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29/04/2021 | FRANCE | N°19LY03108

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 avril 2021, 19LY03108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G..., M. B... G..., Mme D... G..., Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 décembre 2015 par laquelle le directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) leur a fait une offre d'indemnisation, de condamner l'ONIAM à verser la somme de 1 740 538,55 euros à Mme A... G... en réparation des préjudices subis en raison de sa vaccination

contre la grippe A (H1N1) et les sommes de 10 000 euros chacun à M. B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G..., M. B... G..., Mme D... G..., Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 décembre 2015 par laquelle le directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) leur a fait une offre d'indemnisation, de condamner l'ONIAM à verser la somme de 1 740 538,55 euros à Mme A... G... en réparation des préjudices subis en raison de sa vaccination contre la grippe A (H1N1) et les sommes de 10 000 euros chacun à M. B... G... et Mme D... G..., ses parents, ainsi qu'à Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G..., ses frère et soeurs, au titre de leurs préjudices propres, et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1601238 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser, d'une part, à Mme A... G... une somme de 367 912,71 euros, une rente au titre des frais d'assistance par tierce personne d'un montant annuel de 12 775 euros ainsi qu'une rente au titre du besoin d'assistance scolaire et d'accompagnement lors des transports scolaires d'un montant annuel de 5 600 euros, ces rentes étant versées trimestriellement et revalorisées par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, d'autre part, à M. B... G... et à Mme D... G... des sommes de 8 000 euros chacun, et à Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G... des sommes de 7 000 euros chacun, a mis à la charge de l'ONIAM versement aux consorts G... d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2019 et des mémoires enregistrés le 28 avril 2020 et le 10 décembre 2020, les consorts G..., représentés par Me H..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1601238 du 11 juin 2019 en ce que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires ;

2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à verser à Mme A... G... la somme de 1 758 933,79 euros au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de la pathologie qu'elle a développée à la suite de sa vaccination contre la grippe A (H1N1) ;

3°) de condamner l'ONIAM à verser à M. B... G... et à Mme D... G... la somme de 25 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres du fait de la pathologie développée par leur fille ;

4°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme C... G..., à Mme I... G... et à M. F... G... la somme de 18 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres du fait de la pathologie développée par leur soeur ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale confiée à un neurologue ;

6°) de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité entre la vaccination de Mme A... G... contre la grippe A et le développement de la narcolepsie avec cataplexie est établi ;

- Mme A... G... a droit à :

* la somme de 19 145 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* la somme de 20 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, évaluées à 5 sur une échelle de 7 ;

* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué à 5 sur 7 ;

* la somme de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, évalué à 4,5 sur 7 ;

* la somme de 12 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* la somme de 25 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

* la somme de 215,55 euros au titre des dépenses de santé, incluant des frais d'un montant de 175,55 euros d'une hospitalisation en septembre 2013 ainsi que des frais de 40 euros au titre d'une hospitalisation du 11 au 12 janvier 2018 ;

* la somme de 154 920 euros au titre de l'aide d'une tierce personne du 1er octobre 2010 au 31 juillet 2019 pour les réveils et la prise du traitement, les transports scolaires et les activités quotidiennes, en tenant compte d'un taux horaire de 16 euros, sans qu'il y ait lieu de déduire les aides non indemnitaires perçues par les consorts G... ;

* la somme de 45 000 euros au titre de l'assistance scolaire par une tierce personne du 1er octobre 2010 au 31 juillet 2019, en tenant compte d'un taux horaire de 25 euros, sans qu'il y ait lieu de déduire les aides au titre de l'assistance d'un auxiliaire de vie scolaire dont elle a bénéficié ;

* la somme capitalisée de 1 185 974,24 euros au titre de son besoin d'assistance permanente par une tierce personne, en tenant compte d'un taux horaire de 16 euros, à raison de 2h30 par jour, tous les jours, et d'une heure, durant 180 jours par an, pour l'accompagner dans ses déplacements pour se rendre à l'école ou au travail ;

* la somme de 4 500 euros au titre de l'assistance scolaire pendant un an, en tenant compte d'un taux horaire de 25 euros et d'un besoin d'une heure par jour pendant 180 jours ;

