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13/04/2021 | FRANCE | N°19LY03400

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 avril 2021, 19LY03400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 27 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a prononcé le retrait de son agrément d'assistante maternelle, d'enjoindre au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme de lui délivrer cet agrément et de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 27 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a prononcé le retrait de son agrément d'assistante maternelle, d'enjoindre au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme de lui délivrer cet agrément et de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702169 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2019 et un mémoire enregistré le 13 mars 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702169 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a retiré son agrément d'assistante maternelle ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme de lui délivrer cet agrément ;

4°) de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel, qui ne se borne pas à reprendre sa demande de première instance, est recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il a répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation sans tenir compte de ses arguments ;

- les éléments de fait sur lesquels le département s'est fondé pour retirer son agrément sont contredits par les pièces qu'elle verse aux débats ;

- informé depuis de nombreuses années de ses difficultés, le département du Puy-de-Dôme n'a jamais considéré que celles-ci ne lui permettaient pas d'exercer la profession d'assistante maternelle ; elle est apte à se remettre en cause ; les parents des enfants accueillis sont satisfaits de son travail ; les difficultés dans la prise en charge des enfants et à leur offrir une relation stable et de qualité ne sont pas établies ; les éléments pris en compte pour retenir son agrément sont insuffisants et non corroborés par des éléments objectifs ; elle a obtenu le certificat d'aptitude professionnelle " accompagnement éducatif petite enfance " ; la décision attaquée est ainsi entachée d'une erreur d'appréciation ;

- le retrait d'agrément est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2019, le département du Puy-de-Dôme, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me D... représentant le département du Puy-de-Dôme.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agréée en qualité d'assistante maternelle depuis le 1er octobre 1992, était autorisée à accueillir trois enfants à titre non permanent depuis le 1er novembre 1993. Elle a déposé, le 26 avril 2017, une demande de renouvellement de cet agrément pour l'accueil simultané de trois enfants. En l'absence de notification d'une décision dans le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, le renouvellement de l'agrément demandé a été réputé acquis le 26 juillet 2017. Estimant que Mme B... ne remplissait plus les conditions pour être agréée en qualité d'assistante maternelle, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, par une décision du 27 octobre 2017, a procédé au retrait de l'agrément qui avait été tacitement renouvelé. Mme B... demande l'annulation du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 octobre 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par Mme B... ont, au point 10 du jugement attaqué, après avoir pris en considération les éléments soumis à leur appréciation et notamment les conclusions des enquêtes conduites par une infirmière puéricultrice ainsi qu'un médecin psychologue du service de la protection maternelle et infantile, répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont le président du conseil départemental aurait entaché la décision en litige. La circonstance que le tribunal n'aurait pas suffisamment pris en compte certaines des pièces produites n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement, et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les entretiens avec un candidat à des fonctions d'assistant maternel ou avec un assistant maternel agréé et les visites à son lieu d'exercice doivent permettre d'apprécier, au regard des critères précisés dans le référentiel figurant à l'annexe 4-8 du présent code, si les conditions légales d'agrément sont remplies ". Parmi les critères énumérés par la section 1 de l'annexe 4-8, il convient de prendre en compte " l'aptitude à la communication et au dialogue nécessaire pour l'établissement de bonnes relations avec l'enfant, ses parents et les services départementaux de protection maternelle et infantile ", " la capacité à percevoir et prendre en compte les besoins de chaque enfant, selon son âge et ses rythmes propres, pour assurer son développement physique, intellectuel et affectif et à mettre en oeuvre les moyens appropriés, notamment dans les domaines de l'alimentation, du sommeil, du jeu, des acquisitions psychomotrices, intellectuelles et sociales ", " la capacité à poser un cadre éducatif cohérent, permettant l'acquisition progressive de l'autonomie, respectueux de l'intérêt supérieur de l'enfant et des attentes et principes éducatifs des parents, favorisant la continuité des repères de l'enfant entre la vie familiale et le mode d'accueil ", " la capacité à mesurer les responsabilités qui sont les siennes vis-à-vis de l'enfant, de ses parents ainsi que des services départementaux de protection maternelle et infantile " ainsi que " la compréhension et l'acceptation du rôle d'accompagnement, de contrôle et de suivi des services départementaux de protection maternelle et infantile ".

4. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, qui a été prise après un avis unanime de la commission consultative paritaire départementale et au vu d'éléments factuels précis recueillis par les services de protection maternelle et infantile, en particulier lors d'une visite effectuée le 30 mai 2017 par une infirmière puéricultrice au domicile de Mme B... et d'un entretien d'évaluation psychologique qui s'est tenu le 28 juin 2017, est fondée, en premier lieu, sur les difficultés relationnelles entretenues par l'intéressée avec les enfants accueillis, leurs parents ainsi que les personnels de la protection maternelle et infantile, en deuxième lieu, sur la circonstance que le bien-être et l'épanouissement des enfants confiés ne constituait pas, pour elle, un objectif prioritaire et, en dernier lieu, sur la circonstance que Mme B... ne disposait pas d'une capacité à offrir une relation stable et de qualité aux jeunes enfants accueillis.

6. Si la requérante confirme que des difficultés relationnelles et une confusion dans les propos tenus lui avaient déjà été reprochés par le médecin du service de la protection maternelle et infantile en 2012 sans que cela ne préjudiciât alors au renouvellement de son agrément, cette circonstance n'est pas de nature, au contraire, à infirmer les difficultés dans ses relations avec autrui soulignées par l'infirmière puéricultrice. Il ressort à cet égard du compte rendu de la visite effectuée du 30 mai 2017, qu'ont été relevées à l'encontre de Mme B... des difficultés de communication avec les enfants confiés, se matérialisant en particulier par l'absence de réponse aux sollicitations de jeunes enfants, de regards ou d'échanges avec ceux-ci lors du coucher, de nature à nuire à leur épanouissement. Ces constatations, opérées peu de temps avant la décision litigieuse par des professionnels de l'enfance, ne sont pas contredites par les conclusions d'un examen psychiatrique produit par Mme B... et réalisé plus de dix ans auparavant et qui relevait, au demeurant, une personnalité dominée par une hypersensibilité susceptible de la mettre en difficulté dans sa relation avec autrui, ni par les attestations de parents. Mme B... ne conteste pas les difficultés de dialogue qui lui sont reprochées avec le service départemental de protection maternelle et infantile. En outre, il ressort des éléments non contestés du compte rendu de visite domiciliaire du 30 mai 2017 que la requérante, sans en parler aux parents, ne respecte pas les souhaits exprimés par ceux-ci en termes de prise en charge de l'enfant afin d'assurer une continuité éducative. Mme B... ne conteste pas davantage le reproche qui lui est fait de ne pas respecter le rythme de sommeil propre aux jeunes enfants en faisant le choix de les réveiller pour organiser des promenades. Enfin, la circonstance qu'elle a obtenu, postérieurement à la décision de retrait d'agrément contestée, le certificat d'aptitude professionnelle " accompagnement éducatif petite enfance ", est sans incidence sur la légalité de cette décision. En retenant, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que les conditions d'accueil proposées par la requérante ne permettaient pas de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs accueillis, et en procédant pour ces motifs, au retrait de l'agrément de Mme B..., le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. En second lieu, si Mme B... invoque en appel le moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif, tiré du détournement de pouvoir sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont portée sur les mérites de ce moyen. Dès lors, Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges que la cour fait siens.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le département du Puy-de-Dôme, au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Puy-de-Dôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

2

N° 19LY03400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03400
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02-02-01 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance. Placement des mineurs. Placement familial.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DUBUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-13;19ly03400 ?
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