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04/05/2021 | FRANCE | N°19LY01113

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2021, 19LY01113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la fédération française de cyclisme à lui rembourser la somme de 1 584 911,81 euros au titre des sommes versées à M. F... B..., à M. C... B... et à Mme H... B... et de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607398 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble

a condamné la fédération française de cyclisme à verser au fonds de garantie de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la fédération française de cyclisme à lui rembourser la somme de 1 584 911,81 euros au titre des sommes versées à M. F... B..., à M. C... B... et à Mme H... B... et de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607398 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la fédération française de cyclisme à verser au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions la somme de 1 584 911,81 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, ainsi que la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 mars 2019 et le 28 janvier 2020, la fédération française de cyclisme et les sociétés MMA IARD SA et MMA assurances mutuelles, représentées par Me E... et Cresseaux-Leclère, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607398 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la requête du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, ou, à titre subsidiaire, de le déclarer responsable au seul titre d'une perte de chance de 50 % pour M. B... d'éviter l'accident ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'une présentation par le fonds de garantie d'un recours subrogatoire poste par poste ou, à défaut, d'ordonner une expertise pour évaluer les conséquences dommageables de l'accident.

Elles soutiennent que :

- l'autorité de la chose jugée au pénal ne liait le tribunal administratif de Grenoble que sur la matérialité des faits et non quant à la qualification de faute ; le juge pénal n'a pas reconnu une obligation de sécurité imposée par la loi, le guide d'aide et de mise en oeuvre de l'homologation d'une piste de BMX ou encore le contrat d'organisation des épreuves du championnat de France de cycle BMX des 30 et 31 mars 2012 passé avec le club de Mours le 21 mai 2011 ;

- la fédération française de cyclisme n'a commis aucune faute lourde dans le cadre de l'homologation de la piste car le problème de compactage évoqué lors des opérations d'homologation ne concernait pas l'endroit de la chute de M. B... et le non-respect d'un délai de six mois entre l'homologation et la compétition ne constitue pas un manquement eu égard aux variations d'état d'une piste sur un tel délai ; l'état de la piste doit utilement être vérifié seulement au moment même de l'épreuve ;

- elle n'a pas davantage commis de faute du fait du maintien de l'évènement sportif, qui concerne l'organisateur, tenant à l'absence de transmission du dossier d'homologation eu égard à ce qui a été dit plus haut ;

- il n'y a pas de lien de causalité direct et certain entre l'état de la piste et la chute de M. B... en l'absence de défaut du terrain à cet endroit et dès lors que la victime a commis une erreur technique dans le franchissement des bosses comme l'ont retenu les deux premiers experts mandatés par le juge d'instruction ; son acceptation du risque inhérent à la pratique sportive est en tout état de cause partiellement exonératoire de sa propre responsabilité ;

- il n'y a pas non plus de lien de causalité entre la chute et les fautes qui lui sont reprochés ; les irrégularités entachant la procédure d'homologation et la faute tenant à l'absence d'arrêt de la compétition ont au mieux entrainé une perte de chance pour la victime d'éviter la chute ;

- l'évaluation du préjudice par le juge pénal ne lie pas le juge administratif qui doit procéder à sa propre évaluation, le cas échéant après expertise, avant de condamner la personne responsable à verser une somme au fonds de garantie dans le cadre de son action récursoire ; les chefs de préjudice tenant au déficit fonctionnel permanent et aux frais d'assistance d'une tierce personne doivent ainsi être plus justement évalués.