* la somme de 20 000 euros au titre du préjudice scolaire et universitaire du fait d'une pénibilité scolaire accrue, d'échecs scolaires et de réorientations ;

* la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de sa maladie post-vaccinale invalidante ;

- elle subira une perte de gains professionnels futurs qui est réservée ;

- M. B... G... et Mme D... G..., parents de Mme A... G... ont droit à :

* la somme de 15 000 euros chacun au titre du préjudice d'affection ;

* la somme de 10 000 euros chacun au titre d'un préjudice extrapatrimonial exceptionnel résultant de bouleversements dans leurs conditions d'existence ;

- Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G..., soeurs et frère de Mme A... G..., ont droit à :

* la somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice d'affection ;

* la somme de 8 000 euros chacun au titre d'un préjudice extrapatrimonial exceptionnel résultant de bouleversements dans leurs conditions d'existence.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 novembre 2020 et le 4 janvier 2021, l'ONIAM, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les consorts G... ne sont pas fondés ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle de Mme A... G... constituent des prétentions nouvelles en appel ;

- il y a lieu de déduire de la condamnation prononcée par les premiers juges le versement au titre de la première année de la rente accordée au titre de l'assistance par une tierce personne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 4 novembre 2009 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G..., née le 11 août 1995, a reçu le 14 décembre 2009, dans le cadre d'une campagne de vaccination contre le virus H1N1 organisée par un arrêté du 4 novembre 2009 du ministre de la santé et des sports pris sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, une injection du vaccin " Pandemrix ". Elle a présenté, à compter du mois de mars 2010, des symptômes d'hypersomnie qui ont conduit à diagnostiquer en novembre 2011 une narcolepsie associée à une cataplexie. Imputant cette pathologie à la vaccination, Mme G... a recherché une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre des dispositions de l'article L. 3131-4 du même code. Après expertise, l'Office a reconnu, par décisions du 20 octobre 2014 et du 28 décembre 2015, l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la pathologie dont souffre Mme G..., mais cette dernière n'a pas accepté son offre d'indemnisation et a demandé, ainsi que ses proches, au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'ONIAM à les indemniser des préjudices subis. Par un jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a reconnu l'imputabilité de la pathologie à la vaccination et a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... G... une indemnité de 367 912,71 euros, ainsi qu'une rente au titre des frais d'assistance par tierce personne et au titre du besoin d'assistance scolaire et d'accompagnement lors des transports scolaires, à M. B... G... et à Mme D... G..., ses parents, des sommes de 8 000 euros chacun, et à Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G..., ses soeurs et frère, des sommes de 7 000 euros chacun. Les consorts G... demandent la réformation de ce jugement en ce qu'il a insuffisamment évalué leurs préjudices, la condamnation de l'ONIAM à verser à Mme A... G... la somme totale de 1 758 933,79 euros, à ses parents la somme de 25 000 euros chacun et à ses frère et soeurs la somme de 18 000 euros chacun, et, subsidiairement, la réalisation d'une nouvelle expertise confiée à un neurologue.

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre de la santé et des sports du 4 novembre 2009 : " Une campagne de vaccination est conduite sur l'ensemble du territoire national pour permettre aux personnes qui le souhaitent de se faire immuniser contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009. (...) ". Selon l'article L. 3131-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Magnier, neurologue, missionné par l'ONIAM, qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, la narcolepsie avec cataplexie dont souffre Mme G... doit être regardée comme imputable à la vaccination qu'elle a reçue le 14 décembre 2009, ce que d'ailleurs l'ONIAM ne conteste pas.

Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme A... G... :

4. Il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de l'expertise du docteur Magnier, que la consolidation de l'état de santé de Mme G... doit être fixée à la date, non contestée en appel, du 28 février 2013.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

5. Mme G... demande, pour la première fois en appel, outre l'indemnité de 175,55 euros qui lui a été allouée en première instance au titre de frais d'hospitalisation restés à sa charge entre le 20 et le 26 septembre 2013, à être indemnisée à hauteur de 40 euros correspondant à des frais dont elle s'est acquittée le 12 janvier 2018 et relatifs à un séjour hospitalier au sein du service neurologique de l'hôpital Gui de Chauliac de Montpellier. Toutefois, Mme G... ne justifie pas que ces frais seraient restés à sa charge, alors qu'elle produit un bulletin de situation afférent à cette hospitalisation mentionnant une prise en charge intégrale par la sécurité sociale. Par suite, il n'y a pas lieu de lui accorder une somme à ce titre.

