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06/05/2021 | FRANCE | N°20LY00853

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 mai 2021, 20LY00853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Gold automobiles a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et du 1er avril 2011 au 31 mars 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603411 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, l'EURL Gol

d Automobiles, représentée par Me B..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Gold automobiles a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et du 1er avril 2011 au 31 mars 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603411 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, l'EURL Gold Automobiles, représentée par Me B..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EURL Gold automobiles soutenait que :

- le recours au délai de reprise spécial n'était pas justifié, l'administration fiscale n'établissant pas qu'elle ne disposait pas d'éléments lui permettant de procéder aux rectifications en cause dans le délai de reprise de droit commun et qu'elle aurait mis en oeuvre l'ensemble des procédures d'investigation dont elle disposait pour établir les insuffisances ou omissions dans le délai normal de reprise ;

- il n'est pas établi par l'administration que la SARL DH Automobiles et elle-même ne pouvaient ignorer que les sociétés espagnoles auxquelles elles achetaient des véhicules se prévalaient irrégulièrement de la qualité d'assujetti revendeur ; en l'absence de condamnation pénale définitive, son gérant est présumé innocent ;

- la preuve du manquement délibéré justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas rapportée par l'administration.

Par une ordonnance n° 18LY02931 du 7 décembre 2018, le président de la 2ème chambre de la cour administrative de Lyon a rejeté la requête de l'EURL Gold Automobiles.

Procédure devant le Conseil d'État

Par une décision n° 427812 du 17 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi de l'EURL Gold Automobiles en tant qu'elles étaient dirigées contre l'ordonnance n° 18LY02931 du 7 décembre 2018 en tant qu'elle a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et des pénalités correspondantes et n'a pas admis le surplus des conclusions du pourvoi de l'EURL Gold Automobiles.

Par une décision n° 427812 du 25 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance du 7 décembre 2018 du président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'elle a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et sur les pénalités correspondantes et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État

Par un mémoire enregistré le 2 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens de l'EURL Gold Automobile ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2021, l'EURL Gold Automobile conclut à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive du tribunal correctionnel de Nancy.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Gold Automobiles, dont M. A... D... est le gérant et l'unique associé et qui exerce une activité de négoce automobile depuis le 1er mars 2010, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, à l'issue de laquelle le vérificateur a, par proposition de rectification du 28 septembre 2015, remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par la société aux opérations d'achat et de revente de véhicules d'occasion de la période vérifiée. Par une seconde proposition de rectification du même jour, le vérificateur, faisant usage du délai spécial de reprise prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, a également remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée aux même types d'opérations au titre de la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011. Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'EURL Gold Automobile tendant à la décharge des rappels des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de ces deux périodes et des pénalités correspondantes. Par une ordonnance du 7 décembre 2018, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'EURL Gold Automobiles contre ce jugement. Par une décision n° 427812 du 17 octobre 2019, le Conseil d'Etat a admis les conclusions du pourvoi de l'EURL Gold Automobiles dirigées contre cette ordonnance en tant qu'elle a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et des pénalités correspondantes et n'a pas admis le surplus des conclusions du pourvoi. Par une décision du 25 février 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 7 décembre 2018 en tant qu'elle a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et sur les pénalités correspondantes et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon pour qu'elle y statue de nouveau.

Sur l'application du délai de reprise spécial :

2. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". La circonstance que les renseignements recueillis par l'administration fiscale, avant le début d'une instance devant les tribunaux, au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, ne pouvaient suffire à fonder les redressements correspondant aux insuffisances d'imposition qui pouvaient être présumées n'établit pas, par elle-même, que ces insuffisances doivent être nécessairement regardées comme ayant été révélées par cette instance. Pour apprécier si l'administration fiscale peut se prévaloir du délai spécial de reprise prévu par cet article, le juge doit, dès lors qu'il est saisi d'une argumentation en ce sens, rechercher si l'administration disposait, avant l'ouverture de l'instance devant les tribunaux, dans le délai normal de reprise ou même après son expiration, d'éléments suffisants pour lui permettre, par la mise en oeuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir les insuffisances ou omissions d'impositions.

3. L'EURL Gold Automobile soutient, pour la première fois en appel, que l'administration fiscale n'établit pas qu'elle ne disposait pas d'éléments qui lui auraient permis de procéder aux rectifications litigieuses dans le délai normal de reprise et qu'elle aurait mis en oeuvre l'ensemble des procédures d'investigation dont elle disposait pour établir les insuffisances ou omissions dans le délai normal de reprise.

