... et Mme A... J..., représentées par Me I..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1802531 du 28 juin 2019 en ce que le tribunal administratif de Dijon n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Joigny à leur verser la somme globale de 181 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci, à compter de la date de leur réclamation indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Joigny la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- si elles ont détaillé et invoqué de nouveaux chefs de préjudices en appel, leurs conclusions en appel n'excèdent pas la somme qui était réclamée en première instance de sorte que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Joigny n'est pas fondée ;

- le tribunal administratif a méconnu son office et commis une erreur de droit en rejetant les conclusions indemnitaires présentées pour K... et Jade J..., petites-filles de la victime, au motif qu'il n'avait pas été justifié de leur existence, sans les avoir préalablement invitées à produire de tels justificatifs ;

- l'existence d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Joigny retenue par le tribunal administratif de Dijon n'a pas été discutée dans le délai de recours de sorte que le jugement attaqué est devenu définitif sur ce point ;

- le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante des souffrances, physiques et morales, endurées par M. F... B... entre le 11 et le 20 juillet 2017, évaluées par l'expert à 6 sur une échelle de 1 à 7 et qui seront indemnisées à hauteur de 62 000 euros ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'indemniser le préjudice d'accompagnement qu'elles ont subi ;

- Mme H... B..., épouse de la victime, a droit à la somme de 30 000 euros au titre du préjudice d'affection qu'elle a subi ;

- Mme E... B... et Mme N... B..., filles de la victime, ont droit à la somme de 15 000 euros chacune au titre du préjudice d'affection qu'elles ont subi ;

- Mme K... J... et Mme A... J..., filles de Mme E... B..., avaient noué un lien affectif très fort avec leur grand-père de sorte qu'elles ont droit, chacune, à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection qu'elles ont subi ;

- Mme E... B... a droit, au titre du préjudice économique qu'elle a subi en raison de la perte de revenus du fait du décès de son père, à la somme de 42 000 euros ;

- Mme N... B..., Mme K... J... et Mme A... J... ont droit à la somme de 5 390,82 euros au titre de frais qu'elles avaient exposés pour un voyage qu'elles ont été contraintes d'annuler en raison du décès de M. C... B....

Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, représentée par Me G... O..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et, par suite, à la condamnation du centre hospitalier de Joigny à lui verser la somme de 5 507,47 euros au titre des prestations qu'elle a servies à son assuré ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Joigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la chute de M. B... au centre hospitalier de Joigny aurait pu être évitée par l'utilisation de moyens adéquats pour un patient totalement dépendant et notamment par l'usage d'un lève-malade de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier, de nature à engager la responsabilité de l'établissement de santé ;

- cette chute a été à l'origine d'un traumatisme crânien avec survenance d'un hématome intracrânien sous dural, qui a provoqué le décès de M. B... ;

- elle a droit à la somme de 5 401,69 euros au titre des frais d'hospitalisation en lien avec la faute et correspondant exclusivement au séjour hospitalier de la victime pour la période du 13 au 20 juillet 2017 ainsi qu'à la somme de 107,78 euros au titre des frais de transport.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 septembre 2020 et le 27 novembre 2020, le centre hospitalier de Joigny, représenté par Me M..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires présentées en appel à hauteur de 214 390,82 euros sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme de 181 000 euros demandée en première instance dès lors que la majoration des prétentions présentées en appel ne résulte pas d'une aggravation du dommage ou d'une révélation dans toute son ampleur postérieurement au jugement ;

- la modification par les requérantes de leurs conclusions récapitulatives, après l'expiration du délai de recours, est irrecevable ;

- le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante des souffrances endurées par M. B... ni du préjudice d'affection subi par les consorts B... ;

- Mme E... B... n'établit pas l'aide financière que son père lui aurait apportée ;

- Mme N... B... ne démontre pas qu'elle devait voyager avec ses nièces ni que les sommes invoquées au titre d'un voyage en Grèce doivent lui être remboursées.

Par une lettre du 10 mars 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tenant, d'une part, à l'irrecevabilité du moyen tiré de la méconnaissance par le tribunal administratif de son office en n'invitant pas les demandeurs à justifier de l'existence de Mme K... J... et de Mme A... J..., soulevé par les consorts B... dans un mémoire complémentaire enregistré le 22 novembre 2019, dès lors que ce moyen, ayant trait à la régularité du jugement attaqué, qui n'est pas d'ordre public, est fondé sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans la requête d'appel enregistrée le 29 août 2019 et constitue ainsi une demande nouvelle présentée après l'expiration du délai d'appel et, d'autre part, à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel par Mme K... J... et Mme A... J..., majeures à la date d'introduction de la demande présentée devant le tribunal administratif.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2021, en réponse aux moyens d'ordre public, les consorts B...-J..., indiquent, d'une part, que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a méconnu son office se rattache au bien-fondé et non à la régularité du jugement attaqué et, d'autre part, que les conclusions indemnitaires présentées pour Mmes K... et A... J... ne peuvent être regardées comme nouvelles en appel.

