La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2021 | FRANCE | N°19LY03088

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ere chambre - formation a 3, 01 juin 2021, 19LY03088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de Lyon a refusé de faire droit à sa demande de changement d'usage d'un local d'habitation en local meublé de courte durée.

Par un jugement n°1802197 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 1er février 2018 et mis à la charge de la ville de Lyon une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Pro

cédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2019, et un mémoire en rép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de Lyon a refusé de faire droit à sa demande de changement d'usage d'un local d'habitation en local meublé de courte durée.

Par un jugement n°1802197 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 1er février 2018 et mis à la charge de la ville de Lyon une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 12 décembre 2019, la ville de Lyon, représentée par la Selarl Itinéraires Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif du refus opposé à M. A... était l'incomplétude de la demande, alors que la décision était fondée sur la méconnaissance de la règle de fond posée à l'article 12 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage à Lyon ; en tout état de cause, un tel vice n'aurait pas privé M. A... d'une garantie et n'aurait pas été de nature à avoir une influence sur le sens de la décision ;

- à titre subsidiaire, il y aurait lieu de substituer au motif de la décision celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage à Lyon ;

- à titre infiniment subsidiaire, il y aurait lieu de substituer au motif de la décision celui tiré de l'incomplétude de la demande, M. A... n'ayant pas adressé à la ville un règlement de copropriété ou l'accord du syndic ;

- aucun des autres moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 novembre 2019 et 26 janvier 2020, M. B... A..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit, alors que le formulaire qu'il a rempli était antérieur à la modification réglementaire issue de la délibération du 20 décembre 2017, que les premiers juges ont estimé que le motif qui lui était opposé était tiré du caractère incomplet de la demande, et de ce que le refus avait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; la méconnaissance de cette obligation l'a privé d'une garantie et a une influence sur le sens de la décision ;

- la ville de Lyon ne peut demander que soit substitué au motif de la décision celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage, qui ne peut se déduire que du caractère incomplet de la demande ;

- il a adressé, suite à la demande du service instructeur, le règlement de propriété ; au demeurant la ville de Lyon ne peut lui opposer un tel motif, dès lors qu'aucun délai ne lui a été imparti pour compléter sa demande.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 février 2021, par une ordonnance du 25 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,

- les observations de Me D... pour la ville de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acquis le 14 mars 2016 un bien d'une superficie de 90 m2 situé 4, rue de la baleine à Lyon (5ème). Le 19 décembre 2017, il a demandé au maire de Lyon son changement d'usage en vue de l'affecter à une activité de location de courte durée. Par arrêté du 1er février 2018, le maire de Lyon s'est opposé à sa demande. Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision. La ville de Lyon relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2018 :

En ce qui concerne le bien-fondé du motif retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. "

3. Pour rejeter la demande de M. A..., le maire de Lyon ne s'est pas fondé sur le caractère incomplet de sa demande, mais sur le fait qu'il ne prévoyait pas une compensation équivalente à la surface du logement affecté par le projet de changement d'usage, comme l'exigent les articles 12 et 14 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage à Lyon annexé à la délibération du 20 décembre 2017 du conseil de la métropole de Lyon. Ainsi, la demande de M. A... présentait le caractère, non pas d'une demande incomplète au sens de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, mais d'une demande contraire aux conditions réglementaires en vigueur à la date de la décision en litige alors, au demeurant, que l'intéressé avait été informé, par courrier du 27 décembre 2017, de l'entrée en vigueur de la délibération du 20 décembre 2017 prévoyant une condition de compensation. C'est par suite à tort que les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance par la ville de Lyon des dispositions citées au point précédent pour annuler l'arrêté du 1er février 2018.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté du 1er février 2018 :

S'agissant des moyens de légalité externe :

5. En premier lieu, la décision en litige a été signée par M. C... E..., adjoint à l'urbanisme et au logement, qui disposait d'une délégation à cette fin consentie par le maire de Lyon par arrêté du 20 juillet 2017 régulièrement affiché. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la maire du cinquième arrondissement a rendu un avis le 9 janvier 2018 sur la demande, conformément aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitat. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure doit être écarté.

