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20/04/2021 | FRANCE | N°20LY03188

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 avril 2021, 20LY03188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa si

tuation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2002109 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002109 du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées du préfet de l'Isère du 9 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, faute pour le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'avoir renseigné dans son avis la rubrique relative aux éléments de procédure ;

- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 28 septembre 1961, déclare être entrée en France le 11 septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 31 octobre 2017, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de son état de santé. Par un arrêté du 9 octobre 2019, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de la reconduite. Mme A... relève appel du jugement du 23 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Selon l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ". La mention des éléments de procédure figurant à cet article renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

3. Il résulte de ces dispositions, notamment de celles de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la convocation du demandeur ou la demande d'examens complémentaires n'est qu'une faculté pour le médecin qui établit le rapport médical ou le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que cette faculté aurait été mise en oeuvre à l'égard de Mme A..., les rubriques de l'avis rendu le 3 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration concernant la convocation à de tels examens, les conditions dans lesquelles ils se sont déroulés et l'indication que l'étranger a été conduit à justifier de son identité lors de tels examens étaient sans objet et n'avaient pas à être renseignées.

4. En deuxième lieu, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration a estimé, dans son avis du 3 juin 2019, que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers ce pays. Si Mme A... fait valoir que son état de santé requiert la prise d'antalgiques morphiniques, commercialisés en France sous les dénominations " Skepan LP " et " Actiskenan ", qui ne sont pas disponibles en Algérie, les pièces médicales qu'elle produit, émanant du directeur du centre hospitalier de Kherrata (Algérie) et de plusieurs pharmaciens algériens et indiquant que les antalgiques ainsi dénommés ne sont pas disponibles, ne sont pas de nature à établir que la substance active contenue dans ces médicaments, le sulfate de morphine, ne serait pas disponible sous d'autres appellations en Algérie. Au demeurant, la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine de 2019, produite par le préfet en première instance, indique que le médicament dénommé " Skepan LP " est commercialisé en Algérie. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas de l'unique article de presse produit par la requérante, que la pénurie de médicaments en Algérie qu'elle allègue affecterait spécifiquement les antalgiques morphiniques. En outre, la seule circonstance que Mme A... ne soit pas affiliée à la caisse nationale algérienne des assurances sociales des salariés, n'est pas de nature à établir qu'elle ne pourra pas bénéficier du système de sécurité sociale algérien, lequel assure la prise en charge des plus démunis, ainsi qu'il ressort des éléments produits par le préfet en première instance. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... fait valoir qu'elle vit en France auprès de sa fille, de nationalité française, qui l'héberge et l'assiste dans les gestes de la vie quotidienne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France en 2017 et dont l'époux est décédé en Algérie en 2018, n'est pas isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment cinq de ses enfants et les six membres de sa fratrie et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans. A supposer que son état de santé requière l'aide d'un tiers, il n'est pas établi, ni même allégué, que cette assistance ne pourrait pas être apportée par l'un de ses proches vivant en Algérie. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme A..., le refus de séjour contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En dernier lieu, eu égard notamment aux motifs énoncés aux points 4 et 6, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A....

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4.

9. En second lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points 6 et 7.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., eu égard à son état de santé, peut voyager sans risque à destination de l'Algérie, où elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait, pour ce motif, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

2

N° 20LY03188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03188
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-20;20ly03188 ?
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