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27/04/2021 | FRANCE | N°20LY03650

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 27 avril 2021, 20LY03650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, l'a astreint à se présenter à la gendarmerie une fois par semaine et a fixé l'Ukraine, État dont il a la nationalité, comme pays de destination, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.

Par jugement n° 2007077, 2007078 lu

le 9 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, l'a astreint à se présenter à la gendarmerie une fois par semaine et a fixé l'Ukraine, État dont il a la nationalité, comme pays de destination, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.

Par jugement n° 2007077, 2007078 lu le 9 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2020 et le 1er avril 2021, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande, ainsi que l'arrêté du 25 septembre 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 50 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux méconnaît les articles 3, 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prive de base légale la fixation du pays de destination.

Par décision du 3 février 2021 la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. D... a été rejetée ainsi que son recours par décision du 18 mars 2021 du président de la cour.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction par ordonnance du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. D... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Arbarétaz, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, le droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'applique aux instances juridictionnelles à l'exclusion des décisions administratives. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de cette stipulation, dirigé contre l'arrêté litigieux pris dans son ensemble, doit être écarté comme inopérant.

2. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'obligation de quitter le territoire n'ayant pas pour objet d'assigner une destination à l'étranger dépourvu de droit à se maintenir en France, le moyen tiré de l'invocation des risques encourus au pays d'origine doit être écarté comme inopérant.

3. En troisième lieu, l'arrivée de M. D..., de son épouse et de son beau-fils, également en situation irrégulière, est récente tandis que lui-même a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans en Ukraine et que rien ne s'oppose à ce qu'il reconstitue son foyer dans cet État, et non pas exclusivement dans le Dombass. Il suit de là qu'en dépit de la présence en France de la fille et des petits-enfants de son épouse, l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté d'atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, M. D... ne se prévalant d'aucune circonstance impérieuse imposant son maintien sur le territoire, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.

4. En quatrième lieu, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, invoquée contre la fixation du pays de destination, doit être écartée par les motifs des points 2 et 3.

5. En cinquième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Or, M. D... est renvoyé à destination, non de la république populaire de Donetsk, région sécessionniste non reconnue par la communauté internationale qui, de ce fait, ne saurait avoir de ressortissants, mais de l'Ukraine, État en faveur duquel il soutient avoir accompli des missions de renseignement aux dépens des mouvements séparatistes pro-russes. Dès lors, si ses déclarations sont exactes, il n'a pas à redouter l'hostilité de l'État dont il a servi les intérêts et n'établit pas que celui-ci serait défaillant dans la protection de ses ressortissants qui se sont engagés pour le maintien de son intégrité territoriale.

7. Il suit de là que M. D... n'établit pas, ainsi que les dispositions précitées lui en attribuent la charge, la réalité des risques qu'il allègue encourir en cas de retour en Ukraine. Enfin, la circonstance que l'arrêté litigieux s'approprie sans nouvel examen les motifs de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui a rejeté le recours formé contre le rejet de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, n'a pu conduire le préfet de l'Ardèche à méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit à un procès équitable et n'est pas applicable aux autorités administratives.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2020 portant obligation de quitter le territoire dans les trente jours et fixation du pays de destination. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.

9. Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 par M. D..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D....

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

2

N° 20LY03650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03650
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : IMBERT MINNI JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-27;20ly03650 ?
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