7. En troisième lieu, la décision comprend l'exposé des motifs de droit et de fait qui la fondent, comme l'exigent les dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Elle est par suite suffisamment motivée, quand bien même elle n'indique pas le sens de l'avis rendu par la maire du cinquième arrondissement, que le maire de Lyon n'était au demeurant pas tenu de suivre.

S'agissant de l'exception d'illégalité de la délibération du 20 décembre 2017 :

8. Par une délibération du 20 décembre 2017, le conseil de la métropole de Lyon a modifié le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation à Lyon, pour prévoir, à l'article 12 de ce règlement, que : " Toute demande de changement d'usage d'un local d'habitation de plus de 60 m² de surface en meublé de courte durée est soumise à compensation dès le 1er m² quel que soit le demandeur. Les locaux d'habitation pouvant être utilisés comme compensation doivent répondre aux conditions mentionnées à l'article 14 du présent règlement. " Selon cette délibération, ces dispositions entrent en vigueur le 1er février 2018.

9. Aux termes de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause./ Elle peut également y avoir recours, sous les mêmes réserves et dans les mêmes conditions, afin d'accompagner un changement de réglementation. " Il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause.

10. La délibération du 20 décembre 2017 met en oeuvre une politique de lutte contre la pénurie de logement qui constitue un objectif d'intérêt général, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans la décision DC du 20 mars 2014 n° 2014-691. Par ailleurs, le conseil de la métropole de Lyon n'a pas entendu revenir sur les autorisations accordées, mais seulement soumettre les nouvelles demandes à une obligation de compensation équivalente dans les quartiers de l'hyper-centre de Lyon, dans tous les cas à compter de 60 m2, sous certaines conditions en deçà. Si le pouvoir réglementaire n'a reporté qu'au 1er février 2018 l'application de ces nouvelles dispositions, de sorte que certaines demandes déposées avant l'adoption de la délibération se sont vu appliquer ces nouvelles obligations, une telle situation ne prive pas les propriétaires des biens de les occuper, les vendre ou les louer conformément à leur destination initiale, ni, alors qu'ils n'avaient pas de droit au maintien de la réglementation antérieure, de les affecter à une activité de location de courte durée en assurant la compensation de ce changement d'affectation, conformément à l'objectif fixé par le pouvoir réglementaire. Dans ces conditions, en fixant au 1er février 2018 la date d'effet de cette nouvelle réglementation, le conseil de la métropole de Lyon n'a pas porté une atteinte excessive aux intérêts privés en cause.

S'agissant des autres moyens dirigés contre l'arrêté :

11. En premier lieu, toute disposition réglementaire nouvelle a en principe vocation à s'appliquer aux situations en cours, sans que puisse être invoqué un droit au maintien de la réglementation existante, sous réserve du respect du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que de nouvelles dispositions réglementaires s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur.

12. Contrairement à ce que soutient M. A..., le simple dépôt d'une demande d'autorisation, antérieurement à l'adoption de la délibération modifiant le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage, ne saurait être regardé comme instituant, à son profit, une situation juridique définitivement constituée à la date de ce dépôt. Par suite, le maire de Lyon était fondé à faire application des dispositions de l'article 12 du règlement dans sa version en vigueur à la date de sa décision et à lui opposer le fait qu'il ne justifiait pas d'une compensation au changement d'usage du bien.

13. En second lieu, la circonstance que la décision en litige, qui est fondée ainsi qu'il a été dit sur l'application de l'article 12 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage à Lyon, vise les dispositions de l'article L. 631-7-1-A du code de la construction et de l'habitation et non celles de l'article L. 613-7-1 du même code constitue une simple erreur matérielle sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

14. Il résulte de ce qui précède que la ville de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de Lyon a refusé de faire droit à la demande de changement d'usage d'un local d'habitation présentée par M. A....

Sur les frais d'instance :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Lyon au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A..., partie perdante, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Lyon et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme G... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

2

N° 19LY03088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19LY03088
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

38-01 Logement. Règles de construction, de sécurité et de salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly03088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award