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06/05/2021 | FRANCE | N°19LY04462

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 mai 2021, 19LY04462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1705498 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2019, 13 mai 2020 et 19 juin 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M.

B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1705498 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2019, 13 mai 2020 et 19 juin 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la proposition de rectification relative à l'année 2011 ne lui a pas été notifiée ; par suite, la prescription du droit de reprise de l'administration pour ce qui concerne cette année n'a pas été régulièrement interrompue avant le 31 décembre 2014 ;

- la méthode de reconstitution de ses bénéfices, utilisée par l'administration au titre des années 2011 à 2013, est radicalement viciée dans son principe dès lors qu'elle ne respecte pas les règles de rattachement des créances et des dettes applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux ;

- conformément au principe de l'application de la loi répressive nouvelle plus douce, il est fondé à demander que les intérêts de retard mis à sa charge soient calculés sur la base d'un taux annuel de 2,40 % prévu par la loi de finances rectificatives pour 2017.

Par des mémoires, enregistrés le 7 mai 2020 et le 8 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 26 mars et 17 avril 2020, M. B..., représenté par Me D..., a demandé à l'appui des conclusions de sa requête de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 55 III de la loi de finances rectificatives pour 2017 en tant qu'elles prévoient que le taux d'intérêt de retard fixé à 0,2 % par mois n'est applicable qu'à compter du 1er janvier 2018.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de cette demande.

Par une ordonnance du 14 mai 2020, le président de la 2ème chambre de la cour a refusé de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Par une ordonnance du 10 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2021, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me D... représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., exploitant agricole dans la Drôme, exerce également une activité individuelle de courtier en assurances. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses bénéfices déclarés. En conséquence, l'intéressé a été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2011, 2012 et 2013, notifiés selon la procédure contradictoire, assortis des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du même code. M. B... relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes.

Sur la prescription du délai de reprise de l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

3. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis de réception produit en première instance par l'administration fiscale, que le pli contenant la notification des rectifications envisagées au titre de l'année 2011, libellé au nom de M. B... A..., a été présenté le 18 décembre 2014, à l'adresse exacte déclarée par le contribuable, soit chemin de Bondonneau à Allan dans la Drôme. Si l'intéressé soutient que ce pli ne lui est pas parvenu et produit à cet effet une attestation du directeur de la poste de Montélimar faisant état de ce qu'il n'y a pas de trace de distribution, il est constant que l'avis de réception postal a été retourné au service, revêtu de la mention d'une date de distribution le 2 janvier 2015 ainsi que d'une signature manuscrite. Par ailleurs, il résulte de l'attestation établie à la demande de M. B..., le 23 juin 2017, par le directeur d'établissement de la plate-forme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Montélimar qu'en son absence, le destinataire a été avisé de la mise en instance de ce pli.

5. Par suite, et alors que M. B... ne conteste pas avoir été destinataire des autres plis adressés par l'administration durant les opérations de vérification de comptabilité, les seules circonstances qu'il existerait un chemin de Bondonneau sur le territoire de la commune voisine de Montélimar, qu'un homonyme résiderait dans cette autre commune, que l'appelant recevrait régulièrement dans sa boîte aux lettres du courrier qui ne lui est pas adressé et que son domicile est rattaché au bureau de poste d'Allan, ne sont pas de nature à établir l'irrégularité de la notification postale. Enfin, le requérant, qui ne saurait reprocher à l'administration fiscale de ne pas avoir indiquer sur le pli un numéro d'adresse qu'il n'avait pas porté à la connaissance du service, ne produit aucun élément de nature à établir que le signataire n'avait pas qualité pour retirer le pli à sa place.

6. Il en résulte que la prescription étant acquise à la date de présentation du pli contenant la proposition de rectification du 16 décembre 2014, à l'adresse de M. B..., connue par l'administration, le moyen tiré de ce que, s'agissant des compléments d'impôts sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2011, le délai de reprise de l'administration n'avait pas été interrompu doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ".

8. Aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ".

9. Il résulte de l'instruction, qu'après avoir dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité au titre de la période vérifiée, l'administration, qui n'a pas eu connaissance de la date des prestations réalisées, a procédé à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, en se fondant sur les relevés annuels présentés par M. B... et sur les déclarations faites par les compagnies d'assurance auprès desquelles il est affilié, obtenues dans le cadre du droit de communication. Elle a additionné, pour chaque année, les encaissements des commissions rétrocédées sous déduction de charges, déterminées d'après les éléments communiqués par le contribuable.

10. M. B... soutient que cette méthode de reconstitution, fondée sur les encaissements de commissions, est radicalement viciée dans son principe dès lors que son activité exigeait, en application du 2 bis de l'article 38 précité, une comptabilisation pour chaque exercice concerné des seules créances acquises, et que le vérificateur avait la possibilité d'obtenir auprès des compagnies d'assurance concernées, les dates de souscription des produits financiers par ses clients. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, caractérisée par l'absence de tout élément comptable mis à la disposition du vérificateur au cours des opérations de contrôle, ce dernier ne pouvait respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, ni procéder à des ajustements extra-comptables permettant de se rapprocher des règles ainsi fixées. Par ailleurs, M. B... qui supporte la charge de la preuve, à défaut de comptabilité et dès lors au demeurant, qu'il n'a pas répondu à la proposition de rectification du 16 décembre 2014, régulièrement notifiée, n'apporte au soutien de sa critique de la méthode de reconstitution utilisée par l'administration aucun élément précis de nature à la remettre en cause. Par suite, la méthode de reconstitution des bénéfices employée ne peut être regardée comme présentant un caractère radicalement vicié.

Sur les intérêts de retard :

11. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.-Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ". Le taux de l'intérêt de retard fixé à 0,40 % par mois par le III de cet article jusqu'au 31 décembre 2017 a été ramené à 0,20 % par mois par l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificatives pour 2017, à compter du 1er janvier 2018 jusqu'au 31 décembre 2020.

12. L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des dispositions de la loi du 28 décembre 2017, l'évolution des taux du marché a conduit, dans les années précédant sa réduction, à une hausse relative de cet intérêt par rapport à ces derniers et en particulier, ainsi que le fait valoir M. B..., aux taux pratiqués lors de la souscription des emprunts par l'Etat, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenue manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Par suite, le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur lorsqu'elles n'ont pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, n'est pas applicable aux intérêts de retard prévus par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts, qui ainsi qu'il vient d'être dit, ne présentent pas le caractère d'une sanction. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 19LY04462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04462
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;19ly04462 ?
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