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06/05/2021 | FRANCE | N°19LY02747

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 mai 2021, 19LY02747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Veodis Electricité a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner le centre hospitalier Yves Touraine à lui verser une indemnité de 338 349,08 € TTC correspondant au solde dû au titre du décompte général relatif au chantier de l'opération de reconstruction complète du secteur personnes âgées, de la cuisine et de la lingerie du centre hospitalier ;

- de mettre à la charge du centre hospitalier Yves Touraine une somme de 5 000 euros en application des disposit

ions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703185...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Veodis Electricité a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner le centre hospitalier Yves Touraine à lui verser une indemnité de 338 349,08 € TTC correspondant au solde dû au titre du décompte général relatif au chantier de l'opération de reconstruction complète du secteur personnes âgées, de la cuisine et de la lingerie du centre hospitalier ;

- de mettre à la charge du centre hospitalier Yves Touraine une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703185 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Yves Touraine à verser à la société Veodis Electricité la somme de 10 000 euros et a rejeté le surplus de la demande de cette dernière société.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, et un mémoire enregistré le 7 avril 2021, la société Veodis Electricité, représentée par la SELARL Pragma Juris, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement susmentionné du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a condamné le centre hospitalier Yves Touraine à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de pénalités de retard injustement appliquées et de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier Yves Touraine à lui verser la somme totale de 312 700,58 euros, soit 375 240,70 euros TTC, pour l'indemniser des difficultés rencontrées dans l'exécution du chantier ;

3°) de rejeter les demandes du centre hospitalier Yves Touraine ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Yves Touraine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa réclamation ne concerne pas les défaillances du bureau d'études Etec ou les prestations complémentaires listées dans les avenants, mais l'incapacité de la maîtrise d'ouvrage de pallier la défaillance de ce bureau d'études ; la clause de non réclamation figurant dans ces avenants n'est donc pas applicable ;

- les difficultés rencontrées dans l'exécution de son marché sont imputables aux fautes du maître de l'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché ;

- à titre subsidiaire, ces difficultés constituent des sujétions imprévues ayant entraîné un bouleversement de l'économie de son contrat ;

- elle a subi des surcoûts directs en raison de la défaillance du bureau d'études pour un montant total de 156 534,70 euros, dont 35 750 euros au titre de son implication, 110 000 euros au titre de la perte de productivité du chantier et 10 784,70 euros de frais supplémentaires ;

- elle a également subi des surcoûts directs en raison de la prolongation des délais pour un montant total de 177 222,71 euros, dont 6 750 euros d'outillage, 14 850 euros de véhicules, 11 880 euros de planificateur, 29 700 euros d'acheteur et magasin, et 114 042,71 euros au titre des chargés d'affaires et conducteurs de travaux, soit 81 000 euros d'heures supplémentaires, 3 342,71 euros de frais supplémentaires, et 29 700 euros de frais de bureau d'études ;

- elle a également subi des surcoûts indirects en raison de la prolongation des délais, en particulier une perte d'industrie pour un montant de 62 836,32 euros ;

- elle a réalisé des travaux impayés pour un montant total de 6 162,70 euros comprenant des câbles de puissance climatiseur pour 2 747,70 euros et un carottage pour 3 415 euros ;

- son préjudice, en incluant les pénalités de retard d'un montant de 10 000 euros mises à tort à sa charge, s'élève à un montant total de 412 756,43 euros HT.

Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2019 et un mémoire non communiqué enregistré le 9 avril 2021, le centre hospitalier Yves Touraine, représentée par la SELARL Guimet avocats, conclut au rejet de la requête, à l'infirmation du jugement contesté en ce qu'il l'a condamné à verser à la société Veodis Electricité la somme de 10 000 euros au titre des pénalités de retard, à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de la demande de cette société, et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Veodis Electricité la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- sur la somme totale de 115 920,94 euros, à laquelle les 9 avenants ont porté le marché de la société Veodis Electricité, en l'augmentant de près de 18 %, environ 73 455,21 euros intègrent les conséquences des manquements imputés au BET Etec 73 ;

- en application de la clause de renonciation incluse dans ces avenants, la société Veodis est irrecevable à former une réclamation indemnitaire concernant les défaillances et manquements du BET Etec 73 et, en tout état de cause, ne saurait réclamer une indemnité supplémentaire en lien avec les travaux supplémentaires rémunérés par ces avenants ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée et les allongements de délais étant exclusivement imputables à des circonstances extérieures ou aux manquements d'autres intervenants, sa responsabilité ne peut être engagée ;

- les préjudices dont se prévaut la société Veodis ne sont pas liés aux fautes alléguées et ne sont pas démontrés ou justifiés ;

- le rapport d'expertise établi le 31 janvier 2017, à la seule demande de la société Veodis, pour justifier son préjudice, est dénué de tout caractère contradictoire et la cour ne pourra fonder sa décision sur ce seul document ;

- le prix global et forfaitaire du marché de la société Veodis a été établi en tenant compte des " sujétions qu'est susceptible d'entraîner l'exécution simultanée des différents lots " ;

- les travaux de carottage n'ont pas fait l'objet d'un ordre de service et ne sont pas indispensables à la bonne exécution de l'ouvrage suivant les règles de l'art mais résultent d'une défaillance de la société Veodis ;

- la problématique des réservations et des carottages, survenue en phase 3 de chantier en 2014, est dénuée de tout lien avec les difficultés survenues en 2011 avec le BET Etec 73, qui a été liquidé et remplacée par le BET Adret fin 2011 en phase 1 du chantier ;

- l'application de pénalités de retard à la société Veodis à hauteur de 10 000 euros en vertu de l'article 4.3.1 du CCAP est justifiée dès lors qu'elle a accumulé un retard de vingt jours sur le chantier pour la phase 1 de l'opération.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code du commerce ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux) ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... représentant la société Véodis Electricité et celles de Me C... pour le centre hospitalier Yves Touraine.

Considérant ce qui suit :

1. Pour les besoins d'une opération de reconstruction complète de son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en particulier des bâtiments abritant le secteur personnes âgées, la cuisine et de la lingerie, le centre hospitalier Yves Touraine de Pont-de-Beauvoisin (38480) a passé, en 2009, un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement solidaire dont la société Atelier d'Architecte Dufayard était mandataire, la société Etec 73 devenue Etec Ingénierie assurant la fonction de bureau d'études techniques fluides électricité. Les travaux étaient prévus en trois phases, aménagement de l'entrée principale et réalisation de la cuisine et du principal bâtiment de l'EHPAD (phase 1), désamiantage et déconstruction du bâtiment d'accueil des résidents (phase 2) et construction de la lingerie et de la dernière aile de l'EHPAD (phase 3). Le centre hospitalier a confié à différentes sociétés la réalisation de travaux répartis en 22 lots. Le lot n°13 " électricité - courants faibles " a été attribué à la société Veodis par acte d'engagement du 31 août 2010, qui prévoyait un prix global et forfaitaire de 627 762,50 euros et un délai de réalisation de trente et un mois, hors période de préparation. La société attributaire devait intervenir sur les phases 1 et 3. Ce marché a fait l'objet de neuf avenants pour un montant total de 115 920,94 euros, portant le montant du marché à 743 683,44 euros. Par ordre de service du 29 septembre 2010, le centre hospitalier a demandé à la société Veodis de commencer les travaux le 4 octobre 2010, en indiquant que la durée contractuelle de trente et un mois porte la date de fin des travaux au 1er mai 2013. Les travaux de ce lot ont fait l'objet d'une réception le 28 juillet 2015, soit avec un retard de vingt-six mois et vingt-sept jours. Le centre hospitalier Yves Touraine a notifié, le 7 janvier 2016, à la société Veodis le décompte général de son marché, comprenant 741 542,64 euros HT au titre du marché de base et ses avenants et 73 507,20 euros HT au titre de la révision des prix, soit 815 049,84 euros HT et 975 585,39 euros TTC. Ce montant, après imputation de pénalités de retard à hauteur de 10 000 euros a été ramené à 965 585,39 euros TTC. La société Veodis a accepté avec réserves ce décompte et a établi, le 1er février 2016, un mémoire en réclamation, qui a été rejeté par le centre hospitalier le 22 mars 2016. La société Veodis a demandé au tribunal administratif de Grenoble de fixer le solde du décompte général de son marché à la somme de 338 349,08 euros TTC et donc de condamner le centre hospitalier Yves Touraine à lui verser cette somme, qui tient compte de la restitution de la somme de 10 000 euros au titre de pénalités de retard réputées indûment mises à sa charge et l'indemnisation des préjudices liés à la prolongation des délais d'exécution du fait du maître de l'ouvrage. Par un jugement n° 1703185 du 16 mai 2019, dont ladite société relève appel, ce tribunal a fait partiellement droit à sa demande en ce qui concerne les pénalités de retard à hauteur de 10 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. La société Veodis reprend devant la cour sa demande tendant à augmenter le montant de son marché de la somme de 375 240, 70 euros TTC.