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2021, en réponse aux moyens d'ordre public, le centre hospitalier de Joigny indique que Mmes K... et A... J... n'étaient pas présentes à la procédure de première instance et ne sont pas recevables à demander à la cour la réparation de leurs préjudices.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me I..., représentant les consorts B...-J..., et celles de Mme N... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., né en 1944, atteint d'une sclérose en plaques diagnostiquée en 1988 et qui l'avait rendu tétraplégique, a été admis au sein du service gériatrique du centre hospitalier de Joigny à compter du 25 juillet 2016. Il a été victime d'une chute, le 11 juillet 2017, alors qu'il était transféré, par deux aides-soignantes, d'un brancard de douche vers son lit. Cette chute a occasionné un hématome intracrânien sous-dural aigu, à l'origine du décès de M. B..., survenu le 20 juillet 2017. Mme H... B..., son épouse, et Mmes E... B..., N... B... et L... B..., ses filles, ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Joigny à les indemniser des préjudices ayant résulté pour elles du décès de M. B.... Par un jugement du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a estimé que la chute dont M. B... a été victime et qui a été à l'origine directe de son décès, révélait une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Joigny et a condamné cet établissement à verser une somme globale de 54 000 euros à Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., Mme L... B... et Mme K... D..., petite-fille de la victime, ainsi qu'une somme de 5 507,47 euros au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or. Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., ainsi que Mme K... J... et Mme A... J... demandent la réformation de ce jugement en tant que le tribunal a limité à la somme de 54 000 euros le montant de l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier de Joigny à leur verser en réparation des préjudices subis.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Joigny :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué, et qui au demeurant ne sont contestés en appel ni par les requérantes, ni par le centre hospitalier de Joigny, de confirmer l'engagement de la responsabilité de cet établissement de santé à l'égard des consorts B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, en raison de la faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier tirée de ce que la chute de M. B..., à l'origine directe de son décès, aurait pu être évitée, compte tenu de l'état de tétraplégie et de dépendance totale du patient, par l'utilisation de moyens adéquats, en particulier l'usage d'un lève-malade.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. B... :

3. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que M. B..., après avoir présenté des troubles du comportement à la suite de sa chute, a été transféré dans la nuit du 12 au 13 juillet 2017 au service des urgences du centre hospitalier de Joigny, où un examen tomodensitométrique a mis en évidence l'hématome intracrânien aigu. Le 14 juillet 2017, il a présenté des troubles de l'élocution ainsi que des céphalées, de plus en plus importantes. Son état de santé s'est aggravé dans la nuit du 17 au 18 juillet 2017 avec l'apparition de somnolences, d'hyperthermie, d'encombrement pulmonaire et d'une hypertension évoquant une dégradation neurologique. A compter de cette date, il a été décidé de la mise en place de soins palliatifs, M. B... étant décédé le 20 juillet suivant. Les souffrances, tant physiques que morales, endurées par M. B..., conscient de la dégradation de son état de santé, entre sa chute, survenue le 11 juillet 2017, et son décès, ont été estimées par l'expert à 6 sur une échelle de 1 à 7. En évaluant ainsi ces souffrances à la somme de 25 000 euros, les premiers juges n'ont pas fait, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices subis par les proches de M. B... :

4. Les requérantes n'ont pas davantage précisé en appel qu'en première instance la nature des bouleversements dans leur mode de vie quotidien pendant la période de neuf jours qui s'est écoulée entre la chute de M. B... et son décès. Les appelantes ne sont, dès lors, pas fondées, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, à demander à être indemnisées du préjudice d'accompagnement qu'elles prétendent avoir subi.

Quant aux préjudices subis par Mme H... B..., Mme E... B... et Mme N... B... :

5. En premier lieu, d'une part, Mme H... B..., qui reconnaît avoir connu des difficultés conjugales avec son époux, ne justifie pas de la fréquence de ses visites à son époux depuis que celui-ci avait été placé en 2012 dans un établissement spécialisé, alors d'ailleurs que le rapport d'observation médicale du 13 juillet 2017, produit en première instance, relève, sans que cette mention soit contestée, que M. B... était " séparé " de son épouse. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient fait une inexacte appréciation du préjudice d'affection subi par Mme H... B..., à raison du décès de son époux, en fixant à 15 000 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer ce préjudice.

6. D'autre part, en revanche, il résulte de l'instruction, en particulier des attestations circonstanciées produites pour la première fois en appel, que Mme N... B... et Mme E... B... entretenaient des liens étroits avec leur père, avec lequel elles étaient en contact au quotidien. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles M. B... est décédé, il y a lieu de porter de porter la somme de 4 000 euros accordée à chacune d'elles par les premiers juges au titre du préjudice d'affection à la somme de 6 500 euros.

7. En deuxième lieu, Mme E... B... sollicite une indemnisation d'un montant de 42 000 euros au titre du préjudice économique qu'elle indique subir du fait du décès de son père et constitué par la perte de revenus qu'il lui versait, à raison de 500 euros par mois environ, pour assurer notamment le financement des études supérieures de ses deux filles. Toutefois, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier en défense, Mme B... ne justifie pas, par ses seules déclarations et sans verser d'élément précis sur l'aide financière qui lui aurait ainsi été apportée, de l'existence du préjudice financier qu'elle allègue. Dans ces conditions, Mme E... B... n'établit pas une perte de revenus liée au décès de son père.

