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06/05/2021 | FRANCE | N°19LY00463

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 mai 2021, 19LY00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué avec la société Agrigex Environnement, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum la commune de Vichy et les sociétés Axe Saône et Debost à lui verser la somme de 573 690,93 euros HT assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au titre des surcoûts supportés pour l'exécution du marché portant sur le lot n° 3 " Paysage-revêtement " des travaux de mise en valeur et de séc

urisation du lac d'Allier.

Par un jugement n° 1601559 du 6 décembre 2018, ce trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué avec la société Agrigex Environnement, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum la commune de Vichy et les sociétés Axe Saône et Debost à lui verser la somme de 573 690,93 euros HT assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au titre des surcoûts supportés pour l'exécution du marché portant sur le lot n° 3 " Paysage-revêtement " des travaux de mise en valeur et de sécurisation du lac d'Allier.

Par un jugement n° 1601559 du 6 décembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février 2019 et 8 avril 2021, la société Segex, désormais dénommée Terideal Segex, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vichy et de tout succombant la somme de 20 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal était recevable et elle pouvait demander en qualité de mandataire du groupement une condamnation in solidum du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre à raison de leurs fautes concurrentes ;

- la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre ont modifié les prestations initialement prévues pour son lot, ce qui a eu une incidence en termes d'études et de planning et sur les délais de réalisation qui ont été dépassés ;

- la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée en raison de sa défaillance dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché et de son incapacité à assurer la coordination du chantier par l'intermédiaire du maître d'oeuvre ;

- les stipulations de l'article 15.3 du CCAG ne font pas obstacle à l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux sans ordre de service du maître d'ouvrage mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ou du fait de l'allongement des délai d'exécution, de l'abondance de modifications demandées ou des insuffisances initiales du projet ; le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ne contestent pas la matérialité des travaux supplémentaires qu'elle a exécutés ;

- elle est fondée à demander la somme de 189 552,36 euros HT au titre des travaux supplémentaires réalisés sur ordres de services, la somme de 122 858,60 euros HT au titre des travaux réalisés sans ordre de service mais indispensables à la bonne exécution du marché, la somme de 44 122,73 euros HT au titre des surcoût d'études, la somme de 94 017,69 euros HT au titre des surcoûts d'encadrement et d'installation, la somme de 148 500 euros HT au titre de la perte de chiffre d'affaires, la somme de 50 000 euros HT au titre du préjudice commercial, ainsi que la somme de 2 911,77 euros HT exposée pour la rédaction du mémoire en réclamation ;

- les intérêts moratoires s'élèvent à la somme de 6 891,61 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2019, la commune de Vichy, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés Axe Saône et Debost à la garantir et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Segex au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la société Segex qui a saisi prématurément le tribunal n'a pas contesté le décompte général qui lui a été notifié et en tout état de cause le délai de six mois pour contester le rejet de sa réclamation était écoulé lorsqu'elle a présenté sa demande de première instance ;

- elle ne précise pas le fondement juridique de son action indemnitaire ;

- elle n'a pas capacité à agir pour le groupement ;

- elle n'établit pas l'augmentation du montant des travaux au-delà du pourcentage de 25 % ;

- le délai de réalisation des travaux proposé dans le mémoire technique n'est pas contractuel ; le planning d'exécution des travaux, qui est contractuel, a été recalé en raison des défaillances de la société Segex qui n'a pas formulé de réserve sur le nouveau planning ;

- la société Segex n'établit pas qu'elle aurait subi des modifications incessantes des travaux du lot n° 3 qui sont au surplus imputables à ses sous-traitants ;

- elle n'établit pas davantage qu'elle aurait réalisé des travaux supplémentaires dans le cadre de ce lot.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2019, les sociétés Axe Saône et Debost, représentées par Me D..., concluent au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie de la commune de Vichy et à ce que la somme de 20 000 euros soit mise à la charge de la société Segex au titre des frais du litige.