Sur l'indemnisation des difficultés rencontrées dans l'exécution du marché :

2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

En ce qui concerne, à titre principal, la faute du maître de l'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché :

3. D'abord, comme l'ont relevé les premiers juges, la société requérante ne peut prétendre à une indemnisation pour les périodes et prestations visées par les avenants à son marché, en particulier les avenants n° 2 du 12 novembre 2012, n° 5 du 27 février 2013 et n° 8 du 21 mai 2015 prévoyant la prise en charge de prestations en raison de défaillances de la maîtrise d'oeuvre, notamment concernant les études d'exécution qui lui incombait en vertu de son acte d'engagement, de son cahier des clauses administratives particulières et de son cahier des clauses techniques particulières (article 10), d'adaptations de chantier et, concernant l'avenant n° 2, d'une erreur de l'entreprise dans les quantités d'acier de linéaire de câble, et lesquels avenants comportent à leur article 7 une clause de non réclamation en vertu de laquelle l'entreprise, qui est réputée avoir une parfaite connaissance des problèmes liés au déroulement des travaux, " renonce donc à toutes les réclamations ultérieures liées à ces problèmes ainsi qu'à celles qui pourraient résulter de ces avenants ".

4. En outre, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a été diligent pour pallier la défaillance technique du BET " fluides électricité ", la société Etec 73, membre du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre. En effet, suite aux courriers en date des 10 et 22 juin 2011 par lesquels la société Veodis a signalé à la maîtrise d'oeuvre, par l'intermédiaire de la société Aum Architecture, l'absence de réception des études et plans d'exécution dus par la société Etec 73, le centre hospitalier, informé de cette situation, a, par lettre du 29 juin 2011, mis en demeure le mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, l'atelier d'architecture Dufayard, de remettre à la société Veodis l'ensemble des plans d'exécution concernant le lot 13 " électricité/courants faibles " avant le 8 juillet 2011. Suite à cette mise en demeure, des plans d'exécution concernant les bâtiments A1, A2 et A3 ont été diffusés le 17 août 2011, ainsi qu'il résulte du compte rendu de chantier n° 45 du 30 août 2011.