Par des mémoires, enregistrés le 5 juillet 2019 et le 14 avril 2020, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, représenté par Me A... et Me I..., demande à la cour de réformer le jugement attaqué, de condamner la fédération française de cyclisme à lui verser la somme de 1 614 911,81 euros majorée de intérêts légaux à compter de chacun des règlements effectués et à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il fait valoir que :

- l'autorité de la chose jugée au pénal ne permet plus à la fédération de discuter l'appréciation des faits réalisée par le juge répressif, notamment quant à l'origine de la chute de M. B..., tenant à la mauvaise tenue du revêtement de la piste ;

- les manquements de la fédération sont établis s'agissant des irrégularités entachant la procédure d'homologation de la piste de BMX ; l'obligation d'homologation d'une piste destinée à une compétition nationale découle des prérogatives de puissance publique, notamment issues de l'article L. 131-15 du code du sport ;

- la faute de la victime n'est pas établie, un troisième expert ayant retenu que la chute a pour origine la mauvaise qualité du revêtement qui lui a fait rater sa figure de cabré-enroulé ;

- le lien de causalité entre les manquements reprochés à la fédération et la chute de M. B... est direct et certain ;

- la requérante n'indique pas en quoi les sommes allouées à la victime et ses parents seraient infondées ou excessives ; par erreur, le fonds a demandé une somme inférieure de 30 000 euros à celle à laquelle il était subrogé dans les droits de la victime.

Un mémoire, enregistré le 14 octobre 2020, présenté par la fédération française de cyclisme et les sociétés MMA IARD SA et MMA assurances mutuelles, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions incidentes du fonds de garantie des victimes d'es actes de terrorisme et autres infractions tendant à la majoration de la condamnation prononcée par le juge de première instance qui sont nouvelles en appel.

Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2021, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions a présenté ses observations au moyen soulevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code du sport ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- les observations de Me G..., avocate de la fédération française de cyclisme et des sociétés MMA IARD et assurances mutuelles ;

- et les observations de Me I..., avocate du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 mars 2002, M. F... B..., né le 24 juin 1978, a été victime d'une grave chute lors d'une compétition du championnat de France de Bicross BMX organisée par le club de Mours-Saint-Eusèbe dans la Drôme qui l'a laissé tétraplégique. Suite au dépôt de plaintes des parents de la victime, M. C... et Mme H... B..., une information judiciaire a été ouverte avec trois expertises successives sur les causes de l'accident confiées à MM. Boutin, Lalande et Poussin. La fédération française de cyclisme (FFC) a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Valence par ordonnance du juge d'instruction du 16 août 2010, puis condamnée pour blessures involontaires par personne morale suivies d'une incapacité supérieure à trois mois selon jugement du tribunal correctionnel du 13 décembre 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 26 novembre 2012, laquelle s'est toutefois déclarée incompétente pour connaitre de l'action civile de M. F... B... et ses parents contre la fédération française de cyclisme. Les pourvois en cassation de la fédération française de cyclisme et ses assureurs ont été rejetés par arrêt de la chambre criminelle du 21 janvier 2014. Parallèlement, les consorts B... ont plusieurs fois saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction près le tribunal de grande instance de Valence qui les a d'abord déboutés par ordonnance du 2 juin 2009, puis a sursis à statuer par jugements du 17 novembre 2011, 4 mars 2013 et 4 juillet 2013. Par arrêts du 1er avril 2014, la cour d'appel de Grenoble a annulé ces dernières décisions, accordé des provisions et ordonné une expertise médicale confiée au Dr Larcher qui a remis son rapport le 31 janvier 2015. Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) a versé d'autres provisions aux consorts B... puis, par décision du 27 juin 2016, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a fixé les indemnités versées au titre des préjudices de M. B... (sauf perte de gains professionnels actuels et assistance d'une tierce personne) et de ses parents. Sur appel des consorts B..., un arrêt du 21 janvier 2020 de la cour d'appel de Grenoble a toutefois réformé cette décision et fixé l'ensemble des chefs de préjudice. Le 19 décembre 2016, le FGTI a saisi le tribunal administratif de Grenoble pour obtenir de la FFC le remboursement des sommes d'ores et déjà versées aux consorts B... pour un montant de 1 584 911,81 euros. Par jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la FFC à verser au FGTI la somme précitée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016. Par requête enregistrée le 19 mars 2019, la FFC et ses assureurs, les sociétés MMA IARD SA et MMA assurances mutuelles, demandent l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions indemnitaires du FGTI, à titre subsidiaire de retenir sa responsabilité à hauteur de 50 %, mais également, de surseoir à statuer dans l'attente du recours subrogatoire définitif du FGTI sinon d'ordonner une expertise pour fixer les conséquences dommageables. Le FGTI a présenté des conclusions incidentes tendant à porter la condamnation prononcée à la somme de 1 614 911,81 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions de la fédération française de cyclisme :