Quant à l'assistance par tierce personne :

S'agissant de la période avant consolidation :

6. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. La circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par l'ONIAM, que Mme G... a eu besoin, à compter du mois de janvier 2010, date d'apparition des premiers symptômes de sa pathologie, d'être assistée par une tierce personne, pour la réalisation des actes de la vie courante, à raison d'une heure trente par jour, tous les jours, du fait de son état de somnolence et de la nécessité de siestes répétées, puis, à compter du mois d'octobre 2010, date de la mise en route d'un premier traitement, d'une aide quotidienne supplémentaire à raison d'une heure par jour, pour la prise de ce traitement au cours de la nuit et pour l'assistance au lever ainsi que lors des siestes de midi et du soir.

8. Ainsi, l'indemnisation des besoins d'assistance à raison d'une heure entre le 1er janvier 2010 et le 28 février 2013 couvre 1 154 jours et celle à raison d'1h30 entre le 1er octobre 2010 et le 28 février 2013 couvre 881 jours. Dès lors que l'aide requise par l'état de santé de Mme G... peut être fournie par un personnel non spécialisé, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire de 12,91 euros correspondant au coût horaire moyen du SMIC pour cette période compte tenu des cotisations dues par l'employeur et des majorations de rémunération pour travail du dimanche. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 412 jours, soit un taux horaire de 14,57 euros. Mme G... peut ainsi prétendre, à ce titre, à une somme de 36 071,04 euros. Eu égard aux conditions d'attribution et aux finalités de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé, prestation dont l'objet inclut la prise en charge des frais d'assistance par une tierce personne, il y a lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, en application des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique citées au point 2, de déduire le montant des prestations perçues à ce titre par les parents de Mme G..., alors mineure, de la somme mise à la charge de l'ONIAM au titre de la réparation des frais d'assistance par tierce personne. Il résulte de l'instruction, notamment des relevés de la caisse d'allocations familiales de la Drôme, que les sommes perçues par M. et Mme G... au titre de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé, entre juin 2012 et février 2013, s'élèvent à 3 483,27 euros. Après déduction de ces sommes, l'ONIAM doit donc être condamné à verser à Mme G... la somme de 32 587,77 euros à ce titre.

9. En second lieu, il résulte également du rapport de l'expertise que Mme G... a eu besoin d'une aide spécifique, à compter de janvier 2010, à raison d'une heure par jour, cinq jours par semaine, en dehors des périodes de vacances scolaires, soit durant 180 jours par an, pour l'accompagner dans les transports scolaires et, dans les mêmes conditions, d'une heure quotidienne pour lui assurer un soutien scolaire. Il résulte de l'instruction que l'intéressée a bénéficié, à compter du mois de novembre 2012, d'un transport scolaire en taxi pris en charge par le département de la Drôme. Ainsi, l'indemnité due par l'ONIAM au titre de l'assistance dans les transports scolaires à raison d'une heure par jour, du lundi au vendredi pendant les périodes scolaires, est limitée à la période courant du 1er janvier 2010 au 30 octobre 2012, soit durant 510 jours. En outre, Mme G... a bénéficié d'un soutien scolaire du 1er janvier 2010 au 28 février 2013, soit durant 570 jours, qui a été assuré, ainsi qu'il résulte de l'expertise, par des membres de sa famille, sans qu'il ne soit établi que ceux-ci justifiaient de compétences spécifiques. Compte tenu de l'absence de travail le dimanche, les jours fériés et durant les périodes de congés scolaires, ce préjudice sera également indemnisé sur la base d'un taux horaire de 13 euros. Il suit de là que ce préjudice doit être évalué à la somme de 14 040 euros.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que l'indemnité due par l'ONIAM au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période avant consolidation s'élève à la somme de 46 627,77 euros.