5. Par ailleurs, le maître d'ouvrage a rapidement réagi à la défaillance financière de la société Etec 73 devenue Etec Ingénierie. En effet, si par courrier du 22 juin 2011, le gérant de cette société a informé le centre hospitalier de son placement en redressement judiciaire par jugement du 6 juin 2011 du tribunal de commerce de Chambéry, avec une période d'observation de six mois reconductible une fois, c'est en lui assurant que " tous les chantiers et les études seront honorés " et qu'il souhaite " que cette situation ne vienne pas perturber nos relations de travail ". Suite à la lettre du 19 octobre 2011 par laquelle l'administrateur judiciaire de la société Etec Ingénierie lui a notifié, en application de l'article L. 622-13 du code du commerce, la résiliation du contrat souscrit par cette société, le centre hospitalier a, dès le 23 novembre 2011, conclu un marché de substitution du BET avec la société Adret. Cette dernière a transmis les plans et schémas d'exécution provisoire pour la phase 1 à la société Veolia à partir du 22 novembre 2011 et les dernières mises à jour des plans et schémas lui ont été remises les 13 et 15 mars 2012. Si la société requérante s'est plainte dans un courrier du 19 mars 2012, de la non transmission des études d'exécution électriques et des courantes faibles, il résulte de l'instruction que la société Adret était dans l'incapacité de lui fournir les dernières adaptations des plans et schémas d'exécution compte tenu du rejet par le maître d'ouvrage de ses devis pour la distribution courants forts et faibles, le VDI, l'appel malade et le contrôle d'accès, jusqu'à l'intervention des accords de principe du 17 avril 2012.

6. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier ait été défaillant dans la gestion des défections des entreprises attributaires du lot 8 " menuiserie aluminium extérieur " et du lot 11 " cloisons ". Concernant le lot 8, il résulte de l'instruction que la société AluAlp a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 11 septembre 2012 du tribunal de commerce de Grenoble, dont elle a informé la maîtrise d'oeuvre le 16 octobre 2012, avant d'être mise en liquidation judiciaire par un jugement du 9 juillet 2013. Par courrier du 10 septembre 2013, le mandataire judiciaire de cette société a informé le maître d'ouvrage de la résiliation du contrat de cette société, qui a été remplacée en février 2014 par la société Alu Concept Habitat. Le centre hospitalier fait cependant valoir sans être contredit que le chantier a été arrêté de janvier à septembre 2013, car la phase 2 pour la réalisation des travaux de démolition et de désamiantage était en cours et que l'attributaire du lot 8 ne pouvait intervenir. Il indique que pour la phase 3, les travaux du lot 8 n'ont repris qu'en avril 2014. En tout état de cause, la société appelante ne démontre pas que le délai pour remplacer la société AluAlp a affecté sa propre situation. Concernant le lot 11, le marché de l'entreprise Valenti a été transféré à la société Eva Valenti par avenant du 19 février 2014. Puis, par courrier du 11 septembre 2014, la société IBSE, chargée de la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier (OPC), a mis en demeure la société Eva Valenti, suite au constat de son retard dans l'exécution de ses travaux, de mettre en oeuvre tous les moyens pour les terminer pour le 19 septembre 2014. Le maître d'ouvrage l'a ensuite par lettre du 14 octobre 2014 mis en demeure de réaliser ses interventions sous dix jours, et après la résiliation de son marché le 13 novembre 2014, l'a remplacée dès le le 25 novembre 2014 par la société Perrotin, En tout état de cause, la société appelante ne démontre pas que le délai pour remplacer la société attributaire du lot 11 a affecté sa propre situation. Si la société appelante mentionne également le lot 3 " charpente ", elle indique que la défection de l'attributaire de ce lot, intervenue après la phase 1 et avant la phase 3, n'a pas contribué aux retard du chantier dès lors que l'entreprise titulaire de ce lot n'avait pas à intervenir durant cette période.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Veodis électricité n'est pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché et donc à solliciter l'indemnisation de préjudices sur ce fondement, en particulier des surcoûts directs et indirects en raison de la défaillance du bureau d'études technique Etec 73 et de la prolongation des délais d'exécution de son marché.