S'agissant de la responsabilité :

2. Aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale : " Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne (...) ". L'indemnité ainsi prévue est allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. Aux termes de l'article 706-11 du même code : " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle, le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes (...) ". Il résulte de ces dispositions que le fonds de garantie, lorsqu'il a indemnisé un dommage causé par une infraction, peut exercer un recours subrogatoire à l'encontre non seulement de l'auteur de cette infraction mais également de toute personne tenue de réparer le dommage, notamment parce qu'elle y a concouru dans des conditions de nature à engager sa responsabilité.

3. En premier lieu, l'autorité de chose jugée par une juridiction pénale française ne s'impose au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait qu'elle a retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement qu'elle a rendu et qui est devenu définitif. Il ressort des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 26 novembre 2012, devenu définitif, que le juge répressif a jugé que le revêtement de la piste devant l'obstacle sur lequel a chuté M. B... était " meuble, insuffisamment tassé, au moins par endroits et s'étant dégradé au fur et à mesure du déroulement des essais et des courses ". La FFC ne peut utilement, en s'appuyant sur divers témoignages recueillis lors de l'enquête préliminaire, contester la matérialité des faits tenant à la constatation par le juge pénal d'un revêtement dégradé à l'endroit de la chute de la victime.

4. En deuxième lieu, il découle de l'article L. 131-15 du code du sport que : " Les fédérations délégataires : 1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux (...) " et de l'article L. 131-16 du même code que : " Les fédérations délégataires édictent : (...) 2° Les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés (...) ". Selon une convention passée le 21 mai 2001, la fédération française de cyclisme a confié au club de Mours l'accueil et l'organisation d'une compétition du championnat de France de BMX en s'engageant à mettre en oeuvre tous les moyens techniques et réglementaires nécessaires à l'organisation sportive des compétitions et en déclarant assumer l'entière responsabilité du choix définitif de la piste et de son tracé, qui doit faire l'objet d'une homologation devant intervenir au minimum six mois avant la date de l'épreuve, ainsi que la désignation des officiels de la course comprenant notamment la directrice de la course. Enfin, un guide d'aide et de mise en oeuvre en vue de l'homologation d'une piste de BMX adopté par la commission nationale de la FFC le 24 octobre 2001 précise que " Le revêtement doit être suffisamment dur pour permettre une vitesse maxi, mais rester souple pour respecter les conditions de sécurité des pilotes en cas de chute, en terme technique, une chape stabilisée. Une piste devra rester fiable quelles que soient les conditions météorologiques. (...) ".

5. D'une part, il résulte de l'instruction que le commissaire fédéral, représentant de la FFC, a procédé à l'homologation de la piste destinée à accueillir le " master " de BMX à l'issue d'une unique visite effectuée le 2 mars 2002, soit environ trois semaines avant ladite compétition au lieu des six mois prévus, alors qu'il indiquait lui-même que la piste était en travaux, qu'il avait demandé des aménagements, qu'il avait noté quelques non-conformités, notamment en termes de compactage de la piste et qu'aucun test de la piste n'a été effectué par un pilote du niveau " élite " auquel la victime appartenait. Il est constant que le dossier d'homologation ne comportait pas le certificat de conformité réglementaire de la piste comme il est prévu dans le guide d'homologation précité. Dans ces conditions, il est suffisamment établi que la FFC a méconnu ses obligations rappelées au point 4 quant à la procédure d'homologation de la piste, et notamment afin de vérifier que la piste était conforme aux recommandations issues de son propre guide.