4. L'administration peut remettre en cause l'application du régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs. Ainsi, le bénéfice de ce régime ne peut être remis en cause dans le cas d'un assujetti qui a agi de bonne foi et a pris toute mesure pouvant raisonnablement être exigée de lui pour s'assurer que l'opération qu'il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale. Pour apprécier la satisfaction de cette seconde condition, le juge peut se fonder sur un faisceau d'indices.

5. En premier lieu, selon les termes de la proposition de rectification du 28 septembre 2015 adressée à l'EURL Gold Automobile, portant sur la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011, cette société avait déjà fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er mars 2010 au 31 décembre 2010, à l'occasion de laquelle l'administration fiscale avait constaté, notamment par le biais de l'assistance administrative internationale, que l'EURL Gold Automobile achetait des véhicules auprès de sociétés espagnoles appliquant indument le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Cette proposition de rectification indique par ailleurs, sans plus d'explication, que le service ne disposait alors pas d'éléments suffisants pour prouver que la requérante ne pouvait l'ignorer.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la proposition de rectification déjà mentionnée, qu'entre le 1er mars 2010 et le mois de novembre 2010, l'EURL Gold Automobile a effectué des achats de véhicules auprès de fournisseurs espagnols ayant acquis les véhicules auprès de professionnels de l'automobile allemands, puis, qu'à compter de novembre 2010, elle a effectué des achats de véhicules auprès de la SARL DH Automobile, qui les achetait elle-même auprès de fournisseurs espagnols les ayant acquis de professionnels de l'automobile allemands et qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 30 avril 2010 au 31 janvier 2012, à l'issue de laquelle elle s'est vu réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle avait sciemment appliqué à tort le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Pour fonder les rectifications, l'administration a retenu que la SARL DH Automobile connaissait l'origine des véhicules dès lors qu'elle se chargeait des formalités nécessaires à l'obtention des certificats d'immatriculation et avait à sa disposition les certificats d'immatriculation des précédents propriétaires, qu'elle se chargeait le plus souvent elle-même du convoyage des véhicules de l'Allemagne vers la France, les véhicules ne transitant jamais par l'Etat de domiciliation de leurs fournisseurs et que cette société assurait la totalité du cycle commercial, l'interposition de la société espagnole étant tout à fait artificielle.

7. En l'espèce, reprenant l'affirmation contenue dans la proposition de rectification relative à la période en litige, le ministre soutient que c'est seulement la procédure judiciaire qui a révélé le schéma frauduleux mis en place par le gérant de l'EURL Gold Automobile. Toutefois, dans le même temps, et après avoir relevé à juste titre que la remise en cause de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'est pas subordonnée à la condamnation pénale du gérant de cette société, le ministre indique qu'un certain nombre de documents présentés lors de la vérification ne laissait aucun doute quant à la situation des véhicules au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. Il expose ensuite les différents indices relevés à cette occasion, démontrant, selon lui, la connaissance par l'EURL Gold Automobile de sa participation à un schéma frauduleux et présente les éléments obtenus dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire comme corroborant ces indices. Ce faisant, le ministre ne donne aucune précision sur le ou les indices ayant fait défaut à ses services lors de la vérification de comptabilité conduite en 2011 faisant obstacle à ce que soit établie la connaissance que l'EURL Gold avait du caractère erroné des mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs relatives au régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Dès lors, les insuffisances d'imposition concernant la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par le procès-verbal d'audition du gérant de l'EURL Gold Automobile recueilli dans le cadre d'une enquête pénale menée en 2014 et auquel l'administration a eu accès dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. Il suit de là que l'EURL Gold Automobile est fondée à soutenir que le délai de reprise spécial prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales n'était pas applicable et que les impositions établies au titre de cette période étaient atteintes par la prescription lorsqu'elles ont été mises en recouvrement.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de surseoir à statuer sur la requête en attendant la décision du tribunal correctionnel de Nancy, que l'EURL Gold Automobile est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des au titre des frais exposés par l'EURL Gold Automobile dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de l'EURL Gold Automobiles relative aux droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er mars 2010 au 31 mars 2011.

Article 2 : L'EURL Gold Automobiles est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'EURL Gold Automobile au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Gold Automobiles et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

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N° 20LY00853

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00853
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Procédure.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DGK ET ASSOCIES - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;20ly00853 ?
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