Elles font valoir que :

- la société Segex n'a pas saisi en temps utile le tribunal puisque le délai de six mois pour contester la décision du 18 décembre 2015 de la commune de Vichy rejetant sa réclamation était expiré lorsqu'elle a présenté sa demande de première instance ;

- elle ne précise pas le fondement juridique de son action indemnitaire et en tout état de cause elle n'est pas recevable à rechercher leur responsabilité contractuelle et n'établit pas qu'elles auraient commis une faute à son encontre ;

- elle n'a pas capacité à agir pour le groupement ;

- elle est réputé avoir accepté sans réserve le décompte final faute d'établir le contraire ;

- son marché a été conclu à prix définitif ;

- elle n'a pas formulé de réserves sur les documents nécessaires à sa réalisation ;

- les surcoûts allégués ne sont pas indemnisables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Terideal Segex, celles de Me C..., représentant la commune de Vichy, et celles de Me D..., représentant les sociétés Debost et Axe Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la réalisation de travaux de mise en valeur et de sécurisation du lac d'Allier, la commune de Vichy a conclu des marchés de travaux publics avec les sociétés Axe Saône et Ingedia, auxquelles était confiée une mission de maîtrise d'oeuvre, et Debost, à qui a été attribué la mission OPC (ordonnancement, pilotage et coordination). En outre, par un acte d'engagement du 7 août 2013, la commune a confié le lot n° 3 " " Paysage-revêtement " au groupement solidaire constitué des sociétés Segex, mandataire, et Agrigex Environnement. Par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises, tendant à la condamnation in solidum de la commune de Vichy et des sociétés Axe Saône et Debost à l'indemniser des surcoûts dans l'exécution de son marché. La société Segex, désormais dénommée Terideal Segex, relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions de la demande dirigées contre la commune de Vichy :

2. Selon l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par un arrêté du 8 septembre 2009, applicable au marché litigieux, l'entrepreneur dispose d'un délai fixé à 45 jours à compter de la notification du décompte général par le représentant du pouvoir adjudicateur pour faire valoir, dans un mémoire en réclamation, ses éventuelles réserves ou les motifs pour lesquels il refuse de le signer, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50. Les stipulations de l'article 50 auxquelles il est ainsi renvoyé, s'agissant des modalités de contestation du décompte général, sont celles applicables au différend survenant directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur. Aux termes de ces stipulations : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation (...) / 50.1.2. (...) le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. (...) / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. / 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. ".

3. Il résulte de ces stipulations qu'il incombe à l'entreprise de reprendre, dans un mémoire en réclamation produit à la suite de la notification du décompte général, les réclamations formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif et qu'à défaut du respect de ces stipulations, le décompte général devient définitif, nonobstant l'existence d'un litige pendant devant le juge administratif.

4. Il résulte de l'instruction que par courrier du 2 novembre 2015, distribué le 4 novembre, la société Segex a adressé au maître d'oeuvre, en se référant à l'article 50 du CCAG, un mémoire dans lequel elle demandait à être indemnisée des coûts supplémentaires non prévus au marché du lot n°3. Après le rejet de sa demande, elle a porté le différend devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par une requête enregistrée le 6 septembre 2016. En cours d'instance, le décompte général a été notifié à la société le 29 août 2017. Si elle l'a signé avec la mention " avec réserves, cf courrier recommandé en cours de transmission ", il est constant qu'elle n'a transmis aucun mémoire en réclamation contre le décompte général, qui dans ces conditions est devenu définitif. La société Terideal Segex n'est dès lors pas recevable à rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Vichy.

Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre les sociétés Axe Saône et Debost :

5. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé. Toutefois, si la société Terideal Segex demande à être indemnisée par les sociétés Axe Saône et Debost des surcoûts d'exécution de son marché, elle ne précise pas quelles fautes auraient commises la société Axe Saône, dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre, et la société Debost, dans l'exécution de sa mission OPC. Les conclusions dirigées contre ces sociétés ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir et de statuer sur l'appel en garantie présenté par la commune de Vichy, que la société Terideal Segex n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Vichy et des sociétés Axe Saône et Debost, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Terideal Segex la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vichy et la somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Axe Saône et Debost au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Terideal Segex est rejetée.

Article 2 : La société Terideal Segex versera la somme de 1 500 euros à la commune de Vichy et la somme globale de 1 500 euros aux sociétés Axe Saône et Debost au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Vichy est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terideal Segex, à la commune de Vichy et aux sociétés Axe Saône et Debost.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 19LY00463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00463
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : COURTEAUD PELLISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;19ly00463 ?
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