Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 7 novembre 2019 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 1903530 lu le 30 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 6 août 2020, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me B..., demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté contesté au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le motif du refus de titre est tiré, non du détournement de visa ou d'une menace à l'ordre public mais de l'examen de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 313-15 ;
- sur le terrain de l'effet dévolutif, les moyens tiré du défaut de motivation et du défaut d'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier de traitement des antécédents judicaires manquent en fait ; les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la critique d'un délai de départ limité à trente jours lui soit accordé et de l'exception d'illégalité dirigée contre la fixation du pays de destination ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 4 janvier 2021, M. D... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ; il méconnait les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ; il est insuffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- sa situation justifie qu'un délai de départ de plus de trente jours lui soit accordé ;
- la fixation du pays de destination est entachée de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant tunisien, né en 2001, est entré en France au cours de l'année 2016 alors qu'il était encore mineur. Pris en charge en qualité de mineur isolé, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 7 novembre 2019, le préfet de la Côte d'Or a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Côte d'Or relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.
Sur le fond du litige :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions citées au point 2, le préfet de la Côte d'Or n'a relevé le détournement de visa que pour démontrer son absence d'isolement à son entrée en France et a considéré qu'il ne remplissait pas les conditions énoncées à l'article L. 313-15 précité. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a éprouvé des difficultés dans le suivi de sa formation de technicien de maintenance en système énergétique et climatiques. Les quelques attestations produites au dossier ne font pas ressortir une insertion particulière dans la société française, nonobstant la bonne volonté de l'intéressé et l'avis favorable de la structure d'accueil qui ne prend pas en compte sa dernière année de scolarisation. M. A... conserve, en outre, dans son pays d'origine ses parents avec lesquels il lui appartient de renouer. L'ensemble de ces circonstances a pu, sans erreur manifeste d'appréciation des critères énoncés par la disposition citée au point 2, conduire le préfet de la Côte d'Or à refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. A.... Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 7 novembre 2019 portant refus de séjour, les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
6. L'exigence de motivation instituée par les dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration s'applique à l'énoncé des seuls motifs sur lesquels l'administration entend faire reposer sa décision. Il suit de là que le refus de titre litigieux n'est pas entaché d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel des éléments caractérisant la situation de M. A..., que celui-ci regarde comme lui étant favorables et sur lesquels le préfet de la Côte d'Or n'a pas cru devoir se fonder pour lui refuser le titre de séjour. Il ne ressort, ni de la lecture des décisions attaquées, ni d'aucune autre pièce des dossiers, que le préfet de la Côte d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation personnelle de M. A... au regard des informations portées à sa connaissance. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
7. Enfin, le moyen tiré de la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires par une personne non habilitée doit être écarté comme inopérant, car dirigé contre le refus de titre de séjour qui ne lui oppose pas l'existence d'un risque d'atteinte à l'ordre public.
8. L'exception d'illégalité du refus de séjour dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée par les motifs des points 3, 4, 6 et 7.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". A la date de la mesure d'éloignement en litige, M. A... était entré récemment en France, conservait des attaches privées ou familiales dans son pays d'origine et ne justifiait pas d'une insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
10. M. A... ne produit aucun élément susceptible de justifier la nécessité d'un délai supplémentaire aux trente jours qui lui ont été accordés. Dès lors il n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet serait illégale.
11. L'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dirigée contre la fixation du pays de destination doit être écartée par les motifs des points 8 à 10.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 7 novembre 2019 par lesquelles il a refusé d'admettre M. A... au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. La demande à fin d'annulation présentée par M. A... devant le tribunal administratif doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction en délivrance de titre ou en réexamen et celles qui tendent à la prise en charge des frais de l'instance sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903530 lu le 30 juin 2020 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Côte-d'Or et au procureur près du tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
N° 20LY02216 2
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