6. D'autre part, si la piste a fait l'objet d'une reconnaissance et d'essais par des coureurs avant l'ouverture officielle de la compétition, il ressort des constatations du juge pénal que le revêtement de la piste, déjà altéré par des pluies survenues la veille, s'est détérioré en plusieurs endroits, causant un nombre anormalement élevé d'intervention de secours pendant les épreuves, ce qui aurait dû amener la directrice de la course, désignée par la FFC, à envisager une neutralisation des parties dangereuses de la piste ou une annulation de la compétition alors que celle-ci était " investie par la fédération du pouvoir laissé à sa prudence et à sa discrétion de décider d'ouvrir la compétition et de l'arrêter en cas de nécessité " et ne disposait pas du certificat de conformité réglementaire de la piste. Dès lors, la FFC a également commis une faute en laissant se dérouler une compétition dans des conditions matérielles dégradées quant à la piste de l'épreuve sportive.

7. Il découle des deux points précédents que la FFC a commis des manquements dans ses obligations d'organisation des épreuves et de respect de ses propres règlements en la matière, lesquels sont constitutifs d'une faute qui, contrairement à ce que la requérante soutient, n'a pas à être caractérisée pour engager sa responsabilité.

8. En troisième lieu, la mauvaise tenue du revêtement de la piste, dont il incombait à la FFC de vérifier qu'elle était conforme aux normes réglementaires d'homologation édictées par elle-même, de s'assurer du caractère effectif de son homologation et de prendre toute mesure adéquate pour assurer la sécurité de la compétition, dont la décision de neutraliser les parties dangereuses de la piste voire d'arrêter la compétition face au constat de la dégradation de l'état de la piste, est à l'origine directe et certaine de la chute de M. B.... Par suite, le lien de causalité entre les fautes commises par la FFC et les préjudices subis par la victime doit être regardé comme suffisamment établi. Dans ces conditions, il ne saurait être fait application d'une perte de chance d'éviter la chute comme le demande la requérante.

9. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que la chute de M. B... est survenue au niveau d'une double bosse en sortie de virage qu'il a entendu franchir par l'utilisation d'une manoeuvre appelée " cabré-enroulé " consistant à lever la roue avant du vélo avant la bosse pour la passer sur la roue arrière. Si la FFC fait valoir que des témoins et le premier expert mandaté par le juge ont estimé que la chute découle du choix d'une manoeuvre potentiellement plus risquée que celle utilisée par les autres compétiteurs et de sa mauvaise exécution, aggravée par l'usage de pédales automatiques, il résulte de l'instruction, et notamment d'autres témoignages et expertises effectués lors de l'enquête préliminaire, que l'échec rencontré par M. B... dans la réalisation de sa figure provient d'un effet de freinage imprévisible en raison d'un revêtement dégradé devant la première bosse, provoquant l'abaissement brutal de la roue avant qui a heurté le sommet de cette bosse et induit la chute subséquente sur la deuxième bosse. Il s'ensuit qu'aucune faute de la victime ne peut exonérer, même partiellement, la FFC de sa responsabilité.

10. Il découle de ce qui précède que la FFC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu sa responsabilité pleine et entière dans les conséquences dommageables subis par M. B... du fait de sa chute lors de la compétition de BMX du 30 mars 2002.