En ce qui concerne, à titre subsidiaire, les sujétions imprévues :

8. La société requérante ne justifie pas que des sujétions imprévues ont bouleversé l'économie de son contrat en faisant état des retards de chantier subis d'une durée de vingt-six mois et vingt-sept jours, compte tenu des neufs avenants dont elle a bénéficié et qui ont modifié les termes de son marché comme rappelé au point 1. C'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence et l'incidence de telles sujétions susceptibles de lui ouvrir droit à une indemnisation particulière.

Sur les travaux supplémentaires :

9. Même en l'absence d'un ordre de service, et nonobstant le caractère forfaitaire du prix, les entreprises sont fondées à demander le règlement de travaux indispensables pour l'exécution, selon les règles de l'art, des ouvrages prévus par le marché, sans qu'il soit besoin de rechercher si ces travaux supplémentaires ont bouleversé l'économie du contrat.

10. En premier lieu, la société Veodis électricité ne démontre pas que les travaux correspondant à des câbles de puissance climatiseur, pour un montant de 2 747,70 euros, ont été réalisés sur ordre de service ou étaient indispensables pour l'exécution des ouvrages selon les règles de l'art. Il résulte de l'instruction que ces travaux résultent d'une défaillance de la société appelante dans ses échanges avec l'entreprise Gillet, attributaire du lot plomberie, pour ses besoins en alimentation de ses climatiseurs, en particulier du fait qu'elle n'a pas tenu compte des caractéristiques adéquates de câblage de climatiseurs transmises en février 2012 par cette entreprise, et qu'elle s'est bornée à respecter les plans du bureau d'étude technique Etec 73, qui restait en attente des caractéristiques techniques de l'entreprise Gillet. Par suite, la société Veodis électricité n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation de tels travaux.

11. En second lieu, aux termes du cahier des clauses techniques particulières communes à tous les lots : " Chaque entrepreneur est tenu de réaliser ses propres travaux en tenant compte des réservations et des préparations nécessaires à la bonne exécution des ouvrages des autres corps d'état, sans que ceux-ci aient à engager des ouvrages supplémentaires hors des travaux normaux de leur marché. ". Ce même cahier stipule : " Les entreprises désignées pour l'exécution des travaux du présent marché, devront soumettre les plans de réservation au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage pour approbation avant l'engagement des travaux. Toutes trémies, trous, et feuillures à réserver à la construction devront être exécutés par l'entreprise du gros-oeuvre. Si les renseignements sont fournis en retard au gros-oeuvre l'entrepreneur du lot défaillant aura à sa charge l'incidence financière de l'intervention. (...) Les entreprises devront vérifier la bonne implantation de ces réservations ou incorporations avant coulage des ouvrages. En cas d'inexactitude ou omission de ces travaux, le responsable prendra à sa charge une nouvelle réservation ou incorporation exacte. De ce fait, l'attention des entreprises est particulièrement attirée sur la coordination des interventions, l'entrepreneur défaillant étant responsable totalement. D'une manière générale, chaque entreprise aura à sa charge tous les percements, scellements et calfeutrements ainsi que tous rebouchages, qui sont le fait de ses propres travaux ou de l'implantation de son propre matériel. ".

12. La société Veodis électricité ne démontre pas que les travaux correspondant à un carottage, pour un montant de 3 415 euros HT, ont été réalisés sur ordre de service ou étaient indispensables pour l'exécution des ouvrages selon les règles de l'art. Il résulte de l'instruction que ces travaux sont la conséquence de sa défaillance dans la mission qui lui incombait, en application des stipulations précitées du cahier des clauses techniques particulières communes à tous les lots, de s'assurer auprès de l'entreprise chargé du lot gros oeuvre de la réalisation, avec implantation conforme, des réservations nécessaires au passage de ses câbles électriques. Par suite, la société Veodis électricité n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation du coût de tels travaux.