S'agissant de la période entre la date de consolidation et la date de l'arrêt :

11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 et ainsi qu'il résulte en particulier de l'expertise, l'état de santé de Mme G... a requis, entre le 1er mars 2013 et la date du présent arrêt, soit durant 2 981 jours, l'aide d'une tierce personne dans la vie quotidienne à raison de deux heures trente par jour. Le coût de cette assistance s'élève ainsi, au vu d'une année 412 jours afin de tenir compte des majorations, congés et jours fériés et d'un taux horaire de 13,65 euros correspondant au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, entre 2013 et 2021, à la somme de 114 825,67 euros. Il convient de déduire, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé qui a été allouée aux parents de l'intéressée entre le 1er mars 2013 et le 31 juillet 2015, d'un montant total de 14 236,57 euros. En outre, il résulte de l'instruction que Mme G... a été admise, à compter de mars 2019, au bénéfice de l'allocation d'adulte handicapé et a perçu, à ce titre, jusqu'à la date du présent arrêt, la somme de 19 504,30 euros, qu'il convient également de déduire de l'indemnité accordée. En revanche, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas de prestation de compensation du handicap. Ainsi, l'indemnité due par l'ONIAM s'élève à la somme de 81 084,80 euros.

12. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que l'assistance rappelée au point 9, tant dans l'accompagnement dans les transports que dans le suivi scolaire, a été rendue indispensable par l'état de santé de Mme G... tout au long de sa scolarité. L'intéressée a poursuivi sa scolarité puis des études supérieures, en dernier lieu au sein de l'université Grenoble Alpes, jusqu'au 30 juin 2018, avant de suivre, depuis son domicile, une formation à distance du 24 octobre 2018 au 31 décembre 2019. Il n'est pas établi, ni même allégué, qu'au-delà de cette date, Mme G... aurait suivi une formation ou assumé une activité professionnelle ayant nécessité des déplacements. Il résulte également de l'instruction que Mme G... a bénéficié jusqu'en août 2014 d'une prise en charge des transports scolaires par le département de la Drôme de sorte que l'assistance dans les transports scolaires n'est justifiée que du 1er septembre 2014 au 30 juin 2018, soit durant quatre années scolaires, correspondant à une période de 720 jours. Ainsi en retenant un taux horaire moyen de 13,50 euros, l'indemnité due à Mme G... à ce titre s'élève à la somme de 9 720 euros. En outre, Mme G... s'est vue accorder l'aide d'un auxiliaire de vie scolaire du 1er septembre 2015 au 31 août 2017 pour l'assister dans sa vie quotidienne et dans ses activités d'apprentissage, puis du 1er septembre 2017 au 31 juillet 2018 pour l'aider dans son apprentissage. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette assistance par un auxiliaire de vie scolaire, prise en charge par l'Etat, répond au besoin d'assistance dans le suivi scolaire, tel qu'il a été identifié par l'expert mandaté par l'ONIAM. Ainsi, Mme G... n'est fondée à demander à être indemnisée de cette assistance que durant la période du 1er mars 2013 au 31 août 2015, puis du 24 octobre 2018 au 31 décembre 2019, soit durant 660 jours de scolarité. Ainsi, en retenant un taux horaire moyen de 16 euros, le taux de 18 euros retenu par les premiers juges pour la période postérieure au jugement litigieux n'étant ni insuffisant, eu égard à l'absence de travail dominical, les jours fériés et hors période scolaire, ni excessif, dès lors que Mme G... suivait une formation dans l'enseignement supérieur, l'indemnité due à Mme G... s'élève à la somme de 10 560 euros. Ainsi la somme due à Mme G... au titre de l'aide aux déplacements en période scolaire et de l'assistance au suivi de ses études s'élève au montant total de 20 280 euros.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que l'indemnité due par l'ONIAM au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période courant de la date de consolidation jusqu'à la date du présent arrêt s'élève à la somme de 101 364,80 euros.

S'agissant de la période après la date de l'arrêt :

14. En premier lieu, s'agissant des frais futurs d'assistance par tierce personne non échus à la date du présent arrêt, il y a lieu de fixer le tarif horaire à 14,21 euros afin de tenir compte de l'évolution du salaire minimum moyen, des charges sociales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche depuis la date du jugement attaqué. Compte tenu de ce tarif horaire, d'une assistance quotidienne de deux heures trente par jour pour les besoins rappelés au point 7, d'un nombre de 103 jours par trimestre pour prendre en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les jours fériés, l'ONIAM doit être condamné, au titre de cette assistance par une tierce personne après la date du présent arrêt, à verser à Mme G... une rente trimestrielle, et non un capital compte tenu de l'âge de la victime et de son taux d'incapacité permanente partielle, de 3 659,08 euros, soit un montant annuel de 14 636,32 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme G... au titre des aides financières à la tierce personne qu'il appartiendra à l'intéressée de porter à la connaissance de l'ONIAM. Le montant de cette rente sera revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