S'agissant du préjudice :

11. Par arrêt du 1er avril 2014, la cour d'appel de Grenoble a reconnu le droit à indemnisation de M. F... B... et celui de ses parents C... et Micheline B... et a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 31 janvier 2015. Par décision du 27 juin 2016, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal de grande instance de Valence a fixé les indemnités versées au titre des préjudices de M. B... pour un montant global de 2 610 166,04 euros. En exécution de cette décision, le FGTI justifie avoir versé une somme de 904 911,81 euros, à laquelle s'ajoute des provisions déjà versées pour un montant de 650 000 euros, soit un montant non contesté de 1 554 911,81 euros. En exécution de cette même décision Le FGTI a également versé la somme de 30 000 euros chacun aux parents de la victime. Le FGTI était donc subrogé aux droits des victimes à hauteur de 1 614 911,81 euros lorsqu'il a adressé sa réclamation préalable du 19 mai 2015 à la FFC et a saisi le tribunal administratif de Grenoble selon requête enregistrée le 19 décembre 2016. Enfin, par arrêt du 21 janvier 2020, la cour d'appel de Grenoble a porté le montant global de l'indemnisation de M. F... B... à la somme de 3 650 638 euros, outre une rente viagère d'un capital représentatif de 4 144 562,30 euros à compter du 1er janvier 2020.

12. Contrairement à ce que soutient la FFC, les décisions précitées et le rapport d'expertise judiciaire suffisent à justifier tant de la réalité que du quantum des préjudices subis par la victime directe et les victimes indirectes de l'accident survenu le 30 mars 2002. Comme l'a indiqué le tribunal administratif de Grenoble, ces décisions et cette expertise détaillent le dommage subi par M. B... poste par poste selon la nomenclature Dinthillac permettant, le cas échéant, à la FFC d'en contester le principe ou le montant. Néanmoins, tant en première instance qu'en cause d'appel, la FFC et ses assureurs ne discutent pas sérieusement la réalité ou l'évaluation de ces préjudices mais se bornent à citer deux jurisprudences administratives portant sur le déficit fonctionnel permanent ou l'assistance par tierce personne et à faire valoir qu'il appartient à la juridiction administrative de procéder à sa propre évaluation des préjudices des victimes en recourant à une nouvelle expertise. Toutefois, eu égard à l'absence de contestation sérieuse sur le préjudice subi par M. B... et ses parents et sur la subrogation dans leurs droits dont se prévaut le FGTI en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le préjudice invoqué par le FGTI doit être regardé comme établi dans son principe et son montant, rendant inutile la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par la FFC. Par suite, les conclusions de la FFC tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une présentation par le FGTI d'un recours subrogatoire poste par poste ou qu'une expertise contradictoire soit diligentée ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il découle de ce qui précède que la FFC doit être condamnée à verser au FGTI la somme de 1 584 911,81 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, date d'enregistrement de sa demande devant les premiers juges.

13. Il découle de tout ce qui précède que la FFC et ses assureurs ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la fédération à verser au FGTI la somme de 1 584 911,81 euros assortie des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2016.

En ce qui concerne les conclusions incidentes du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions :

14. Devant le tribunal administratif de Grenoble, le FGTI a présenté des conclusions tendant à la condamnation de la FFC à lui allouer une indemnité de 1 584 911,81 euros, somme à laquelle la fédération sportive a été condamnée par le jugement attaqué. Le FGTI ne se prévaut en appel d'aucun chef de préjudice autre que ceux pour la réparation desquels cette somme avait été réclamée, non plus que d'une aggravation du préjudice subi, mais invoque seulement une erreur de calcul tenant à l'oubli d'une somme de 30 000 euros concernant un des parents de la victime, au demeurant soulignée par le juge de première instance. Les conclusions présentées par le fonds devant la cour administrative d'appel tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 1 614 911,81 euros constituent ainsi une demande nouvelle en appel qui n'est pas recevable. Il s'ensuit que les conclusions incidentes du FGTI tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 février 2019 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du FGTI présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la fédération française de cyclisme et des sociétés MMA IARD et assurances mutuelles est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infraction sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération française de cyclisme, aux sociétés MMA lard SA et MMA lard Assurances Mutuelles, au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, à la caisse primaire d'assurance maladie des AlpesMaritimes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

N° 19LY01113 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01113
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

63-05-04 Sports et jeux. Sports. Accidents subis au cours de séances d'entraînement ou de compétitions.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP ARNAUD - REY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-04;19ly01113 ?
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