Sur les pénalités de retard :

13. L'acte d'engagement du lot 13 stipule que " le délai d'exécution propre à ce lot pour lequel la société Veodis s'engage sera déterminé dans les conditions stipulées à l'article 4-1 du cahier des clauses administratives particulières ". Au terme de cet article 4-1 de ce cahier, commun à tous les lots, " le délai de réalisation de l'ensemble des lots est fixé à l'article 3 de l'acte d'engagement. Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier détaillé d'exécution visé au 4-1.2 ", en vertu duquel " le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à courir à la date fixée " par ce calendrier. L'article 4-1.1 prévoyant que " le calendrier prévisionnel d'exécution est joint en annexe au présent CCAP (sauf modifications prévues au 4.1.2, il devient calendrier détaillé d'exécution à la notification du marché) ". Aux termes de l'article 4.3.1 du même cahier, relatif aux pénalités pour retard d'exécution : " Les dispositions suivantes sont appliquées lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié (...) / A. Retard sur le délai d'exécution propre au lot concerné : le titulaire subit une pénalité journalière de 500,00 euros. / B. Retard sur les délais particuliers correspondant aux interventions successives, autres que la dernière, de chaque entrepreneur sur le chantier : du simple fait de la constatation d'un retard par le maître d'oeuvre, le titulaire encourt une retenue provisoire journalière de 500,00 euros. / Cette retenue est transformée en pénalité définitive et recalculée à la valeur de cette dernière, si l'une des deux conditions suivantes est remplie : / - le titulaire n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son lot ; / - le titulaire, bien qu'ayant terminé ses travaux dans le délai, a perturbé la marche du chantier ou provoqué des retards dans le déroulement des marchés relatifs aux autres lots. ".

14. Ainsi que l'ont jugé à juste titre les premiers juges, le centre hospitalier Yves Touraine n'établit pas, en particulier par sa référence à une analyse en date du 12 février 2013 conduite par la société IBSE sur les retards du planning de la phase 1, qui mentionne seulement que " les propositions de durée de retard restent arbitraires " et que " la définition du retard étant difficile à appréhender au regard d'une démobilisation générale due à la propre progression du lot électricité ", que la société Veodis serait, dans la conduite de ses travaux au titre de cette phase et pour la période courant du 1er octobre 2012, date prévue par le calendrier détaillé d'exécution pour la réception, au 8 janvier 2013, date à laquelle est intervenue la réception avec réserves, responsable de vingt jours de retard, alors que plusieurs entreprises intervenaient simultanément au cours de cette phase. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont exclu la somme de 10 000 euros, mise au débit de la société Véodis Electricité au titre des pénalités de retard, du décompte général du marché attribué à cette société et l'ont condamné en conséquence à lui verser cette somme.

Sur le montant du décompte général et son solde :

15. Il résulte de tout ce qui précède que le montant du décompte général définitif du marché attribué à la société Véodis électricité doit être fixé à la somme de 975 585,39 euros TTC et que compte tenu des acomptes versés d'un montant de 965 585,39 euros, le solde de ce décompte en faveur de la société Véodis électricité s'élève à la somme de 10 000 euros correspondant aux pénalités de retard indûment mises à sa charge. C'est donc à juste titre que le tribunal a condamné le centre hospitalier Yves Touraine à verser ce solde à la société Véodis électricité.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les conclusions présentées à ce titre par la société Veodis électricité, partie perdante, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à ce même titre présentées par le centre hospitalier Yves Touraine.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant du décompte général définitif du marché attribué à la société Véodis Electricité s'élève à la somme de 975 585,39 euros TTC et le solde de ce décompte est fixé à la somme de 10 000 euros en faveur de cette société.

Article 2 : La requête de la société Veodis Electricité est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident et celles formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par le centre hospitalier Yves Touraine, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Veodis électricité et au centre hospitalier Yves Touraine.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 19LY02747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02747
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SOCIETE PRAGMA JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;19ly02747 ?
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