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13/04/2021 | FRANCE | N°19LY02481

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 avril 2021, 19LY02481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à lui verser, à titre principal, une somme totale de 12 500 euros et, à titre subsidiaire, une somme totale de 11 962,50 euros en réparation de ses préjudices.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, a informé le tribunal administratif de Lyon qu'elle n'avait aucune créance à faire valoir.

Par un jugement n° 1805993 du 23 avril 2019, le tribuna

l administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à verser à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à lui verser, à titre principal, une somme totale de 12 500 euros et, à titre subsidiaire, une somme totale de 11 962,50 euros en réparation de ses préjudices.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, a informé le tribunal administratif de Lyon qu'elle n'avait aucune créance à faire valoir.

Par un jugement n° 1805993 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à verser à Mme E... la somme de 500 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 juillet et le 7 août 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, :

1°) de réformer le jugement du 23 avril 2019 en tant que le tribunal administratif de Lyon a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 500 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à lui verser la somme de 9 502 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la faute commise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors que la réclamation préalable indemnitaire ne peut avoir pour effet de fixer le montant de la demande indemnitaire devant la juridiction ; en tout état de cause, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier n'a plus lieu d'être dès lors que sa demande ne dépasse pas un montant de 10 000 euros ;

- le centre hospitalier a commis une faute au cours de l'intubation ; l'anesthésiste qui a manqué de précaution en l'intubant alors qu'elle portait un bridge aurait dû prendre les mesures nécessaires afin d'éviter tout sinistre ; malgré l'urgence de la situation due à son état de santé, elle a pensé à avertir le personnel de la présence de sa prothèse dentaire ; au vu du dommage causé, l'expulsion de deux racines et le décollement de trois autres, l'intubation a été réalisée de façon brutale ; le centre hospitalier n'établit pas la prétendue fragilité dentaire ;

- elle n'a pas été informée des risques liés à l'intervention chirurgicale ;

- son préjudice matériel résultant de la mise en place d'implants et de couronnes s'élève à la somme de 7 027 euros ; les factures attestent de son préjudice matériel ; elle n'a bénéficié d'aucune prise en charge par l'assurance maladie ;

- les troubles dans ses conditions d'existence en lien avec son apparence alors qu'elle exerce un métier relationnel justifient l'allocation d'une somme de 2 475 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 7 mai et le 16 juillet 2020, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions sont irrecevables dès lors que Mme E... a sollicité, dans sa demande préalable, la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 10 000 euros ; elle est irrecevable à solliciter une somme supérieure à celle réclamée dans la demande préalable ;

- s'agissant du préjudice matériel, si Mme E... a effectivement fait réaliser les soins dentaires, elle n'établit pas le montant de la somme restée effectivement à sa charge dès lors que l'assurance maladie prend en charge ce type de soins ;

- Mme E... n'établit pas que les prothèses provisoires ont été à l'origine d'un préjudice tel que la somme de 500 euros allouée par le tribunal administratif serait insuffisante ; l'intéressée, qui était au chômage au moment de l'intervention, n'établit pas que les prothèses dentaires provisoires étaient instables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me D... représentant le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 juin 2017, Mme B... E... a été admise au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse en raison d'une péritonite. Le 21 juin 2017, elle a subi une intervention chirurgicale au cours de laquelle une intubation a été réalisée. Cette intubation a été à l'origine de la perte de cinq dents sur lesquelles étaient implantés des bridges. Le 13 juin 2018, Mme E... a formé une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée le 3 juillet 2018. Mme E... relève appel du jugement du 23 avril 2019 en tant que le tribunal administratif de Lyon a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 500 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse :

2. Un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. Par suite, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ne peut faire valoir que la réclamation préalable indemnitaire tendant à l'allocation d'une somme de 10 000 euros a eu pour effet de fixer définitivement le montant de l'indemnité qui peut être sollicitée devant le juge administratif. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse doit être écartée.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse :

En ce qui concerne le défaut d'information :

3. Aux termes de l'article L. 11112 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".

4. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.

5. Mme E... fait valoir qu'elle n'a pas été informée des risques liés à l'intervention chirurgicale.

6. Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information sur les risques que comportait une intubation. Toutefois, il n'est pas contesté que l'intubation en vue de l'intervention chirurgicale que Mme E... a subie pour traiter la péritonite dont elle souffrait était impérieusement requise de sorte que Mme E... ne disposait pas de possibilité raisonnable de refus. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse en raison d'un défaut d'information des risques résultant de l'intubation subie en vue de l'intervention chirurgicale du 21 juin 2017.

En ce qui concerne la faute alléguée lors de la prise en charge de Mme E... :

7. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".

8. Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ne conteste pas le principe de sa responsabilité résultant du défaut de précaution lors de l'intubation pour éviter la perte de dents et ce alors que Mme E... fait valoir qu'elle avait informé le personnel soignant de ce qu'elle était porteuse d'une prothèse dentaire dont il n'est pas établi qu'elle aurait présenté des signes de fragilité. Par suite, ce défaut de précaution lors de l'intubation présente le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité entière du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Sur l'évaluation des préjudices :

9. Il résulte de l'instruction que Mme E... a été contrainte d'engager des frais dentaires à la suite de la perte de dents antérieures (bridge fixe de 13 à 22) ainsi que le précise le chirurgien-dentiste qui l'a, le 23 juin 2017, examinée dans sa chambre d'hôpital. L'intéressée produit, pour la première fois en appel, les factures acquittées des soins dentaires effectués le 30 mars 2018 pour un montant de 7 625 euros, dont il convient de déduire la somme de 600 pris en charge par sa mutuelle, et le 30 octobre 2019 pour un montant de 2 300 euros, dont il convient de déduire la somme de 2 298 euros prise en charge par une complémentaire de santé. Si le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse soutient qu'une partie de ces frais a pu également être prise en charge par l'assurance maladie, Mme E... établit que ses soins dentaires n'ont pas fait l'objet d'une telle prise en charge. Par suite, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à verser à Mme E... la somme de 7 027 euros.

10. Mme E... fait également valoir qu'elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant du port d'une prothèse provisoire inesthétique et instable qu'elle devait recoller régulièrement. En retenant une somme de 500 euros en réparation de ces troubles, le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Par suite, il y a lieu de maintenir à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse la somme de 500 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander que l'indemnité de 500 euros que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a mis à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, soit portée à la somme de 7 527 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 500 euros que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a été condamné à verser à Mme E... par le jugement du 23 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon est portée à la somme de 7 527 euros.

Article 2 : Le jugement du 23 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse versera à Mme E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

2

N° 19LY02481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02481
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-13;19ly02481 ?
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