8. En troisième lieu, Mme N... B... fait valoir qu'elle devait effectuer, avec ses nièces, Mme K... J... et Mme A... J..., un séjour en Grèce en juillet 2017, qu'elle a été contrainte d'annuler en raison du décès de son père, et qui a occasionné des frais à hauteur de 5 390,82 euros. Toutefois, Mme B... n'établit pas, ni même n'allègue, que les frais qu'elle indique avoir exposés au titre de billets d'avions, dont elle ne justifie d'ailleurs pas, de nuitées d'hôtel, de ferry et de croisière, n'auraient pas été susceptibles d'être pris en charge par une assurance spécifique ou de faire l'objet d'un remboursement, notamment sous la forme d'avoir. Par suite, alors que le centre hospitalier relève expressément que l'intéressée ne démontre pas que les sommes qu'elle invoque devraient lui être remboursées, Mme B... n'établit pas l'existence du préjudice qu'elle allègue.

Quant aux préjudices subis par Mme K... J... et Mme A... J... :

9. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. (...) ".

10. D'une part, il résulte des écritures de première instance de Mme H... B..., Mme E... B..., Mme N... B..., Mme L... B..., que celles-ci avaient demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier de Joigny à verser à chacun des trois petits-enfants du défunt, sans les citer nommément, la somme de 11 000 euros. Si les demanderesses n'avaient justifié, avant la clôture de l'instruction prononcée par le tribunal administratif, que de l'existence de l'une des petites-filles de M. B..., Mme K... D..., il appartenait au tribunal, dès lors qu'il estimait insuffisants les éléments produits, d'inviter les intéressées à préciser l'identité des autres petits-enfants de la victime pour le compte desquels une indemnité était expressément sollicitée. Le tribunal a ainsi méconnu son office.

11. D'autre part, si Mme K... J... et Mme A... J..., petites-filles de la victime et filles de Mme E... B..., étaient toutes deux majeures à la date d'introduction de la demande devant le tribunal administratif, il appartenait au tribunal d'inviter Mme E... B... à régulariser sa demande, en tant qu'elle concernait ses filles majeures, et à la faire signer par celles-ci.

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme K... J... et Mme A... J... n'établissent pas la réalité du préjudice allégué résultant de l'annulation d'un voyage en Grèce.

13. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par les petites-filles majeures de M. B... en leur allouant à chacune la somme de 3 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Joigny en tant que les conclusions indemnitaires d'appel excèdent le montant de la demande présentée devant les premiers juges, que, d'une part, Mme K... J... et Mme A... J... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande indemnitaire et à obtenir la condamnation du centre hospitalier de Joigny à leur verser la somme de 3 000 euros chacune et, d'autre part, que Mme E... B... et Mme N... B... sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a limité à 4 000 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice d'affection subi par chacune d'elle. Il y a lieu de porter cette indemnité à la somme de 6 500 euros chacune.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

15. Les consorts B...-J... ont droit aux intérêts au taux légal, même s'ils sont demandés pour la première fois en appel, sur les sommes qui leur sont dues à compter du 10 juin 2018, date de réception par le centre hospitalier de leur demande préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois dans la requête enregistrée au greffe de la cour le 29 août 2019. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

16. Il n'y a pas lieu de majorer la somme de 1 080 euros que le centre hospitalier de Joigny a été condamné par les premiers juges à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, dès lors que la somme qui lui est due au titre des débours n'est pas majorée en appel.

Sur les frais liés au litige :

17. D'une part, il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, liquidés et taxés à la somme de 1 700 euros par ordonnance du 23 mars 2018 du président de ce tribunal, à la charge définitive du centre hospitalier de Joigny.

18. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Joigny une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts B... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or à l'encontre du centre hospitalier de Joigny.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 4 000 euros que le centre hospitalier de Joigny a été condamné à verser à Mme N... B... en réparation de son préjudice d'affection est portée à la somme de 6 500 euros.

Article 2 : La somme de 4 000 euros que le centre hospitalier de Joigny a été condamné à verser à Mme E... B... en réparation de son préjudice d'affection est portée à la somme de 6 500 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Joigny est condamné à verser à Mme K... J... une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice d'affection.

Article 4 : Le centre hospitalier de Joigny est condamné à verser à Mme A... J... une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice d'affection.

Article 5 : Les sommes dues aux consorts B... porteront intérêt au taux légal à compter du 10 juin 2018. Les intérêts échus le 10 juin 2019 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 6 : Le jugement n° 1802531 du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 4 du présent arrêt.

Article 7 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Dijon, taxés et liquidés à la somme de 1 700 euros, sont laissés à la charge du centre hospitalier de Joigny.

Article 8 : Le centre hospitalier de Joigny versera aux consorts B...-J... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B..., à Mme E... B..., à Mme N... B..., à Mme K... J..., à Mme A... J..., au centre hospitalier de Joigny et à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

2

N° 19LY03385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03385
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly03385 ?
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