15. En second lieu, les premiers juges avaient condamné l'ONIAM à verser à Mme G... une rente d'un montant annuel de 5 600 euros, destinée à couvrir les besoins d'assistance scolaire, calculés sur la base d'un taux horaire de 18 euros, et d'accompagnement lors des transports scolaires, évalués à partir d'un montant horaire de 14 euros, sur justificatif de la scolarité effective de l'intéressée. Toutefois, l'intéressée, née en 1995, ayant achevé ses études le 31 décembre 2019, postérieurement au jugement attaqué mais avant le présent arrêt, il n'y a pas lieu de maintenir cette rente.

Quant au préjudice scolaire, universitaire et de formation :

16. Il résulte de l'instruction que la pathologie de Mme G... a eu des répercussions sur le suivi de sa scolarité secondaire, alors qu'elle était en classe de quatrième lorsque la maladie est survenue. En raison de la fatigue et des besoins de sommeil consécutifs à sa narcolepsie, entraînant des difficultés de concentration et d'apprentissage, elle a dû redoubler la classe de troisième, et indique avoir dû se réorienter. Toutefois, si elle soutient qu'elle a renoncé à devenir préparatrice en pharmacie du fait de sa pathologie, elle n'établit pas qu'elle envisageait de poursuivre de telles études alors qu'elle a indiqué, dès la classe de première, qu'elle souhaitait s'orienter en comptabilité. En outre, si la requérante a échoué à l'obtention d'une licence professionnelle " comptabilité et paye ", elle a toutefois obtenu un brevet de technicien supérieur en comptabilité et a suivi une formation de " bachelor social paie ". Dans ces conditions, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice subi en lui allouant à ce titre la somme de 5 000 euros.

Quant à l'incidence professionnelle :

17. Mme G... fait valoir, pour la première fois en appel, qu'elle a subi un préjudice au titre de l'incidence professionnelle de la pathologie résultant de sa vaccination contre le virus H1N1. Si l'ONIAM fait valoir que cette demande n'avait pas été formulée devant les premiers juges, il résulte de l'instruction qu'à la date du jugement contesté, ce préjudice n'était pas révélé dans toute son ampleur dès lors que Mme G... n'était pas alors entrée sur le marché du travail. Il résulte de l'instruction, notamment des certificats du 3 décembre 2019 et du 26 décembre 2019 du professeur Dauvilliers, coordinateur du centre de référence nationale sur la narcolepsie et les hypersomnies rares, que la pathologie de l'intéressée l'empêche d'exercer une activité professionnelle dans de bonnes conditions du fait d'une hypovigilance persistante et qui lui est difficile, de ce fait, de trouver un emploi dans sa branche d'activité, en qualité de comptable. L'incidence professionnelle subie par Mme G..., qui se traduit en particulier par une pénibilité accrue dans l'exercice d'une activité professionnelle, constitue un préjudice dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 15 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

18. Le tribunal administratif a fait une estimation qui n'est pas insuffisante du déficit fonctionnel temporaire partiel subi par Mme G..., évalué par l'expert à 75 %, à compter du 1er mars 2010, en lui allouant à ce titre une somme de 13 130 euros.

Quant aux souffrances endurées :

19. Les souffrances endurées par Mme G... du fait de sa narcolepsie cataplexie, incluant tant ses souffrances physiques que morales, ont été évaluées par l'expert commis par l'ONIAM à 5 sur une échelle de 7. Ces souffrances ont fait l'objet d'une juste appréciation par les premiers juges, qui ont alloué à ce titre la somme de 15 500 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

20. La somme de 180 000 euros mise à la charge de l'ONIAM par les juges de première instance au titre du déficit fonctionnel permanent subi par Mme G... n'est pas contestée en appel.

Quant au préjudice d'agrément :

21. Il résulte de l'instruction que Mme G... a été contrainte d'arrêter la pratique du futsal et du taekwondo, auxquels elle s'adonnait avant l'apparition des symptômes liés à la narcolepsie-cataplexie, dès lors que, selon les termes du rapport de l'expert, son asthénie devient sévère en cas de renforcement de l'activité physique. Les loisirs de l'intéressée, âgée de dix-sept ans à la date de consolidation de son état de santé, sont en outre réduits du fait d'un isolement social lié à sa pathologie. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'en fixant à 4 000 euros la part d'indemnisation correspondant au préjudice d'agrément qu'elle a subi, le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice. Il y a lieu de porter cette indemnité à 12 000 euros.

Quant au préjudice d'établissement :

22. Mme G... éprouve, du fait de sa pathologie, un isolement social, une altération de l'humeur, une fatigue et est sujette à des crises de cataplexie inopinées et incontrôlables. Compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont fait une indemnisation, qui n'est pas insuffisante, de son préjudice d'établissement en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices esthétiques temporaire et permanent :

23. Selon le rapport d'expertise cité ci-dessus, le préjudice esthétique temporaire, représenté principalement par des phases de somnolence, par une prise de poids ainsi que par la cataplexie, qui entraîne des manifestations visibles telles que la chute de la mâchoire, des difficultés d'expression ou une réduction des capacités motrices des membres supérieurs ou inférieurs, a été évalué à 5 sur une échelle de 7. Outre ces troubles esthétiques, la pathologie dont souffre Mme G... a, postérieurement à la consolidation, entraîné à compter de fin de l'année 2013 une hyperpilosité et s'est manifestée par la poursuite d'une prise de poids, à l'origine d'un préjudice esthétique permanent évalué à 4,5 sur une échelle de 7 par l'expert. Il sera fait une juste appréciation de ces postes de préjudice en accordant à Mme G... une somme globale de 20 000 euros.

Sur l'évaluation des préjudices subis par les victimes indirectes :

24. Les dispositions précitées de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique prévoient la réparation intégrale par l'ONIAM, en lieu et place de l'État, des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 du même code, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'une faute ni la gravité particulière des préjudices subis. Il résulte en outre de ces dispositions que la réparation incombant à l'ONIAM bénéficie à toute victime, c'est-à-dire tant à la personne qui a subi un dommage corporel du fait de l'une de ces mesures qu'à ceux de ses proches qui en subissent directement les conséquences.

25. D'une part, s'agissant des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice d'affection subis par M. B... G... et Mme D... G..., parents de la victime, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ces postes de préjudice, compte tenu de la gravité et de la persistance des troubles subis par leur fille, en leur allouant la somme de 8 000 euros chacun.

26. D'autre part, Mme C... G..., Mme I... G... et M. F... G..., soeurs et frère de la victime et qui étaient tous trois majeurs dès la survenue des premiers symptômes de la pathologie de Mme A... G..., ont subi un préjudice d'affection et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait de la dégradation de l'état de santé de leur soeur dont le tribunal administratif a fait une évaluation qui n'est pas insuffisante en leur allouant une somme de 7 000 euros chacun.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme A... G... est seulement fondée à soutenir que l'indemnité totale due par l'ONIAM doit être portée à la somme de 418 798,12 euros. Les frais futurs d'assistance par une tierce personne de Mme A... G... seront réparés sous la forme du versement d'une rente selon les modalités décrites au point 14.

Sur les frais liés au litige :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement aux consorts G... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 367 912,71 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A... G... par l'article 1er du jugement n° 1601238 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble est portée à la somme de 418 798,12 euros.

Article 2 : Le montant annuel de 12 775 euros de la rente que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A... G... par l'article 2 du jugement n° 1601238 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble est porté à 14 636,32 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme G... au titre des aides financières à la tierce personne qu'il appartiendra à l'intéressée de porter à la connaissance de l'ONIAM. Le montant de cette rente sera revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente prévue à l'article 3 du même jugement est supprimée.

Article 3 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1601238 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble sont reformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ONIAM versera la somme de 1 500 euros aux consorts G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., à M. B... G..., à Mme D... G..., à Mme C... G..., à Mme I... G..., à M. F... G..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.

2

N° 19LY03108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03108
Date de la décision : 29/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-29;19ly03108 ?
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